Elle aura été éreintante cette campagne. De celle qui te colle un goût amer dans la bouche. Pour eux et pour nous. Enfin surtout pour nous. On en a bouffé jusqu’à l’os. Des mois de débats, d’enfumage et de mesures répétées à l’envi grâce leur petit abonnement BFM TV. Il était temps qu’on en finisse. Qu’on arrête de causer chiffons et costards trop chers ou manquants. Qu’on laisse Penelope se la couler douce dans son château. Que Cheminade prenne un aller sans retour pour Mars et que les partis traditionnels meurent à petit feu en laissant leurs cendres sur l’autel de la démocratie.
Démocratie, il n’en reste que le joli mot mais dénué de sens. Que reste-t-il de la démocratie quand on n’en a rien à foutre de piller les citoyens pour payer madame à ne rien faire ? Que reste-t-il de notre jolie devise gravée sur les frontons des mairies ? Égalité mon cul oui. Pendant qu’ils déblatéraient leur bout de programme tous les matins à la radio ou tous les soirs au JT de 20h00, un ersatz de démocratie s’installait. Une sorte d’Alien monstrueux, tapi dans l’ombre qui attend sagement son heure. Ras-le-bol que Fillon, qui occupe la place 168 dans l’Hémicycle, se permette de me donner des leçons de démocratie alors qu’il n’est même pas foutu de l’occuper sa place 168. Absence record au cours de toute sa dernière législature, Monsieur le député a préféré battre la campagne à la recherche de bulletins de vote plutôt que de siéger. Et grassement payé en plus. Tout ça en costard hors de prix mais gratos. Ras-la-casquette que ce cher Emmanuel Macron me rebatte les oreilles avec le fric qu’il faudrait avoir. Non, je ne rêve pas d’être riche et de me payer un costume à 2000 boules (bon ok, je ne porte pas de costard mais bon). Ras-le-cul qu’on se permette des jugements à l’emporte-pièce sur Poutou car il n’en portait pas lui, de costume. Mais putain, c’était la quatrième dimension cette campagne. On s’en cogne de vos costumes comme de notre première culotte. Sans parler de cette constante défiance envers les journalistes. Pour rappel, Monsieur Mélenchon, toujours le premier à stigmatiser la profession, a mené sa petite carrière de journaliste fut un temps lointain. Foutage de gueule en puissance lorsque Fillon crie haut et fort que ce ne sont pas les journalistes qui choisissent les questions. Ah bon ? Vraiment ? Et c’est toi peut-être gros malin ? Sans déconner les gars, c’est au-delà de l’acceptable là. Faites un break et réfléchissez à vos âneries. Je t’épargne le listing complet de leurs conneries, ces exemples sus-cités suffisent amplement et ça serait bien con de gâcher de l’électricité pour ça.
J’avais envie de débats passionnés, d’idées nouvelles, de la vilaine expression « vivre ensemble ». Je n’ai vu que de la merde déversée tous les jours. Je voulais du sens, du cœur et de l’amour. Mon côté naïf sans doute. J’imaginais des candidats ne faisant qu’un avec leur parti, des soutiens de poids, des discours enflammés basés sur des programmes et non sur le désaveu du candidat d’en face. Qu’on me parle de fraternité, de mesures contre la pauvreté, de culture, d’éducation, des droits des étrangers, d’écologie. On ne m’a parlé que d’économie, de suppressions de postes chez les fonctionnaires et d’immigration soit-disant de masse. Je voulais de l’amour et des preuves d’amour, pas qu’on sauve sa peau d’une éventuelle condamnation ou qu’on s’occupe de sa petite carrière. Éros et Himéros ont clairement préféré rater le bal des élections.
J’ai été de ceux qui on voté Chirac au second tour des élections de 2002. Mon premier bulletin de vote glissé dans une urne et je peux te dire que je m’en souviens encore. Lui aussi m’avait collée un goût amer dans la bouche. C’était avant que Chirac devienne hype et que sa tronche s’affiche sur tes t-shirts et tote bags. Ma vie de citoyenne a débuté par une mauvaise blague et celle-ci devient un running gag. En 2017, j’avais pris la décision de ne pas voter. Non pas que cela ne m’intéressait plus, bien au contraire. Mais aucun de ceux-là n’avait emporté mon adhésion pleine. En 2017, je ne suis pas tombée amoureuse. Je répétais à qui voulait l’entendre qu’il était bien hors de question que je participe à ce jeu malsain qui consiste à choisir le moindre mal, que cette année je ne voterai pas. Après avoir vu l’émergence de Nuit Debout, vu naître des mouvements citoyens de plus en plus forts, la voix du peuple devait s’exprimer autrement que par un bout de papier glissé dans une fente trop étroite. Mais la pression sociale a eu raison de moi. J’ai été voter avec un gros boulet au pied pour un candidat éliminé d’avance. Toi, mon candidat de fortune mais courageux, ta bataille aura été abrupte et notre lune de miel éphémère. Je suis plus triste pour toi que pour moi. Mais je garde en mémoire la seule et unique palpitation que tu as fait germer dans mon petit cœur en lambeau.
