Je
reprends mes esprits, et découvre que sur ce divan, je ne suis pas seule.
« -
Salut
- Heu
Salut
- Elsa
-
Géraud » (qui est en fait le pote d’un pote d’Ophélie)
Quelques
banalités et blablabla plus ou moins inutiles s’enchaînent.. Puis bien entendu
la question fatidique tombe.
« -
Tu fais quoi dans la vie ?
- Je
prépare des écoles de design industriel… et toi ?
- Je suis
artiste
- Ah...
- Je te
passe ma carte si tu veux
- Ok,
vas-y. Hum »
Le
lendemain soir, rebelote, nous nous revoyons dans le bar du pote d’Ophélie. Il
revient justement d’une entrevue pour une possible future exposition et a donc
ses travaux / œuvres avec lui. Je me frotte les mains, partagée entre l’envie
de voir un travail nul à chier (opinion personnelle n’en doutez pas) et de
découvrir quelque chose de bien.
Il sort
son lutin A3 et chaque page tournée me fait sentir de plus en plus ridicule et
admirative.
Chacun
ses goûts, mais j’espère que ça vous plaira!
Interview de
Géraud Soulhiol traduite du toulousain et retranscrite pour vos beaux yeux.
Je peux t’appeler Gégé ? On est presque intime maintenant.
J’aime pas
trop Gégé. Mais tu peux m’appeler Géraud si tu veux, c’est un vieux prénom du
Cantal.
(bon,
c’était ma question pour détendre l’atmosphère mais ça n’a pas du tout marché)
Oui. Pendant
les week-ends ou les vacances, j’allais chez mon meilleur ami qui n’habitait
pas dans la même ville que moi. On jouait dans les bois derrière chez
lui ; on appelait ça « La Forêt ». Les jours de pluie ou le soir
c’était activité dessin et ça venait substituer à ces jeux de guerre et de
bataille extérieure. Nos dessins étaient une sorte de prolongation de nos
jeux.
Tu dessinais avec lui ?
Oui,
ensemble, on prenait du papier accordéon, plein de feutres et l’on dessinait
des batailles dans le couloir. On choisissait un thème, chacun dessinait
son armée, parfois les cow-boys affrontaient les Indiens, d’autres fois des
militaires, ou les Romains se battaient contre les Égyptiens.
Qui est ce qui gagnait généralement ?
Il était
beaucoup plus appliqué que moi, alors que moi, j’étais plus dans un principe
mécanique. Mes petits soldats devenaient des pictogrammes, c’était plus une
accumulation, je dessinais plus rapidement comme j’ai pu le faire dans mon
dessin « LA BATAILLE ». (que vous découvrirez plus bas).
Donc je
gagnais.
Pas mal dans
les livres d’histoires, ce qu’on t’apprend à l’école, ou ce que l’on pouvait
regarder à la télé.. On faisait pas mal la Guerre du Vietnam, parce qu’on
regardait l’Enfer du Devoir sur la 5 « la chaîne à Berlusconi ».
(Raahhh si vous entendiez son accent toulousaing). On dessinait des chars, des
drapeaux et l’on refaisait la croix gammée sans comprendre ce que cela pouvait
représenter, pour nous ce n’était qu’un jeu. Mon travail actuel se base sur ce travail enfantin.
Les beaux-arts, ça t’as servi ?
Ça m’a servi
à avoir du temps, de l’espace pour développer ma pratique et à rencontrer des
professeurs, des artistes, des gens qui sont devenus mes amis. En arrivant
là-bas j’étais graphiste, puis il a fallu faire un choix, le mien a été de
développer un travail plus personnel.
LA BATAILLE
(click sur le dessin si tu veux voir le reste)
Alors, LA BATAILLE. Tu me disais que c’était un travail de mécanisation et de
simplification…
Oui, bah par
exemple, l’arbre que je dessine c’est juste l’image de l’arbre, ce n’est pas un
arbre en particulier, c’est plus celui que dessine un enfant : c’est un
rond avec une barre au-dessous et ça te fait un arbre. Cette utilisation de la
mécanisation du dessin me permet de prendre l’espace et il y a aussi l’idée du
temps du dessin. Je traite d’une manière toute aussi mécanique, les pylônes
électriques, les deux marchent pareils. Après il y a une véritable
interprétation de chacun. Quand les gens voient mes dessins certains disent
« Ah mais c’est un rapport nature - civilisation ».
LA FORÊT
(click coco)
Je pense à « LA FORET » qui est par ailleurs ton travail de diplôme
aux beaux-arts… Tu n’aurais pas été touchés par des débris de l’usine
AZF lors de son explosion en 2001? (blague qui n’aura pas créé l’effet
escompté).
