«Salut, je m’appelle Léa et j’ai 24 ans. Je suis célibataire et j’ai envie d’être en couple, alors je me suis dis: pourquoi ne pas essayer Tinder? La plupart de mes potes m’ont découragée de chercher l’amour sur cette application, qui semble avoir super mauvaise réputation: tu ne vas tomber que sur des boloss ou des gros dégueulasses qui vont te baiser et jamais te rappeler, etc. Alors j’hésite, et puis je sais pas vraiment comment m’y prendre. T’en penses quoi toi?»
Salut Léa. J’utilise Tinder par intermittence depuis 2013, et ce qui m’a le plus frappée je crois, c’est la constance avec laquelle absolument tout le monde semble avoir les mêmes a prioris que tes potes sur le sujet, tout en s’adonnant quand même à ce sport devenu national qu’est la course aux matchs. Sur Tinder, «ya que des boloss», mais moi j’y suis, et toi aussi, et, tiens, ce mec trop cool de ta promo, aussi? Sur Tinder, «tout le monde cherche un coup d’un soir bien crado, surtout les mecs», mais la meilleure amie de ma cousine vient de se pacser avec celui qui a d’abord été son Tinder-date, et pour ma part je ne compte plus les profils masculins précisant «CDD s’abstenir» ou «si tu cherches un plan cul passe ton chemin».
Tinder n’est pas un entre-soi, et c’est en cela que ça peut-être déstabilisant, voire rebutant. Mais c’est parce que Tinder, c’est comme la vraie vie: tu croises des beaufs qui paradent fièrement avec un espadon fraichement pêché à la main (bon, ok, ça arrive moins souvent dans la rue), des abrutis qui mettent une photo de leur caisse avant une photo de leur gueule parce que c’est bien connu, ya que ça qui nous intéresse, nous les meufs! Sans oublier des kékés à la pelle, moue à la Justin Bieber millésime 2012, MySpace angle et filtre sépia, tatouage chiffres romains apparent… Oui, tout ça. Mais ça n’est pas pire que de sortir en boite (enfin, je crois, car ma dernière sortie en «boite» remonte à ces soirées gothiques sur une péniche parisienne - et je vous parle d’un temps que les gens nés après la mort de Kurt Cobain ne peuvent pas connaitre): il faut faire du tri, fouiller même, pour tomber sur quelqu’un de cool, qui te ressemble un peu et qui te fait rigoler un minimum. Bah ouai, Tinder, c’est du boulot!
Et comme pour tout vrai boulot, il y a certains écueils à éviter. Par exemple, il ne faut pas aller trop vite dans le swipe à gauche (= le «nope») car souvent les photos les moins tape-à-l’oeil sont celles des mecs peu à l’aise avec l’outil mais qui méritent quand même qu’on leur accorde de l’intérêt, ou celles des gens un peu «décalés» (denrée rare mais bien réelle) qui attendent de toi que tu sois un peu curieuse et que tu ne t’arrêtes pas à leur première profil pic. Un peu comme quand t’es en soirée, et que ce mec ultra dragueur et sûr de lui te saoule, mais que tu spottes dans un coin un mec discret mais mignon, qui, lui, n’oserait jamais t’aborder… Tinder, c’est aussi particulièrement chronophage: on a vite fait d’y passer une soirée entière (surtout au début, en phase de découverte), et de réaliser non sans un certain désespoir qu’on a pas touché à ce bouquin qu’on voulait terminer ni regardé ce film hyper cool qui traine sur la clef USB depuis 15 jours. Ce que je te conseillerais donc, pour éviter d’arriver rapidement à l’inévitable sensation d’overdose provoquée par ces dizaines d’amorces de conversations un peu monotones, c’est d’y aller mollo. De se donner par exemple un temps quotidien ou hebdomadaire à ne pas dépasser, du style: une petite demie-heure le soir avant de te coucher, en désactivant les notifications qui viendraient éventuellement parasiter ta journée et ta concentration. Quant à ton profil à toi, je crois que ce qui est essentiel, surtout si tu as des réticences à te lancer dans le «online-dating» à la base, c’est