À bien y réfléchir, ma plus longue histoire d’amour imaginaire est surement celle que j’entretiens avec Cyril Lignac. Quand je parle d’amour, on s’entend, je n’écris pas de fan fictions à son sujet bien que ça pourrait être très drôle. En fait, contrairement à la multitude de mes idoles, mon intérêt pour le cuisinier a survécu aux affres de l’adolescence, de la vie d’étudiante et à celle de jeune adulte pendant lesquelles on rejette tout en bloc avant d’avoir une vie sociale bien trop intense pour continuer à regarder la télé (ce qui n’était de toute évidence pas mon cas). Peut-être que c’est son côté monsieur bonhomme toujours content et bienveillant, son énergie juvénile qui le rend plus accessible que Maïté, son sens de la punchline gourmande croquante ou encore le fait qu’il a été le chef du restaurant de David et Cathy Guetta (un lieu branché se nommant La Suite) qui me bouleverse, le fait est que Cyril Lignac cristallise ma passion pour les émissions de cuisine à la télé depuis maintenant quinze ans et qu’à cause de lui ma famille et mes amis claquent un PEL à chacun de mes anniversaires pour m’offrir un équinoxe (son gateau signature) ou un menu dans sa brasserie (on peut pas encore se payer son resto étoilé mais c’est dans la bucket list).
Pourtant, la cuisine n’a rien d’une évidence pour moi. Bien sûr, j’aime manger et tout mon pécule passe dans les petits restos avec les copains, mais l’idée de cuisiner ou de faire les courses constitue une vraie source d’angoisse, surtout quand le frigo est plein. Il y beaucoup trop de choix, j’ai l’impression que tout va finir par pourrir et finir à la poubelle sans être consommé. Je n’ai aucune idée de quel aliment va avec quoi puis surtout, ça prend du temps. La cuisine, c’est un engagement, et aussi minime soit-il, il me fait flipper. Du coup, comme Joël Robuchon, j’ai misé sur une déclinaison de pommes de terre («le légume roi» comme il l’appelait) ad vitam aeternam dans mon assiette. Mon plat signature, c’est à peu près n’importe quel plat à base de patate et si un jour je finis dans le couloir de la mort, offrez moi des frites pour mon dernier repas. Vraiment, ca mettrait en joie, enfin autant qu’on puisse l’être dans ces conditions.
Un peu comme les gens qui sont très fans de sports qu’il ne pratiquent pas, mon dada c’est donc les émissions de cuisine. Mon plus vieux souvenir en la matière remonte à l’école primaire quand je matais avec assiduité Bon appétit bien sûr, émission présentée par Joël Robuchon (encore lui), le midi chez ma grand mère. Avec son générique façon Mondrian du terroir, le truc m’ouvrait les portes d’un monde hypnotique dans lequel j’aimais pénétrer et me blottir. Mais ma véritable révélation, c’est à l’âge de 12 ans que je l’ai eu, quand Cyril Lignac a débarqué sur M6 avec le programme Oui Chef! Le principe: suivre Cyril, jeune chef fringant à l’accent du sud chaloupé alors que ce dernier composait une brigade de jeunes novices dans le but d’ouvrir son restaurant. Pour être honnête, hormis son bouc filiforme et sa mèche dans le vent, je n’ai gardé que peu de souvenirs de ce bijou télévisuel. Cela a cependant dû me séduire puisque j’ai continué à le suivre dans toutes ses aventures: Chef, la recette !, Vive la cantine !, Chef Contre Attaque, MIAM : Mon invitation à manger, Top Chef, 100% Terroirs, Le Chef en France, Le Roi du Gâteau et enfin Le Meilleur Pâtissier, émission dans laquelle Cyril Lignac juge des amateurs sur leurs compétences en pâtisserie accompagné d’une blogueuse culinaire connue sous le nom de Mercotte. MERCOTTE!

Ca m’embête de l’avouer car cette madame de 77 ans m’a clairement rien fait mais j’ai un problème avec elle. Je suis jalouse de l’équipe qu’elle forme avec Cyril. C’est que moi aussi je rêve qu’on soit les partners in crime de la cuisine, le duo iconique des fourneaux, la team gourmand croquant du prime time familial et qu’on débriefe sur les desserts qu’on a goûté dans un petit salon de thé bucolique avant de faire des photos Instagram avec des hashtags rigolos. Mercotte elle est tellement stylée qu’elle est même mentionnée dans des morceaux de rap (mais pas pour des dires des horribles choses comme Ayem).
Cependant, le climax de la carrière télévisuelle de Cyril reste, à mon sens, Top Chef. Bien sûr il n’était que juré guest star mais il a quand même apporté sa pierre à l’édifice de la meilleure émission de télé française. Car Top Chef, c’est un spectacle digne d’Hollywood. Sérieux. Qui peut se targuer d’être serein à proximité d’une mandoline depuis l’accident de Joris ou n’a pas eu le souffle coupé de voir Jean-Philippe revenir dans la compétition lors de la saison 4 (définitivement la meilleure)? Qui n’a pas versé une larme lorsque Camille a remporté l’épreuve des MOF (Meilleurs ouvriers de France) l’année dernière ou n’a pas eu le coeur qui fait pim pom quand Cedric Grolet a débarqué pendant l’épreuve du trompe l’oeil. Au delà de l’émotion et des paillettes, Top Chef, c’est aussi une source intarissable de nouvelles connaissances à acquérir. Par exemple, sans Top Chef, je n’aurais jamais soupçonné l’existence de la flouve odorante ou de l’ormeaux, aka le steak de mer. De quoi briller en société et de faire des mercredis d’hiver des jours à part dans notre quotidien morose.
Bref, c’est pour tout cela que je tiens à te remercier Cyril. Avec tes émissions, tu m’as ouvert les portes d’un monde meilleur à base de Chef’s Table, Ugly Delicious, A Pleines Dents, Anthony Bourdain Parts Unknows …. Tu m’as fait comprendre que la cuisine, ce n’est que de l’amour. Celui du produit et du travail, de la discipline et de la création, de la tradition et de la nouveauté mais aussi d’une région, d’une mamie, de l’enfance. Et quand un chef meurt, c’est une étoile qui s’allume dans le ciel. Gros bisou Anthony Bourdain, Joël Robuchon et tous les autres. Je vous aime bien trop fort.