Cher Johnny,
Ca va faire bientôt une semaine que je me répète en boucle cette lettre dans la tête en me disant mince écrit-la avant qu’il soit trop tard. J’imagine qu’il est maintenant trop tard et que ces lignes seront perdues au milieu des reportages hommages Gala et Paris Match, mais écoute elles auront le mérite d’exister si un quelqu’un décide de fouiller google de fond en comble.
Ne me demande pas d’où me vient ma tristesse
Ne me demande rien tu ne comprendrais pas
On s’y attendait, on ne va pas dire qu’on ne l’avait pas vu venir, pourtant je t’avoue qu’une part de moi espérait vraiment fêter tes 80 ans au Stade de France. Tu fais chier à pas être immortel, tu pourrais penser à tes fans merde ! Mon dieu, tes pauvres fans. Tu réalises le vide ? J’arrête pas de penser à eux, comment ils vont supporter les reprises pompeuses, les hommages bidons de politicards, les couvertures de Télé7Jours et la course aux jeux de mots twitter à base d’allumer le feu et de vivre pour le meilleur.
On a respecté les fans de David Bowie ou Prince, mais les tiens sont relégués au rang de caricatures qui chantent faux Que Je t’Aime dans Confessions Intimes. Souvent avec l’accent chti pour en remettre une couche. « Mais ton mec et toi vous êtes fans de Johnny mais c’est différent, t’es pas fan fan comme eux ». S’ils savaient.
S’ils savaient ce que tu représentes pour eux et pour nous. Moi je pense que tu le savais. C’était obligé que tu le saches, sinon comment expliquer que tu nous donnais autant sur scène ?
Je sais pas trop comment te décrire ce que tu représentais sans virer dans le mélo. Faudrait que Jean-Jacques Goldman me fasse un refrain ou quelque chose mais il a pris sa retraite, merci super. Toi t’as jamais pris ta retraite, rester vivant.
T’as été là tout le long pour deux générations, c’est incroyable quand on y réfléchit.
Enfin les autres générations je m’en fous aujourd’hui, je te dirais.
T’as eu un paquet de mariages à ton actif, cher Johnny, mais je me permets d’en rajouter un à la liste. Je te rajoute le mien en italique, entre parenthèse, entre Adeline et Laetitia.
Tu sais, dans les débuts de relations il y a toujours le stress du cadeau d’anniversaire que tu vas offrir à l’autre : tu veux montrer que tu tiens à lui mais en même temps pas trop trop quand même genre hé cool je suis cool je suis pas à fond c’est faux arrête c’est juste un petit cadeau comme ça vite fait. On en était là avec mon copain en mai 2011 (me demandez pas de compter mon âge à cet anniversaire, ça va me déprimer)(ohlala 26 ans j’étais un bébé !)et il m’a offert des places pour Johnny au Stade de France… en juillet 2012. « oh wow mais tu crois qu’on sera encore ensemble ? ohlala mais TU M’AIMES ALORS ? ». Tu vas rire mais turn’s out qu’il s’était juste trompé d’année en achetant ahahah.
Bon an mal an, nous voilà encore ensemble en Juillet 2012 pour fêter tes 69 ans et pleurer sur Quand on n’a que l’Amour. Complètement amoureux de toi, de tes fans extraordinaires (et aussi un peu l’un de l’autre quand même), on décide de te revoir 6 mois après à Toulouse et de continuer notre aventure :
2014, le curé refuse Allumer le Feu comme chanson de sortie d’église pour le mariage – bon tant pis on se rattrapera en mettant Gabrielle entre chaque plat pendant la soirée.
2015, mon mari va te re-re-voir en concert sans moi mais c’est pour la bonne cause, je suis enceinte énorme épuisée - et puis c’est pas grave, y en aura plein d’autres ! (spoiler : non)
Et mon préféré : Mai 2016 et les contractions à fond les ballons. Evidemment qu’il a trouvé drôle de nous mettre Je suis né dans la rue très fort pour le trajet en voiture.
Tu vois, t’étais toujours là.
Je t’ai dit que le deuxième prénom de la petite est Gabrielle ?
Aujourd’hui j’ai mal au ventre.
J’ai mon mari qui pleure à la maison devant BFM avec sur les genoux le chat (Johnny, évidemment)(tu l’adorerais, il a un bandana autour du cou) et je n’arrête pas de recevoir des messages gentils de gens qui pensent à moi. Et à nouveau, je peux pas m’en empêcher, je me remets à la place de tes fans que j’ai rencontrés au fil des années . Aux motards qui suivaient toute ta tournée en y mettant tout leur salaire et tout leur cœur, aux tatoués qui ont appelé leur fille Laura ou Sarah, aux sosies avec des balayages maison, aux premières danses sur Je te Promets et aux blousons à franges avec un bel aigle dans le dos. J’imagine leur vide, je me demande quelle est leur chanson préférée de toi ? Et laquelle ils écoutent en boucle aujourd’hui ?
Tu as donné un sens à un tas de vies. C’est fou hein.
The French Elvis, J’adore quand ils t’appellent comme ça dans les biographies. Il ne te manque qu’un Graceland pour qu’on aille se recueillir, tu fais chier franchement, on va aller où nous ? En même temps comment t’aurais pu y penser, t’étais trop occupée à préparer ta prochaine tournée. C’était les Zénith tes Graceland, quand tu criais Salut Clermont à St Etienne.
Je te remercie pour tout ça, Johnny.
Je te souhaite de faire de sacrés bœufs avec Elvis, nous on va continuer de t’écouter nous chanter qu’on a tous quelque chose de Tennessee. Parce qu’il faut, on continue sans toi. J’ai plus de RTT et y’a pas eu de deuil national alors j’écoute les avis de chacun à la machine à café. Et c’est du jamais vu, tu sais, cette quantité d’amour et de souvenirs qu’ont les gens pour toi !
C’est facile mais j’ai envie de te dire qu’on a tous en nous quelque chose de Johnny.
A vous autres, hommes faibles et merveilleux
Qui mettez tant de grâce à vous retirer du jeu
Il faut qu’une main posée sur votre épaule
Vous pousse vers la vie, cette main tendre et légère