de faire simple et surtout ne pas essayer d’en mettre plein les yeux. C’est à dire: une description brève et second-degré pour montrer que t’es une fille cool et marrante (avec pourquoi pas un détail un peu débile à ton sujet du genre «J’ai été déléguée en 4ème» qui en plus de constituer un bon conversation-starter découragera les mecs dépourvus d’humour - parce que tu veux pas d’un mec pas drôle, si?), 4 à 5 photos (dont une en pied) sans trop de filtres, retouches, etc. Pourquoi? Parce que quand on se construit un alter-ego virtuel clairement «fake», la peau lissée par un effet Snapchat et la silhouette affinée par un angle trop flatteur, on est encore plus stressée et mal à l’aise au moment de passer à la rencontre IRL (= «In Real Life»), car on a peur de lire la déception dans les yeux de l’autre (c’est la plupart du temps déjà assez désagréable d’être soi-même déçue par ce qu’on a en face de soi, hein!). Donc, pour résumer: des photos jolies mais pas trop mises en scène, et pour les choisir, rien de tel que de demander l’avis des potes, qui te diront si cette photo de toi à la plage été 2011 te ressemble encore - ou si celle prise devant ton bar préféré avec ta clope et ta 8.6 est bien représentative de que tu es en vrai (me concernant, j’ai choisi entre autres une photo où je pose en crop-top sur une bagnole de collection ainsi qu’une autre où je picole en marchant dans la rue en plein jour - bah oui, je suis cette fille-là, je n’ai pas envie de cacher que j’aime bien picoler, faire la teuf et me moquer un peu de mon côté «grosse pouffe shameless». Je te rassure, j’ai ajouté deux portraits sur lesquels j’ai l’air gentille, presque mignonne et où j’ai même les cheveux propres). Enfin, le conseil ultime: ne pas attendre trop longtemps avant de rencontrer les gens avec qui ça a l’air d’accrocher un peu: plus tu attends, plus tu fantasmes, et plus la potentielle déception sera pénible. Alors, on discute quelques jours et on va boire un verre rapide histoire d’être fixés et de pas perdre son temps, en prenant bien soin d’avoir un prétexte déjà prêt pour s’éclipser en cas d’ennui extrême ou de mauvaise haleine.
Au sujet de l’amour… Ce que je peux t’en dire, c’est que grâce à Tinder, j’ai rencontré des gens vraiment vraiment super: des mecs qui sont devenus des amis, des boyfriends d’un temps, des coups d’un soir trop cools, des compagnons de voyage géniaux… Plein de formes d’amour quoi! A mon sens, c’est un outil très chouette qu’on a la chance d’avoir à notre disposition en 2016, mais qu’il faut apprendre à utiliser comme n’importe quel outil, en fait. Alors oui, en ce qui me concerne, il y a aussi eu quelques déceptions (WOW! Un mec avec qui j’ai 152 amis et 73 intérêts en commun! Mon dieu c’est l’homme de ma vie! Ah, non, c’est juste l’ex avec qui j’ai vécu 2 ans et demi), deux ou trois rencards un peu pétés, mais jamais de vraie cata. Et je suis intimement convaincue que si tu cherches à rencontrer un garçon pour en faire ton petit-copain, Tinder est un moyen comme un autre d’y parvenir. Pour ce faire, je vais te donner un dernier conseil peut-être un peu bateau, mais tanpis: fais-toi confiance. Tu sauras faire passer le bon message en temps voulu, tu sentiras le crevard, tu sauras dire non à celui qui te propose un rencard à 23h30 après avoir fait la tournée des grands ducs avec ses potes, tu sauras donner une deuxième chance à ce mec un peu timide qui ne t’a peut-être pas vendu du rêve dès le départ… Et surtout, tu sauras faire de ce Tinder-date nul un pote trop chouette, ou un mec pour ta meilleure pote.
Si tu as une question pour Pamela Déboires, tu peux la poser sur le Curious Cat de Retard Magazine
Sinon tu nous envoies tout ça par mail à [email protected], on transmettra, sans dire ton nom si tu préfères.
BISOUS