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lundi, 02 février 2015

BCBG, interview

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Salut BCBG, vous avez sorti un nouveau 7″, « Noces d’argent ». Pourquoi, comment et où a-t-il été enregistré ? On aimerait savoir s’il s’agissait d’un évènement chic et faction, avec champagne et caviar.

M : C’était plutôt yoga et camembert. On a enregistré dans la maison de ma grand-mère, été 2013. Il y a une dépendance vide qu’on occupe, avec des fantômes à l’étage. On a mixé ensuite les morceaux à Berlin. J’y ai habité quelques mois, et rencontré un ingé son grec, Lyk, qui vit dans cet immense bâtiment d’ateliers-logement pour artistes, qui ressemblent à des bureaux avec moquette, au milieu d’ étages entiers vides. Il y a une vue imprenable sur Tempelhof, c’est un lieu assez étrange. Lyk y mixe de la techno toute la journée, en buvant du café turc et en fumant des joints.

S : Il faut noter l’aide du bon vin de Bourgogne dans la conception de ces titres et les émissions de radio obscures. Les premières notes de Astral Cities sont venues après avoir écouté un morceau de chant sacré.

Donnez moi quelques détails sur votre histoire criminelle, quel est votre passé choquant, les groupes dans lesquels vous jouiez ? Qu’avez-vous retenu de ces groupes, de ces expériences, et comment cela se traduit dans l’univers de BCBG ? Avez-vous échappé à des groupes précédents, comme on le fait d’un immeuble enflammé ?

M : J’ai fait partie de Pussy Patrol, d’Eyes Behind et aussi de Water Sark, projet que j’ai pas continué. Il est question qu’on ressorte des morceaux avec Olivier, et sinon j’ai recommencé à faire des films donc mon temps pour la musique est plus réduit. Un groupe qui se termine, c’est quelquefois un bâteau en feu, on y laisse une partie de soi en sautant du ponton, mais la mer est grande, on ne doit pas toujours se retourner. Avec BCBG, on est 2, et on est pas un groupe de rock. On n’avait pas nos amplis à la résidence où l’on a commencé ensemble, donc on a fait avec, sans nos guitares, en exploitant le reste, les mélodies, le kitsch, notre goût pour la lévitation…

S : Moi, j’ai fait de la prison à Tallinn. Feu Machin était un groupe enflammé, on a brulé des amplis, avec BCBG c’est plus des cierges.

Quelles sont les inspirations clés pour le groupe ? Je suis curieux de savoir où les choses sont piquées, recyclées, et reproduites en un produit entièrement unique. Un peu comme de mettre tous tes disques dans une machine à laver, d’appuyer sur la fonction essorage, et de prier pour que des vêtements neufs en ressortent.

M : BCBG est vraiment l’alliance de deux pedigrees, un peu comme eux :

J’aime bien la pop 60s, le post-punk, et puis aussi Stereolab et Laëtitia Sadier, Julianna Barwick, Julia Holter, Elizabeth Fraser de Cocteau Twins, je suis une pure fan de ces voix-là et des jeux qu’elles proposent, ça exprime une féminité puissante, c’est chargé, ça explose, ça s’envole. Et puis il y a la musique que je dirais psychédélique, dans ma tête ça englobe Can, Black Sabbath, Kyuss, et par exemple Allah-Lahs, ça me parle beaucoup, les effets sonores, les mélodies répétitives, le désert, la chemise ouverte, la sueur sur le front.

S : Ma seule réponse à cette question c’est Jean-Michel Jarre. Beaucoup de musiciens français semblent chanter en français à nouveau en ce moment. Les morceaux « Jaune de Naples » et « Désert Narquois » sont en français. Est-ce que les jours du broken english sont terminés ? Est-ce qu’on y voit un retour à une fierté culturelle, voire patriotique ?

M : Patriotique ce serait pousser mémé dans les orties, mais avec un projet comme BCBG, qui est plutôt récent, on a fait un pas vers la langue française, comme un territoire qu’on aime explorer davantage. Le fait de chanter en français pousse à réinventer une identité sonore et modifier des habitudes. On a choisi de faire tout le prochain album en français, histoire de se coltiner à fond sur la question. Si tu chantes en français, tu te confrontes aussi à ton héritage musical français, celui que tu assumes moyennement, ça te pousse à le revisiter. Ma mère écoutait beaucoup Etienne Daho dans les années 90, j’aime pas tout chez lui, mais je suis éternellement marquée par sa voix, et une photo de lui, avec une coupe improbable et un chat entre les bras, cette alliance de douceur et de jeune homme, c’est inspirant. Quelquefois quand j’écris en français, je me dis « ah mais non c’est trop de la merde » alors on rature, on essaie de rester abstrait tout en parlant d’un truc précis, ou bien on choisit des paroles tout en sachant que ça va sonner kitsch. Il y a un vrai défi psychologique disons, j’ai l’impression de devoir trouver des astuces.

Vous avez tous deux effectué une tournée en Israël l’année dernière. Je suis curieux de savoir ce que les gens ont pensé de vos concerts là-bas. Est-ce que vous avez prévu de vous relocaliser dans le désert ?

