KUKU toi, tu le vois mon gros micro ?

Mon père tenait une de ces discothèques de province dans le début des années 80, la « Nuit Blanche ». Après une carrière avortée de yéyés, il a assuré la première partie de Patrick Juvet à l’Olympia, avant de balancer les premiers imports disco belges et anglais sur ce territoire plat qu’est la Picardie. Nuque longue et petites bottines, son sourire bright a surement fait tomber ma mère sur un bon gros titre de Donna Summer.

Je suis une putain d’enfant du disco et j’en suis fière. La disco a fait danser mes parents comme les tiens aux débuts des années 80, et injectait de l’amour et de l’insouciance dans une société moche et grise qui en manquait cruellement. Dur réveil quand il a fallu lui dire au revoir et taper le bisou à la New Wave. C’est le plus cool des mouvements musicaux, et pourtant, à l’inverse de tous les gros relous du folk, du rock et de la pop,qui reviennent aussi souvent que les règles dans la vie d’une fille, il est retombé dans l’obscurité complète, sujet à moqueries et ne servant qu’à emballer des Josiane fraichement divorcées pendant les soirées camping.

Le disco, c’est pourtant tellement plus que ça. C’est son corps et mon corps tapissés de paillettes, sa chemise ouverte et mon oeillade meurtrière, c’est les mots susurrés au creux de l’oreille, c’est la nuit et nos pas de danse ultra synchros. Pas de théorie, pas de pages dans Grazia sur comment copier le truc, juste un bon gros beat nasty qui fait que je reste encore sur la piste alors que mes pieds me font mal, à essayer d’imiter les filles de Silver Convention.

Alors, ouste, toi qui fais la gueule sous ta frange avec ton perfecto, toute serrée dans ton pantalon en jean brut qui te fous des bonnes grosses plaques d’urticaire sur les cuisses. Barre toi et arrête de nous faire chier avec Allison Mosshart et de nous pomper l’air depuis que t’as découvert le vinyle et Vice. Dégage avec ton T-shirt de groupe que tu laves à froid et à la main pour pas que la décalcomanie parte.

Sur la piste je te lancerais un défi du haut de mes talons en bois et de mon disco pants, mon brushing fait face sèche cheveux façon Farraw Fawcett et du gros fard à paupières violet qui ne va avec rien, préparant mes meilleurs chorés pour te les mettre dans les dents jusqu’au petit matin. Tu devrais vraiment rentrer chez toi avant que je te fasse pleurer.

Et, quand tu seras partie le mascara à niveau des joues, et des bouts de cake aux olives dans les cheveux, j’envouterais ton petit ami resté sur la piste, les bras bien hauts et caressant l’humeur moite de la soirée, je m’approcherais telle une louve et lui dirais que je l’ai remarqué, là, depuis le début de la soirée.

Et que mon coeur s’est à moitié brisé quand j’ai remarqué qu’il était accompagné, alors que je sais très bien quel type de filles tu es, toute narcissique et auto-préoccupée, et je lui dirais que tu ne lui conviens pas du tout.

Et, sous la lumière des néons qui étincellent dans ma tête et dans ces yeux, emmitouflés de la vapeur rose émanant de tout mon corps, rappelant les photos de David Hamilton, je lui dirais que je serais prête à l’attendre le temps qu’il faudra.

Mais que je ne suis pas le genre de filles à lâcher l’affaire. J’espère qu’à ce moment là, quand tu fermeras tes yeux mouillés dans ton lit entourée de tes posters de MGMT, alors que ton petit ami et moi nous déhancheront tellement fort que les autres gens quitteront la pièce, tu auras une pensée pour moi, sur la piste.

Meuf, tu devrais vraiment te mettre au disco.