Quand vous associez une très grosse dose d’anxiété à de très grosses insomnies ça ne donne jamais quelque chose de bien.
J’ai commencé à écrire pour combler le vide, pour combler l’ennui de passer des nuits à réfléchir où je finissais par envoyer des mails complètement fous à mes amants, regrettant instantanément.
J’ai commencé par écrire mon quotidien et ça tombait bien, je venais de tomber amoureuse de quelqu’un. Tout ce que je ne pouvais pas lui dire, je l’ai écrit.
Tout ce que je ne pouvais pas me dire, je me le suis écrit.
C’est devenu thérapeutique, mon salut. J’ai tout écrit, tout.
Plus j’avançais dans l’écriture, plus je fouillais en moi pour être au plus près de ma vérité.
Ce qui m’a amené à ce texte là.
Je l’ai écrit le lendemain.
Je l’ai écrit d’abord de façon tout à fait chirurgical. Sans émotions.
Je ne voulais que relater les faits pour ne pas oublier, pour ne pas le transformer, pour ne pas l’adoucir, pour ne pas l’endurcir.
Je ne voulais que des faits pour avoir une preuve de ce qui s’était passé.
Je n’ai pas lu le lire pendant plusieurs années.
J’ai fait deux enfants. J’ai survécu.
J’ai reconstruit et puis je m’y suis replongée.
Et c’est seulement là que j’ai pu y mettre le ressenti, la douleur en fait.
Il n’y a bien sur aucune journée où je n’y pense pas, il n’y a aucune main qui se pose sur moi sans que les siennes fassent partis de mon corps à tout jamais.
Je publie ce texte parce que c’est important, parce que je n’ai pas honte, parce que je ne me suis pas fait agresser dans la rue en me faisant tabasser, parce que l’abus de pouvoir existe vraiment, parce que non ,c’est non; parce que je suis vénère mais par dessus tout parce que je suis vivante et qu’il n’a pas gagné. Il ne m’a pas détruit. Pas complètement.
Et à la question » t’es tu fait violer? », j’ai beaucoup trop entendu comme réponse « pas vraiment « . Ca n’existe pas le « pas vraiment ».
Et je le fais pour mes filles évidemment.
Il était tard, je venais de rentrer du taf.
E est arrivé. Mon meilleur ami, ceux dont on ne se méfie pas.
On a discuté pendant deux heures, on s’est raconté nos quotidiens, je lui ai raconté ma dernière expérience sexuelle virtuelle.
Il m’a demandé des détails, il m’a dit qu’il était excité, qu’il avait envie de baiser.
Je n’ai pas relevé.
Il s’est approché de moi, a commencé à me caresser, à me toucher. Je n’en avais pas envie.
C’était doux, on a dansé ensemble enlacés, il m’a touché les seins, les hanches, m’a soulevée, mon T-shirt, je l’ai baissé.
On s’est embrassé doucement, je lui ai dit qu’il ne fallait pas, que je ne voulais pas.
Il a essayé de me cambrer pour que je le sente mieux.
J’ai résisté en douceur. Je lui ai dit que je ne voulais pas.
Il s’est arrêté. On a continué à discuter.
On est allé dans ma chambre, on s’est posé.
On a continué à discuter. On s’est couché, l’un à côté de l’autre comme depuis dix ans.
Il m’a dit qu’il avait envie de moi, qu’il voulait me baiser, je lui ai dit que je ne voulais pas, que je n‘en avais pas envie, que c’était trop violent pour moi.
Il m’a dit que, lui, en avait vraiment trop envie, j’ai dit doucement que, moi, je ne voulais pas.
Il me caressait le visage, j’ai senti sa main descendre, je me suis crispée de plus en plus.
Il m’a demandé ce que je voulais, je lui ai dit que je voulais juste m’endormir dans ses bras, il m’a dit qu’il ne voulait pas de ça, qu’il préférait ne plus me toucher du tout.
Il m’a demandé si je voulais qu’il me viole, c’est comme s’il m’avait giflée quand il a dit ça. Je lui ai répondu que, non, je n’avais pas envie qu’il me viole.
Il a commencé à se masturber à côté de moi, je sentais le malaise m’envahir, il m’a demandé si ça me dérangeait pas, je lui ai répondu que de toute façon, c’était pas la première fois. J’ai senti la nausée arriver…
Il s’est rapproché, a commencé à me caresser le sein gauche, j’étais pétrifiée, je ne bougeais plus, comme paralysée.
Je me suis dit qu’il allait s’arrêter, il a continué.
J’ai pensé que j’étais punie, que ça devait arriver.
Les larmes sont montées tout doucement, j’essayais de trouver une solution pour qu’il arrête.
J’ai senti sa main descendre sur mon corps, passer sous mon T-shirt, je me sentais impuissante, il m’a enlevé ma culotte.
Je me suis dit qu’il fallait que j’agisse, qu’il fallait qu’il ressente aussi la violence qu’il était en train de me faire subir.
Je lui ai dit que la seule chose qu’il pouvait faire c’était de me pénétrer, qu’il pouvait me baiser, je sais plus si je lui ai dit que je ne voulais pas qu’il me touche, juste qu’il me pénètre.
Il a soulevé mon T-shirt, a attrapé mon sein, m’a mordu le téton, il l’a aspiré, j’ai eu mal. J’ai rien dit. Il m’a dit que c’était de ma faute, que c’était moi qui l’avait excité.
Il a pris ma main, l’a posée sur sa bite, il m’a doigtée, il m’a fait mal.
Il a mis un préservatif.
II m’a attrapée par les hanches, m’a tiré vers lui, m’a écarté les cuisses.
Je me suis laissée faire. Il m’a pénétrée plusieurs fois.
Je me suis retournée, je ne voulais pas voir.
Ca l’a énervé de rien sentir, ça l’a énervé de se rendre compte qu’il était un porc, il m’a demandé pourquoi il fallait que ce soit violent avec moi.
Il a balancé le préservatif par terre à côté de moi.
J’ai refermé les jambes.
Il s’est levé, j’ai cru qu’il partait, il est allé aux toilettes, est revenu, il s’est couché à côté de moi, sans me toucher, sans me parler.
Je l’ai entendu s’endormir.
Je suis restée sur le dos sans bouger, j’avais envie de vomir. Je suis restée une heure sans pouvoir bouger, essayant de comprendre ce qui venait de se passer, je me suis endormie.
Le lendemain matin, il s’est levé avant moi, il a pris une douche, s’est essuyé avec ma serviette rouge, il s’est brossé les dents avec ma brosse à dents rouge. Ca m’a dégoûté qu’il laisse des traces partout chez moi.
Il m’a embrassée sur la joue et m’a souhaité une bonne journée. L’enculé.
Je me suis levée, j’ai pris ma douche, j’ai passé mes mains là où il était passé, les images ont commencé à se mettre en place dans ma tête.
Je suis allée travailler, je suis rentrée chez moi le soir, j’ai vu mon lit, le préservatif, dernier vestige lugubre de cette soirée, je me suis effondrée en larmes, je ne pouvais plus respirer.
E m’a violée, brisée, piétinée, anéantie. C’était le but.
C’était un objectif pour lui de me baiser. Ca faisait dix ans qu’on était amis, dix ans qu’on se racontait nos histoires d’amours, nos histoires de culs, nos histoires d’amis.
Il y a un an on a couché ensemble pour la première et dernière fois.
Il est parti de chez moi ce jour-là en me disant qu’il avait enfin réussi à me baiser, que ça lui avait pris dix ans.
J’ai réalisé ce jour-là qu’on n’était peut-être pas vraiment amis.