Ça fait trois mois que j’mets le même jean dégueulasse. Trois mois que j’me maquille plus. Trois mois que j’me cache derrière des vêtements informes parce que j’ai juste pas envie d’faire d’effort. J’suis pas d’humeur vous comprenez ?
C’est l’hiver. Et l’hiver t’es moche. Y’a rien à y faire.
Moi ça j’l’ai bien compris. Du coup, j’fais même pas d’effort pour être belle. Comme ça, j’ai une excuse pour être moche. Je peux me rassurer en me disant que si je dégoute, c’est parce que je l’ai choisi, un point c’est tout. J’suis pas moche en vrai.
Rien de tel pour réchauffer un peu mon coeur l’hiver.
Mais un matin, prise d’un élan d’amour propre -bon ok, pas vraiment d’amour propre, je suis tombée raide dingue du mec de la boîte d’à côté la semaine dernière, et il vient faire un debrief dans nos locaux tous les jeudis-, je décide de faire péter la mini. La quoi ? Bah la mini. La mini-jupe, c’est comme ça qu’on dit quand on est hype non ?
Bref, j’ai acheté cette jupe toute simple en coton noir il y a 3 mois avec ma pote Noémie.
C’est elle qui m’avait convaincu :
« Ca va pas toi ! C’est les pouffasses qui portent ça Noémie ! »
« Mais non, regarde-moi ! Allez, prend-là elle est à 5 euros, tu mets ça avec un gros pull et c’est canon ».
Ah bon.
Ce matin-là donc, j’enclenche le mode « mise en beauté spéciale j’veux choper le mec de la boîte d’à côté » : une bonne douche, un bon make-up bien lourd et j’enfile ce petit bout de coton.
Wow.
C’est….c’est court hein ! Et puis, ça moule dis donc! Je me mate vite fait dans le miroir.
« Heuuu pourquoi mon arrière-train a l’air aussi gros que dans mes joggings dégueulasses ? »
« Roh arrête un peu, tu psychotes, elles sont belles tes fesses. Grouille t’es en retard »
(Ah oui vous noterez au passage que :
- d’une part j’suis ce genre de meufs qui trouve toujours son cul trop gros, et qui énerve plein de monde parce qu’en vrai son cul, ben il est pas gros du tout ;
- et d’autre part, que j’fais partie d’ces filles si accoutumées à la solitude qu’elles ont pris l’habitude non seulement de se parler, mais de se conseiller et de se rassurer elles-mêmes. Je suis un peu ma meilleure amie vous voyez).
Hop un gros pull, ainsi soit-il, mon sac et en route.
À peine sortie, je sens un premier regard d’homme sur moi (sur mon pétard quoi). Hmm. Pas désagréable.
Puis un deuxième.
Puis un troisième.
Merde tous les mecs me relookent. Surtout ceux avec leur tête de pervers! Pouah.
En même temps, c’est l’jeu ma pauvre Lucette! Tu sors la mini, c’est bien pour qu’on t’mate le popotin non ? Assume maintenant. Par contre, là, ça devient bizarre sérieux. C’est gênant quand même, même les femmes s’y mettent. J’accélère et j’arrive dans la station de métro.
Je jette quand même un rapide coup d’œil à mon allure. Wooooow, d’accord! Comment j’pouvais savoir moi? J’en mets jamais des minis. Mais apparemment, faut pas bouger avec ces trucs-là … Ma jupe m’arrive au milieu du ventre, et on voit clairement mon cul là ! Tout s’explique…
Je tire donc sur ma jupe avec une nonchalance (oui à mes heures perdues, j’ai un peu de vocabulaire) qui m’était encore inconnue.
Ce geste allait rapidement me devenir très familier. Je le réitérais -heure perdue- une petite centaine de fois pendant la journée. Et je n’étais pas au bout de mes peines. Arrivée au boulot, j’ai le droit à un sourire plus charmeur (violeur) que jamais de mon boss, au regard moqueur (jaloux ! pfff) qui vous donne l’impression d’avoir 10ans 1/2 de ma très chère collègue, et à celui trop sexuel (SEXUEL) du mec de la boîte d’à côté. Berk, j’l’aime plus.
Roh … et puis merde, j’les emmerde tous. Je feins -heure perdue- de ne rien voir. Le plus important pour effacer le ridicule étant de l’assumer pleinement. Je m’assois à mon bureau. Ouf. Sauvée. Sauuuuf… quand tu décides de te lever.
Heureusement, j’avais mis ma belle culotte au cas où le mec de la boîte d’à côté tombait sous mon charme fou, et me faisait l’amour dans les toilettes. Très vite, je choppe une technique ultra-efficace : quand je veux me lever, je place mes mains sur le bas de ma jupe, et je tire d’un coup sec en me levant. La grande classe.
Je me lève, je tire. Je marche, je tire. Je m’assois, je tire.
Aucune allure. Et puis j’finis par me lasser. En fin de journée, je ne prends plus la peine de cacher quoi que ce soit. Et j’avance la tête haute. Le cul plus bas. Tout le monde regarde ma petite lune, mais ça me fait plutôt marrer. Il suffit d’se considérer comme une bonne grosse blague vivante en fait.
Et puis j’y ai trouvé mon compte en définitive : avec une mini, plus besoin de me maquiller : PERSONNE N’EN A RIEN A FOUTRE DE TA BOUILLE QUAND ON PEUT VOIR TON BOULE (poète aussi, -à mes heures trouvées-).