» L’innocence d’un corps nu, dévergondé, l’implicite désir, des mains qui se cherchent sous les couvertures de laine, un terrain vague pourri par le feu et les débris de verre, un chemin à travers les bois que l’on connaît par cœur mais qui nous angoissera toujours. Serrant notre gorge du bout des lèvres.
La force qu’il faut pour se tenir debout, la bouche tordue d’un sourire au soleil, tranchant avec la poussière, des tours de quartiers les genoux brisés, les premières émotions refoulées, la boule au ventre et les pieds lourds de la nuit précédente, les yeux brûlés des douces vapeurs, les frissons d’une caresse inconnue, qui partent du bas ventre et glace l’échine. Trois heures du matin et le silence du monde entier comme théâtre, les éclats de graviers dans les paumes et la commissure des lèvres, amer.
le liquide chaud qui se fait froid, âpre et dur, béton armé.
des doigts qui cassent sous la bêtise, des chevilles aux angles désaxés, des pommettes pourpres et bleues nuit qui se confonde entre les dalles.
Et contre ça, toute la douceur des peaux humides, perlées de désirs.
Des torses pâles, presque laiteux, sans l’ombre d’un doute.
Là où les après midi s’étalaient dans le lointain, on n’entendait plus que le métal qui tapait contre l’asphalte, et le bois qui, parfois, éclatait comme des pétards.
Des alentours, au détour des rues, ou les étoiles sont des crachats, et puis plonger, en avant.
C’était ça nos images, il n’y avait rien à créer.
Quelque part en chemin, il semble que l’on sème cette innocence au profit d’une maturité incertaine. Que faire maintenant si ce n’est se retourner, sans cesse, pour essayer de regarder son ombre. Celle qui, supposément, renfermait la mémoire de l’âme.
Et doit garder en elle cette insolence, si j’arrive à la voir, seulement d’un coup d’œil, je m’en retournerais rassurée.
Je regarde ces corps tendus, immobiles, qui s’évaporent en ne laissant derrière eux que l’affront d’un temps révolu.
Je me souviens de leur beauté, garçons pas encore homme, dont tout inspire l’éphémère, cette absence de brutalité, cet animalité latente, la naissance de leur muscle, le dessin de leur torse qui se trace à coup de course effréné.
Je me souviens l’image qui s’applique sur le paysage lorsque le flash les fige dans la nuit. De l’amour qui ne paraît pas, mais qui est bien là, de cette fraternité et de cette sensation d’appartenir à un symbole plus qu’à une communauté. «