M : À Tel Aviv, le public était plutôt rock donc certains quittaient la salle. C’est à Jerusalem qu’on a eu un vrai accueil je dirais, il y avait des mecs et des filles qui tournaient la tête avec les bras en l’air, c’était génial. Après ils nous ont fait boire donc je me rappelle plus. Ensuite on a titubé le long des remparts, en cherchant le bus. Là-bas, les jeunes se sentent souvent dégoûtés face à la marche de leur société, la tension est palpable dans la rue. En dehors de ça, l’image du désert est intéressante, car elles a deux côtés, son immensité magnifique, son appel cosmique, et en même temps son côté inquiétant, qui peut t’avaler. Tu peux t’y perdre, des pirates du désert peuvent t’attaquer ou tu peux te faire enlever. C’est chaud le désert.

Par ailleurs, pourquoi vous n’avez jamais joué en dehors de Paris en France ? Donnez aux gens ce qu’ils veulent voyons. Allez jouer dans les vignobles bordelais, bon dieu. Présentez vos excuses.

M : On n’a sorti que 2 EP, et on n’a pas de label français, donc c’est plus difficile. Les gens qui organisent en région changent beaucoup, ou arrêtent, souvent. Du coup, si on monte des tournées, on essaie d’aller dans des endroits exotiques, mais c’est surtout pour le plaisir de voyager, et de rencontrer les gens de l’underground ailleurs, ça fait respirer la musique je trouve.. On aime bien boire le vin bordelais, le Pomerol ou le Sauternes, car comme le dit ce morceau médiéval, l’eau ne fait rien que pourrir le poumon.

S : Entre tous les projets que j’ai eu sur des centaines de concerts, j’ai bien du en jouer 98% à l’étranger. En France, peu de prises de risque sur les petits groupes, manque d’infrastructures variées, conditions peu adéquates … Même si le peu qu’on a fait était mémorable, notamment le Baléapop, meilleur festival français. Et puis on a joué à Montreuil et Mantes-La-Jolie. La dernière sortie a été réalisée sur un label australien Glenlivet-a-gogh.

Votre ancien clip « White trees » a été réalisé par Angela Garrick (Straight Arrows, Circle Pit, Angie). Que se passe-t-il entre BCBG et les australiens ?

M : BCBG a formé une sorte de pacte avec les australiens, un « friendship bracelet » comme ils disent. Leur côté relax max, leur enthousiasme et leur bonne descente, en font à nos yeux de bons vivants. Ce sont aussi des champions du DIY, et si un truc n’est pas parfait, ils le sortent quand même, c’est pas grave s’il y a des défauts, du coup c’est encourageant à mettre en perspective avec nos petits complexes. Voilà ce que ça donne de grandir près de la mer, des gens assez à l’aise dans leurs baskets : « Vas y t’inquiète, on va fumer un joint sur la plage, on va s’ouvrir une petite bière, et on ira sur la montagne à l’aube. » Pour le côté sombre de la société australienne, il faut regarder Wake in fright.

S : J’ai fait ma meilleure tournée en Australie. No limit. Il y a comme un aimant entre nous.

Est-ce que c’est difficile de faire de la musique à Paris ? Il semble qu’aucun de vos enregistrements n’ait été fait ici ? Est-ce que vous aimez y vivre même ?

M : Ce n’est pas simple, d’abord pour une question d’espace. On vit dans des 20m carrés. On n’a toujours pas résolu ce problème. Quand on peut, on part en Bourgogne, avant que la maison de mamie ne soit vendue. C’est une formule qui nous réussit mieux qu’entre deux boulots ou deux métros, à Paris. Après, ben moi j’aime bien Paris, c’est un petit gâteau à plusieurs couches car j’y ai tous mes amis et pleins de repères. Sous un certain angle, c’est une ville qui peut rendre un peu stupide ou névrosé, mais j’y trouve une émulation, c’est là que petit poisson est dans son bain.

S : Je puise beaucoup d’inspirations dans cette ville très riche, mais paradoxalement je n’arrive pas à y créer. La lumière est magnifique, et les Parisiens sont fous. Est-ce que l’on peut attendre certains concerts en France puis en Europe ? Donnez nous une vision des futurs plans de BCBG. Dévoilez vos secrets. Vous ne pouvez plus vous reposer les pieds en l’air sur la Riviera désormais.

S : On attend de sortir un long format avant de tourner je pense, et en attendant on va très probablement tourner Noces d’Argent en Australie cet été et dans le coin en Océanie, on se reposera les pieds en l’air sur les plages de la Bay of Fires. En attendant, pour les Parisiens, on joue le 27 janvier à l’Espace B avec nos amis irlandais de Low Sea.

Que voulez-vous que les gens s’imaginent quand ils écoutent « Noces d’argent » ? Au cas où l’auditeur n’aurait pas d’imagination…

M : J’aimerais qu’il l’écoutent comme une célébration, un truc de danseuse rusée de Bollywood, pleine de strass, ou comme l’image d’un soufi heureux, qui tape la terre avec sa djellaba. Jaune de Naples c’est une chanson d’amour, comme si tu faisais du vélo à travers les arbres et qu’un orchestre jouait une ritournelle sur le trottoir. BCBG c’est le support de nos idées perchées.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com