Et ce qui devait arriver arriva. Éros et Himéros s’étaient bel et bien faits la malle pour un ailleurs plus verdoyant, laissant la place à deux Chimères. Je t’épargne ici les clichés entendus ou lus du type « je quitte le pays », « les Français sont des cons ». Ben non, le peuple a parlé mais sous le coup de l’émotion. Attentats et plus un rond dans le porte-monnaie suffisent à le convaincre. En 2002, les larmes ont jailli et le peuple s’est soulevé. Cette année, il est las et ses yeux sont secs. Nous voilà à nouveau coincés dans un entre-deux-tours sadique. Tu préfères avoir une jambe en bois ou vivre toute ta vie avec un cafard sur l’épaule ? Je ne mets pas les deux candidats sur le même piédestal mais il s’agit de choisir entre aller voter Macron, blanc ou ne pas se déplacer. Je comprends tout à fait que l’on puisse ne pas vouloir se déplacer car la menace FN ne fonctionne plus, l’argument « tu fais le jeu du FN, c’est à cause de toi qu’on en est là » non plus. Chacun est libre d’aller voter ou non, selon ses propres convictions. Donc les leçons de citoyenneté, merci mais non merci. Je te le donne en mille, j’avais décidé de voter blanc au second tour. Et puis un vendredi matin, la tête dans le cirage et les yeux mi-clos, je suis tombée sur un post Facebook d’un membre de ma famille. Un affichage hasardeux de la part du réseau social puisque je ne vois jamais ses publications. Lui et moi, on ne se voit qu’aux enterrements. Il fait partie de la branche des inconnus au bataillon. Bref, le post était haineux, mélangeant tous les clichés : médias, immigrés, pauvreté et « Marine ». Car Marine n’a ni nom ni parti. La bonne copine de bistrot qu’on tape sur l’épaule en arrivant. Marine, à la fois Jeanne d’Arc et messie, refuge de leurs âmes damnés. Je ne te raconte pas comment j’ai failli rendre mon café sur mon clavier en voyant ça et j’avais clairement envie d’une transfusion. Qu’on m’enlève tout ce sang et l’ADN qu’on partage. Et puis j’ai regardé ses photos. Longuement. Comme s’il fallait que j’imprime un caractère haineux sur son visage. J’ai pensé à celle qui l’avait enfantée. Comment cette femme si douce et aimante avait pu donner naissance à un repoussoir pareil ? La haine avait désormais un visage familier et je l’imaginais glisser son bulletin « Marine » avec satisfaction. Au second tour, j’irai glisser un bulletin Macron pour annuler son vote venimeux. Il faut parfois scier les branches mortes d’un arbre généalogique déjà bien mal en point et ne pas oublier de sectionner les racines gâtées.
Concours canin au débat présidentiel. J’espère que tu l’as regardé avec un pot de pop-corn dans la main car c’était à la hauteur de toutes nos espérances. Un pitbull et un caniche royal s’écharpent en place publique. Je vois déjà les défenseurs de pitbulls me sauter au cou. Je parle de la ressemblance physique, pas du caractère soit-disant agressif de la race. Le Pen a sorti tous ses poncifs dès les premières secondes, limite si elle nous a pas fait le cliché du nez crochu du banquier pour singer son adversaire. Puis, elle a passé le reste du débat à rire cyniquement. Un truc qui lui raclait la gorge en même temps. C’était gênaaaaaannnnnt. En plus, avec une dentition pareille, on évite de rire hein. Ça fait peur aux enfants madame. Oui, c’est un peu gratuit je te l’accorde mais ça défoule bien, tu devrais essayer. En face, on avait le gendre idéal. On peut ne pas être d’accord avec lui, le mec n’a pas sourcillé devant les attaques de madame Voldemort alors que n’importe qui d’un peu censé lui aurait collé un aller-retour au bout d’une minute pour sa compilation d’âneries. C’est quoi ton secret Macron, tu fais du yoga ou quoi ?
Bref je te passe les résultats du scrutin mais le constat est clair. Manu - je me permets ce petit surnom maintenant que tu vas me gouverner - sache qu’on lâche rien donc ne prends pas ton petit air de Monsieur-je-sais-tout. La gauche rit jaune mais n’est pas morte. Quant à toi l’éditorialiste du dimanche, continue à me donner ton avis sur les réseaux sociaux. Car même si l’on ne t’entend plus dans la rue, ta voix compte. Au final, l’unique avantage de cette campagne présidentielle, c’est que tout le monde aura appris à conjuguer le verbe rendre à l’impératif, surtout Monsieur le député.