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jeudi, 11 septembre 2014

Il fut un chat

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Il fut un chat.

Je sais ce que vous vous dites. « Putain ! Encore une énième histoire à propos d’un chat. Oui, les chats sont mignons, surtout petits, et ils passent leurs temps à pioncer ou à faire des conneries ». Mais, vous avez tort. C’est autant une anecdote à propos d’un chat qu’une histoire éclairant cette petite parcelle d’humanité, celle qui couvre ses arrières, celle qui fait bonne figure.

L’histoire commence un lundi. Ayant tout juste bouclé la phase des partiels, je me préparais à déguster ce laps de temps s’étirant fébrilement entre la fin d’une année universitaire et le début des boulots saisonniers. Mais faut croire que Dieu avait d’autres plans.

Le lundi, donc. À 8h du matin, un coup de téléphone me réveille. C’est ma copine. Ne pouvant pas profiter de certaines joies pourvues par la discrimination à l’embauche, comme ces petites vacances pendant le temps de la recherche d’un job saisonnier, elle m’appelle depuis l’arrêt du bus la conduisant au boulot :

« Je crois que notre chat s’est fait écraser. Tu pourras aller voir. Je peux pas m’approcher. Mon bus arrive. À ce soir ».

Je me lève, regarde par la fenêtre, et je vois un chat noir allongé sur la route et des voitures qui font face à un dilemme que beaucoup de conducteurs ont dû affronter :

« je roule sur la queue ou sur la tête ? »

(la plupart choisissent la queue, quant à ceux qui optent pour le choix de la tête, vous avez probablement un problème).

Je me passe un coup sur la tête, je bois un coup, je m’habille, j’attrape une pelle et un sac poubelle afin de ne pas laisser ce pauvre diable pourrir sur la route, à se faire écraser pendant des heures jusqu’à ce que, au choix :

  • un conducteur prenne le temps de sortir de sa voiture pour le déplacer sur le bas-coté (peu probable)
  • un type de la municipalité vienne, le foute dans son camion pour l’embarquer dieu ne sait où.

S’ensuit une séquence bien dégueulasse durant laquelle je suis là, au milieu de la route, à 8h30 du matin, en train de galérer pour mettre un cadavre de chat dans un sac poubelle. La pelle n’était probablement pas le meilleur choix. Je perds des morceaux, c’est assez immonde, et ça schlingue grave. Après une dizaine de minutes je suis chez moi [chez mes parents en réalité], je creuse un trou dans le jardin dans lequel je dépose ce qui reste de la dépouille de mon chat. Après quelques larmes, un petit déjeuner et une douche, la problématique de la journée s’installe. À savoir, comment faire pour éviter que mon chien, qui reniflait avec insistance à l’endroit où le chat était enterré, ne déterre pas le chat et ne l’éparpille pas aux quatre coins du jardin.

J’observe le chien, ma copine rentre, on se rappelle quelques histoires, comment il est tombé à deux reprises du quatrième étage, comment il a fugué d’un appartement au troisième étage pour être retrouvé trois jours plus tard, dans une maison de retraite à quelques centaines de mètres, comment il a enchainé les conneries, comme tous les chats.

Toute la famille est maintenant à la maison. On prend l’apéro. Après quelques minutes, je suis interpellé par le regard de tous ceux qui me font face avant de l’être par le son familier d’un miaulement. C’était mon chat, le chat noir, qui gambadait dans le jardin.

Ok.

De deux choses l’une.

Soit, les chats ont véritablement neufs vies, et ce dernier n’en avait cramé que quatre, cinq max, durant ses quatre années avec nous. Soit, j’ai enterré le chat de quelqu’un d’autre. Se pose alors une autre question, « à qui est le chat enterré dans mon jardin ? ».

L’histoire se tasse progressivement, on rigole, on raconte à tout le monde cette fois où j’ai enterré un chat qui ne m’appartenait pas.

Deux à trois semaines plus tard. Je sors mon chien tandis que mon chat me suit, il aimait bien se promener avec le chien. On croise quelques personnes dont une dame avec un chien.

  • « Oh. C’est mignon. Le chat qui se promène avec le chien.

Je réponds, un peu nonchalant, n’attendant que la fin de cette conversation pour pouvoir remettre mon casque sur les oreilles :

  • Oui, oui, c’est très mignon.
  • Vous savez, j’avais un chat qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Il a disparu il y a environ deux semaines, vous n’auriez pas vu un autre chat noir dans le coin à tout hasard ?
  • Euh … Non. »

Et merde.

Moralité de l’histoire ? À vous de voir.

Monna Satellite

Monna a 25 ans et une passion pour les documentaires musicaux. Après avoir terminé ses études d'illustrations médicales et scientifiques (GROSSE CLASSE) et ses cours de psychomotricité, elle est devenue tatoueuse et a vécu dans un squat (BAM ! CA C'EST UNE MEUF QUI A DES COUILLES). Aujourd'hui illustratrice et tatoueuse, son rêve est de s'installer au fin fond des Pyrenées pour profiter à la fois de la mer et de la montagne et de faire son métier dans son jardin, "'A la bien" comme dirait Soprano. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.