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mardi, 15 mai 2018

Corée du Nord : le nouveau Mykonos ?

Cet été vous comptez rendre jaloux tous vos followers instagram (et votre ex) mais vous en avez marre de la traditionnelle photo de cuisses parfaitement épilées sur fond de mer Méditerranée; et bien ne cherchez plus ! Partir en Corée du Nord s’est le nouveau must. Pour environ 1300 euros une agence nord-coréenne s’occupe de votre visa et vous propose une semaine dans le pays le plus fermé au monde. Vous trouvez que ça n’a l’air pas très fun et bien détrompez-vous ! Il y a de multiples activités proposées aux touristes (oups on a dit « proposées » ?), on y mange bien et l’alcool y est dérisoirement peu cher. Le tourisme en Corée du Nord, c’est ce qu’a tenté Louis*, étudiant en grande école parisienne. S’il a trouvé qu’il était surprenant de se faire servir un hamburger, nourriture traditionnelle du génie du mal capitaliste américain, dans le vol Pékin – Pyong Huang, il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il allait vivre ensuite.

Pyong Huang, la capitale

Son premier contact avec la frontière nord-coréenne ne le surprend pas: on lui fait sortir ses livres pour en noter les titres et on vérifie son matériel électronique, appareil photo et portable. Jusque-là rien de choquant, Louis sait qu’il s’apprête à passer ses vacances en dictature. Il s’amuse du fait d’avoir encore du réseau à la frontière et de pouvoir même envoyer un texto, ce qui ne fut plus possible par la suite. On lui présente un groupe accompagné en permanence de deux guides, « très charmantes d’ailleurs », et dont il ne peut se séparer du séjour. La joyeuse bande a un programme chargé et se déplace avec un bus apprêté spécialement pour elle mais aussi en métro ou à pied. Le métro rouge et vert de Pyong Huang est décoré de fresques murales représentant les leaders « libérant » le peuple. Ce genre de fresques est très présent dans tout le pays.

Sur place le téléphone est autorisé mais son utilisation est limitée puisqu’il n’y a de réseaux nulle part. Pour communiquer avec ses proches il a le droit d’utiliser le téléphone payant de l’hôtel ou d’écrire un mot sur une feuille de papier qu’il doit donner pour permettre à son message d’être envoyé par mail. L’hôtel est assez « luxueux ». Le dirigeant est présent en photo dans toutes les chambres et notre étudiant hérite d’une photo du dirigeant tout souriant assit sur un lit d’enfant sur fond rose bonbon.

Louis est surpris d’une certaine liberté de photographier qu’il n’imaginait pas, même si on lui prend sa caméra dans certains bâtiments. On lui dit quand même que les photos à l’effigie des leaders ne doivent pas être coupées -il n’a pas tenté de désobéir.

Pour faire des rencontres, Louis s’est un peu trompé de destination. En plus du fait que Tinder ne marche pas en Corée du Nord, il est presque impossible de parler avec les locaux à cause notamment de la barrière de la langue « on ne peut pas être sure de ce que nous traduisent les guides ». Par contre certains étudiants nord-coréens étudient l’anglais et le français. Louis nous assure avoir trouvé des livres occidentaux à la faculté de langues, comme « l’Encyclopédie complète du poulet » en anglais - on se pose néanmoins des questions sur la pertinence des ouvrages consultables. « On a même écouté les Beatles en amphi ».

En apprendre plus sur la culture occidentale avec « l’Encyclopédie complète du poulet »

L’étudiant a essayé de s’intéresser à la religion du pays mais n’a pas trop compris. Il pense qu’il s’agit d’un mélange de communisme et de culte de la personnalité. On lui a cependant dit que les bouddhistes ont le droit de pratiquer leur religion tant qu’ils ne cherchent pas à convertir les autres, et il a d’ailleurs visité un temple.

Ses journées sont divisées entre visites culturelles et divertissements en tout genre. L’architecture soviétique des années 70 l’a beaucoup marqué, « ça nous renvoie à une autre époque comme via une faille spatio-temporelle. ».

Le mausolée des leaders est un des monuments les plus importants qu’il a visité, il est cerné de militaires et on y entend une petite musique en continu. Un triste Disneyland pour certains, une « ambiance mystique » selon lui.

Toujours accompagné de son groupe, Louis s’est rendu au bowling, au cirque, au parc d’attraction, et au parc aquatique ; comme pour faire oublier aux touristes la misère et la dictature régnant dans le pays. La bande s’est surtout bien amusée à l’hôtel où elle a fait des karaokés avec des militaires nord-coréens en buvant de l’alcool à 45 degré payé 50 centimes la bouteille de 70cl. « 3 euros la cartouche de cigarettes c’était pas mal non plus. » Soi-disant les plus grosses cuites de sa vie, -mais il faut faire attention à ne pas laisser l’alcool nous faire chanter l’hymne américain ou arracher une affiche du parti (on se souvient tous de l’étudiant américain mort en prison pour ce « crime »).

La nourriture traditionnelle coréenne est le barbecue coréen (aussi présent dans le nord que dans le sud) et Louis nous assure de « n’avoir jamais aussi bien mangé ». Il nous confie avoir aussi mangé du chien pour l’expérience (on s’excuse auprès des vegans, amis des animaux et autres Brigitte Bardot). En Corée du Nord on peut trouver des sortes du fast-food ou même des genres de Starbucks où l’on peut prendre son café latté pour aller au travail, Gilmore girls style.

Côté politique, Louis c’est rendu en Corée en aout 2017 lors du pic de tensions entre Trump et Kim Jong Un. Il pense qu’on ne devrait pas avoir peur de la Corée qui n’est selon lui « pas un pays offensif », mais « un pays qui a conscience d’être une petite puissance et qui ne cherche qu’à pouvoir se défendre si on l’attaque ». –Comme on n’a pas fait de karaoké avec de hauts dignitaires militaires coréens, nous on se méfie quand même.

Quand on lui demande ce qui l’a la plus marqué il nous répond que beaucoup de citoyens sont armés, « J’ai croisé des groupes de petites écolières avec une kalachnikov dans le dos. Ça ne choque personne là-bas, c’est la norme. ». Il a pu prendre en photo les écolières dans leurs jolis uniformes mais pas les armes, étrangement.

Il s’est aussi rendu à des spectacles de propagande où il a pu admirer des enfants danser déguisés en pingouins ou chanter en uniforme devant un diaporama de photos de missiles balistiques. L’éclate.

L’endoctrinement dès le plus jeune âge fait que le régime marche « bien », selon notre étudiant. Il n’y a que peu de délinquance, et « pas un papier par terre ». « Tu vois des trucs ici que tu ne verrais jamais en France, par exemple des gens vont volontairement tondre la pelouse des espaces publiques ou balayer la rue. ». « Volontairement », on y croit moyen.

Pour conclure Louis nous a dit que la Corée c’était « funky » (non ce n’est pas le terme que j’aurais employé). Il reconnait avoir ressenti la censure dans le fait de ne pas pouvoir se promener seul et de devoir aller là où on lui disait mais n’a pas tellement trouvé ça gênant. La Corée du Nord c’est donc plutôt sympa en tant que touriste -et carrément plus original que Mykonos- ; mais certainement pas pour y vivre comme le prouve les milliers de coréens qui tentent de fuir chaque année en passant par la Chine et en y trouvant souvent la mort.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com