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Ma copine Laura est bien plus raisonnable que moi. Elle a souvent réponse à tout, et puis elle arrive toujours à mettre les choses en perspective, histoire que mon petit cerveau bancal et moi on comprenne correctement. Du coup j’ai trouvé qu’elle avait drôlement raison quand elle m’a émis sa théorie que dans la vie, il y a des filles qui ont des moments plutôt Catherine, et des filles qui ont des moments plutôt Josiane.
Les Catherines, tu les reconnais tout de suite. Ça va assez vite en fait, elles ne semblent pas émettre de secrétions, sentent toujours le Calinou fleur d’oranger, et ont le cheveu qui joue avec le vent. On les appelle Catherine parce qu’elles dégagent le même truc que Deneuve, un magnétisme qui marche autant sur les filles que sur les garçons. La Catherine parle peu mais toujours pour dire des choses pertinentes. Il lui suffit de rien pour mettre en valeur sa beauté étrange . Elle enchaine (ou pas hein, la Catherine n’est pas volage, elle aime l’amour et c’est aussi beau dans sa vie que dans les chansons de Patrick Fiori) les histoires avec des garçons que les Josianes harcèlent à coups d’émojis « cornet de la fête » et « petit chat qui pleure ». Survolant les affres du temps comme d’autres survolent les conditions de vente d’Itunes, elles finiront certes vieilles mais classes, enrobées dans un trench Burberry offert par un ancien amant, à fumer des Vogue au Menthol sur un banc d’une cité balnéaire de Normandie.
A Cabourg, peut-être. C’est joli Cabourg.
J’ai plein de copines qui font partie de cette équipe : Anna, Marion sont des Catherines, elles ont un « je ne sais quoi » qui perturbe les gens qui les rencontrent.
Tu t’en doutes bien ami lecteur, je suis personnellement un éminent membre de la team Josiane.
C’est moi qui prononce une SEULE PUTAIN DE FOIS un truc dégueulasse très fort, et c’est pile au moment où il n’y a plus de musique dans une soirée. C’est encore moi qui, après trois heures de vidange de ma penderie, parade nickel dans ma robe moulax de Kim Kardashian sans voir la grosse tache de dentifrice qui part pas sur la jupe et qui du coup à l’air suspecte. C’est toujours moi qui met des collants troués parce que « sérieusement, ça se voit que dalle » et qui se retrouve avec un filet de marin pêcheur a 14 heures alors que j’ai un rendez vous professionnel à l’autre bout de la ville. C’est finalement moi qui me gratte les yeux seulement quand j’ai de l’eyeliner et qui me transforme en « Don’t » de la page Vice du même nom avec une légende du type
« Alice Cooper a appelé, meuf, les tests sont arrivés et c’est bien ton père ».
Je ne suis pas spécialement fan de mon statut de Josiane. Je veux dire, des fois, sincèrement, j’aimerai bien savoir la fermer où arrêter de faire fuir les gens sur la piste quand j’effectue ma « danse effrayante des boobs », dixit mes proches. Mais j’ai appris à accepter ma destinée. Et le tableau n’est pourtant pas si sombre.
Des fois j’ai des fulgurances, des moments Catherine. J’essaie de vite les capturer pour changer ma photo de profil Facebook, ou bien pour vivre intérieurement un petit instant trop classe, genre quand je me souviens que je ris comme une otarie et que du coup je me contente d’un « hinhinhin » méga bien senti avec un regard à la James Dean. Merci encore pour mes yeux bleus très très clairs, papa et maman. Ils me sauvent de pas mal de plans.
La dernière fois que je me suis sentie une Catherine, c’était fin septembre : ça s’est passé à un concert de Forever Pavot.
Je l’avais déjà vu l’année dernière au Baleapop, mais ça ne m’avait pas cloué au sol. J’avais préféré regarder les gens tout bourrés se crouter sur la pente herbeuse et humide du festival. (J’espère que ça va pour vous, les gens qui se sont vautrés en 2014 à Baleapop. J’y pense souvent et je glousse beaucoup.)
En ce mois de septembre, je me trouvais à Quimperlé avec les filles de Retard pour le festival de nos copains d’ECHAP. Les bretons les plus cools du monde avaient décidé d’ouvrir leur première soirée avec Forever Pavot. Avec le souvenir de Baleapop, je ne me suis pas trop pressée pour aller voir le groupe après le diner. J’ai du quand même bouger, forcée par le reste de mes copines et le fait qu’il n’y avait plus de rab’ en lasagnes végétariennes.
Forever Pavot, c’est cool en clip et tout, les morceaux sont bien, mais là, ça m’a tapé comme Philippe Lavil sur ses bambous. C’était superbe, un truc vraiment charismatique. Emile il a ses doigts qui parcourent toutes ses machines avec une volubilité impressionnante, comme une dactylographe des années 50. La basse était bavarde mais pas omniprésente, appuyant chaque sonorité complexe qui devenait à son contact une évidence. Les percussions, la batterie, la guitare, même la flûte traversière putain, tout ça était tellement bien articulé que le tableau que le groupe avait en tête était très vite dessiné, et moi projetée à l’intérieur avec la délicatesse d’un prince.
C’est à partir du premier morceau que j’ai endossé le rôle de Catherine Deneuve : en quelques instants j’étais dans un de ces films policiers que diffusait TF1 le dimanche soir quand j’étais petite. J’étais cette jeune actrice pelotonnée dans son manteau marron qui parcourt en Volvo les rues de Paris, cette femme troublante qui tombe amoureuse de Gérard Depardieu qui n’a pas encore découvert le Merlot, cette fille dont les jeux de regards sont appuyés par les mélodies fantasques d’un François de Roubaix qui chaque jour me manque un peu plus. (Allez écouter François de Roubaix, punaise. C’est un putain de génie).
Plein d’éléments, de sensations m’ont rapidement parcourus, des images, les années 70, le parfum de Gitane Maïs, les tailleurs en tweed disponibles seulement en dégradé de beige, les plans de cafés parisiens bruyants au petit matin qui donnent sur le Boulevard, le visage d’un Dewaere ou d’un Brasseur et l’arrivée toujours brutale du générique de fin, marquée par des arpèges d’orgue accusateur. L’espace de 45 minutes, je n’étais plus à Quimperlé, ni n’avais de mèches qui collent sur le front ou de rototo à la pomme coincé dans la gorge à cause du cidre. J’étais une de ces héroïnes qui m’avaient tant fait rêver alors que je devais aller vite me coucher pour aller à l’école le lendemain. J’étais au coeur du processus, fini Jojo bonjour Cathou, je me voyais vivre au son des bandes originales qui m’avaient fascinée. Forever Pavot prenait la forme d’une raclée qui s’était faufilée dans une faille spatio-temporelle, faisant le trajet de 1972 à 2015 juste pour m’en coller une.
Comme toutes les Josiane, je regarde normalement souvent mon portable pour voir l’heure qu’il est.
Je n’ai cette fois-ci pas vu le temps passer.
Déconnectée de tout, je me suis surprise à me tenir droite, le regard assassin, à fixer les manipulations diaboliques des mains d’Emile Sornin sur ses pianos électriques. Le souffle coupé. A la fin du concert, je suis restée un peu bête, mon verre en plastique consigné dans la main. Fallait-il dire quelque chose, autre que « c’était mégabien » ? Peut-être un article ? Devais-je rester là, avec ses images qui n’en finissaient pas d’emplir ma tête ? Que réservera Forever Pavot la prochaine fois que je le verrais ?
Mais c’est pas vrai, putain, elle vient d’où cette tache sur mon pull ?