(Cliquetis. Bruits de vernis et de rouges à lèvres qui s’entrechoquent. Soudain, elle sort, dans un voile de poudre Guerlain).
Chers lecteurs de Retard, bonjour, je suis journaliste beauté et je viens à vous en paix. Non, je n’essaierai pas de vous vendre du rêve aujourd’hui, non, là je suis en repos merci.
Alors oui, je sais, mon métier fait rêver une certaine frange de la société. Disons celle qui répond par « Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii » lorsqu’on leur dit « Ryan Gosling ». Sur une échelle de 0 à 10 des boulots les plus glamour, avec en 1 le gars qui ramassent les ptites culottes Hello Kitty après un concert de Justin Bieber, on peut dire que je me situe à 7 (10 c’est Beyoncé).
Et pourtant, y en a qui ont à redire. Je me rappelle les mots de mon prof de presse écrite, à l’école de journalisme (parce que oui, je suis passée par là, j’étais pas assez compétente pour le CAP esthétique). « Vous allez travailler pour le web ? Mais ça marche ça ? Je veux dire, on écrit ? ». Hum hum, cher vieux crouton, non, je passe mon temps à me faire les ongles devant un diaporama défilant des beaux gosses d’Hollywood.
Il faut dire que le « journaliste », ça fait bien. Le « beauté » qui vient après, un peu moins. Vous comprenez, pour être totalement crédible, il aurait fallu que j’ajoute « politique », ça aurait fait plus classe, plus sérieux, tout ça. J’aurais eu l’air intelligente, même avec mes cheveux blonds. Non parce que rédactrice beauté, ça sonne tout de suite plus « La Halle » que « Prada ». Alors que bon, j’ai eu mon BAC avec mention assez bien (et c’est franchement bien au regard de mon lycée, et en plus j’avais pris option anglais).
En vrai, je suis la dernière à me plaindre, car parler vernis et mascara, ça a ses bons côtés. Déjà, j’ai dit adieu à mon budget beauté (y a pas de petites économies), et mes copines m’adorent. Quand je leur annonce que je pars tester une thalasso ou un massage en spa, je vois les étincelles de la jalousie illuminer leur regard envieux. J’avoue, ça me fait un peu plaisir. Prends-toi ça dans les dents, toi et ton 36.
En même temps, elles ne connaissent pas l’envers du décor. Les dossiers de presse qui t’assurent que tu vas perdre 3 kilos avec une crème (tu rêves) ou ce parfum qui sent si bon que tu te penseras loin, loin d’ici (non plus), auprès d’un bel éphèbe au corps huilé (coucou Gérard).
Et puis les heures passées à pianoter sur mon écran, l’œil amorphe, ça on en parle pas trop. Ou les présentations où tu croises des piques-assiettes (elles doivent pas avoir de tickets resto, vu la façon dont elles se vengent sur le buffet) qui se prennent pour Rihanna parce qu’elles bossent pour le « print », les magazines, où le papier brille et les papiers sont riquiquis.
Quoi, je suis un peu jalouse là ? Pff, je crois pas non. Bon allez, j’ai un papier sur les cuticules là, donc si tu veux du vernis à paillettes, tu m’appelles. Si t’as besoin de me parler de tes problèmes de peau, TU LE FAIS PAS (merci les copains, je suis pas dermato et noooooon je veux pas voir cette partie de ton anatomie, gardons le mystère).