Le Voldemort des petites filles
L’autre soir j’ai lu Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe de Chimamanda Ngozi Adichie (je venais d‘enchaîner 3 tomes des Bidochons et je trouvais pas le sommeil …
Les grands changements dans la vie se produisent grâce à des détails merdiques.
Moi, ça fait un mois que je veux acheter des chaussures.
Pas n’importe lesquelles hein. Depuis la rentrée j’ai remis mon armure de meuf qui en veut, et j’ai envie que ça se voit. J’en veux des belles, des chaussures d’adulte, avec des talons. J’ai briefé ma copine Marion, je lui ai dit que je cherchais une paire capable de dire « Ta Gueule ».
Marion elle est chouette. Elle m’a dit « bien sur », et puis elle a attendu que j’ai fini mon speech de Beyoncé et elle a ensuite glissé discrètement un truc qui m’a pété la tête. Elle m’a dit « On peut trouver des chaussures qui vont dire autre chose, aussi ».
J’y avais jamais pensé.
« Des chaussures qui disent que t’es douce et que t’es gentille, t’en penses quoi ? »
BAH J’EN SAIS RIEN PUTAIN.
Ça faisait 20 jours que le titre de l’édito était prêt. Il devait s’appeler « Péter des Poutres ». Il allait parler de cette colère, de la force que ça engendre, de la possibilité qu’on a tous en nous de nettoyer le petit moteur enroué avec de la merde par un flot de rage, un truc qui prend aux tripes. On se transforme en Beyoncé dans Lemonade, la meuf qui tombe 17 fois et se relève 18 avec de nouveaux super pouvoirs.
Moi je gère ça, la colère, l’agressivité. Ce sont des émotions que je maitrise à la perfection. Ce sont mes garde boues, mes protections contre le monde extérieur, je parle fort et je vous envoie bouler, je peux vous planter dans votre merde quand vous allez trop loin avec moi, quand je vous ai laissé y aller aussi, comme une conne, pour voir jusqu’où vous étiez capable de vous promener. Je fais des scandales. Je gueule. Je vous laisse vous démerder du jour au lendemain. Je ne rappelle jamais. Je vous laisse tomber. Parfois même, je vous hais.
Aujourd’hui j’en ai marre.
Faire la bouffonne avec mon armure, ça m’empêche pas de me vautrer, ça m’empêche pas d’avoir mal, ça m’empêche pas d’avoir les boules. Je souffre pareil. Je tombe encore plus lourdement.
Et puis je suis pas comme ça. Je ne vous déteste même pas. Je sais pas péter des poutres. Je suis pas forte. J’ai plutôt l’impression de m’être imposée des bêtises, un truc de ne pas avoir eu le choix, que si je m’arrête, que si je montre mes fragilités, mes failles, on va s’en servir contre moi et je vais plus jamais pouvoir remonter en selle.
Et c’est des conneries. En plus je déteste l’équitation.
Aujourd’hui, je laisse ces pauvres poutres tranquille. Je baisse la garde. J’enlève mon armure. J’ai plus envie de faire la fière, je veux pas faire la guerre non plus. Je ne suis pas triste. Soulagée. J’ai pas envie de me battre. Je suis pas Xena. Je suis une petite meuf de bientôt 31 ans qui fait comme elle peut avec ce qu’elle a.
Et c’est putain de bien comme ça.