Alors là,
pas du tout. En fait j’ai eu le déclic pour tout mon travail actuel quand je
suis parti en Ukraine. J’étais impressionné par toutes ces usines et ces fermes
en friche, on sentait vraiment la fin du communisme, l’abandon de pas mal de
choses. On abandonne une idéologie, pour partir sur une nouvelle, ce qui crée
de nouvelles ruines, temples qui seront redécouverts plus tard. J’ai cette même
fascination pour les parcs d’attractions abandonnés, ou même ces nouvelles
cités comme Dubaï, qui sont des mégalopoles sorties de terre au milieu du
désert et qui dans quelques années n’aura sûrement plus lieu d’être.
Les châteaux que tu dessines, ils existent ?
Ça dépend.
C’est un mélange entre réel et imaginaire, mais tout vient du réel au final. Je
n’essaye pas de faire de fantaisies ou d’inventer une nouvelle forme. Je joue
avec des images que je trouve sur Internet, des souvenirs, je dessine de
mémoire ce que j’ai pu voir et je tente de réinventer un édifice.
Tous ces arbres et pylônes qui tombent, ces statues et bâtiments en ruine + les
maisons et immeubles que tu as entourés de fils barbelés, ça crée en définitive
un no man’s land gigantesque. Tu laisses le visiteur un peu face à lui-même, en
fait.
Je suis
assez attaché au travail d’architecture, de miniature parce que, ce que j’aime
aussi c’est donner à voir. Et j’aime quand les gens rentrent dans le dessin. La
miniature c’est pouvoir renverser la monumentalité de ces bâtiments, de pouvoir
créer une déambulation positive ou négative et c’est aussi contrer le manque
d’espace dans mon atelier.
ARENA
(click sur Wembley)
Fais-
moi rêver, parles-moi de ta série ARENA!
Dans mes
dessins, il y a pas mal de ruines, comme une sorte de témoignage d’une bataille
qui a eu lieu. Avec les stades de fouteubôl, on est dans un collage
d’architecture. L’architecture qui a des liens très fort avec la religion,
l’industrie, l’idée de la citadelle imprenable, mais qui est détruite comme une
forteresse déchue laissée à l’abandon.
VANITÉS
Est-ce que tu bois beaucoup de café ?
Beaucoup de
café soluble oui. Je suis habitué à cette instantanéité du café soluble, t’as
juste à laver la tasse après.
Un matin mal réveillé, face à ton café trop dilué tu t’es dit « Et si je
faisais de la peinture avec du café !? »
Ahahah !
(en réalité ça ne l’a pas fait rire). En fait j’aime bien me créer de nouveaux
espaces de travail, d’où les sous-tasses. Je voulais me créer une petite
collection désuète, puis j’aime ce côté « assiette peinte ». Quand
cet ensemble est exposé, ça devient une nébuleuse de dessins, la sous-tasse
n’est jamais présentée seule.
Tu fonctionnes comment pour tes dessins ? J’ai l’impression de tu y vas à
l’instinct.
Je fais ça
un peu selon mon humeur, oui, mais il y a des thèmes qui ressortent. Mon
travail marche un peu comme une arborescence, je vais essayer quelque chose de
nouveau, une nouvelle branche. Je suis en train de développer un nouveau
travail qui s’appelle LA VUE. Je suis plus dans le paysage qui est un mélange
entre réel et imaginaire, comme si on était dans une espèce de voyage et qu’on
regardait à travers un hublot.
Maintenant, est ce que tu mélanges ton sucre à l’aide d’un pinceau ?
Non !
haha (il a ri, wout-wout ! victoire)
Ses expositions
Où est ce qu’on peut voir ton travail à part dans ton lutin ?
Je viens
juste de commencer. Ça ne fait même pas 1an que j’ai présenté mon travail pour
la première fois. L’année dernière j’ai montré mon travail, au Salon Montrouge,
au Festival Gamerz… Cet été je suis en résidence chez ma mère, donc vous ne verrez pas mon travail avant l'automne, à moins que vous ne tombiez amoureux de mon travail..
Géraud
Soulhiol, l’homme qui travaillait sur le réel, l’imaginaire, la bataille, la
guerre, l’énumération, l’accumulation, la colonisation, la prolifération, la
construction, la destruction, la nature, la civilisation.
« JE
DESSINE DES BASES ET DES ARMEES voilà » G.S.
Check
quelques trucs cool :
Géraud Soulhiol (si tu n'as pas compris où il fallait appuyer)
Marcel
Storr (il est mort alors Google image t'aidera)
(c) Liliane et Bertrand Kempf
Dessin du
Jour (si t'as pas Fcbk t'es dans la merde)
Nicolas Jaoul (le mec du Dessin du Jour)
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