Cette expression, qui est l’exemple parfait de l’incruste du vocabulaire guerrier dans le vocabulaire courant, veut-elle encore dire quelque chose aujourd’hui?
Promis après cette phrase d’introduction longue comme la pluie, je vais essayer de faire plus rythmé. En plus ça colle avec le morceau et le clip qui ont inspiré ce papier: « Fade » de Kanye West (à visionner avant de poursuivre pour mieux comprendre mon propos).
Tout le monde se souvient, hommes et femmes, de l’événement qu’a été ce vidéo-clip. Ouais je parle comme à l’époque de MTV, quand ma sœur Aïda enregistrait pour moi des clips sur des VHS. J’avais la surprise de les découvrir dans le magnétoscope,en rentrant le weekend chez mes parents pour faire ma lessive (entre autres). C’était avant l’avènement d’Internet tout ça. Avant Caramail. Quelques années plus tard, en 2006 ou 2007, une émission sur MTV était consacrée à l’anniversaire de gosses de riches qui fêtaient leur 16 ans « Sweet sixteen » ou « Mon incroyable anniversaire » en Français. Ça me fascinait et ça me dégoûtait en même temps. J’étais jalouse face à toute cette opulence, outrée par les caprices probablement scénarisés de ces ados ingrats. Un jour j’ai vu l’incroyable anniversaire de Teyana, j’ignore quel était son nom de famille à l’époque. Aujourd’hui c’est Teyana Taylor, la femme mutante du clip de Kanye West, qui se démène à moitié nue. A l’époque, Teyana fêtait ses 16 ans donc, elle avait une incroyable collection de baskets, Pharell Williams passait faire un coucou à sa soirée et elle recevait en cadeau surprise un énorme 4X4 blanc.
Je me demande d’ailleurs aujourd’hui si la démesure de ce véhicule ne lui a pas inspiré la démesure de ses seins refaits. Parce que oui, j’ai du mal à imaginer que cette poitrine composée de deux ballons de hand-ball sur ce si petit corps soit l’œuvre de mère Nature. J’ai fait mes recherches sur cette fameuse Teyana, je me disais, non c’est pas possible ce n’est pas elle. Je sais, j’ai une mémoire un peu flippante, mes amies me le disent souvent, elles disent que « je fais des fiches » sur les gens que je croise, qui me marquent, ou pas, sur la musique que j’aime, les artistes qui traversent mon chemin, les phrases choc, les tenues que l’on portait à la soirée barbecue-piscine au mois d’août 2010. Bref ça peut faire peur. Probablement que ce prénom, Teyana, s’était fait une place au chaud dans mon inconscient, dans la partie où je stocke toutes ces femmes et filles, belles, bien nées ou sûres d’elle (ou les trois à la fois) que j’ai enviées. Voilà, c’est comme ça que j’ai découvert que l’adolescente insupportable mais très stylée de « Mon incroyable anniversaire » était devenue cette créature qui finit grimée en chat dans le clip de Kanye West. Devenue femme et mère, en même pas une dizaine d’années, à la vitesse d’une fusée. Dix ans plus tard, à 26 ans, Teyana a deux énormes seins, un enfant, un mari, et elle a fait augmenter les inscriptions dans des salles de sport pour beaucoup de filles autour du monde.
Je me demande: est-ce qu’il y a un déterminisme qui conduit les gens riches et leurs enfants à devenir des personnes publiques et un peu exhibitionnistes sur les bords? Inconnue au bataillon vs Nue face au bataillon? (Ouais vous pouvez me jeter des cailloux, ce jeu de mots est pourri). Je fais partie des inconnues et ça me rassure. Comment gérer cette marchandisation de soi sans avoir la nausée ou le vertige? Je ne veux pas le savoir. Mais un truc m’amuse cependant. Je m’imagine, à l’époque où j’étais au collège, entre 1994 et 1998, que les filles populaires auraient pu inventer un système lucratif comme celui des blogueuses mode aujourd’hui. Utiliser son image pour inspirer toute une génération ou tout un groupe d’abonnées. Comme il n’y avait pas Internet dans nos quotidiens à l’époque, elles auraient organisé des démonstrations de #haul ou de #ootd dans un coin secret de la cour de récréation, moyennant un malabar, des Skittles ou un Sundy pour pouvoir voir l’étendue de leur talent en termes de mode et de beauté. Parce que c’est un peu ça le blog mode aujourd’hui: parler au peuple de sa connaissance pointue du goût et du savoir-faire en termes de mise en valeur de soi. On dirait du Cristina Cordula. C’est comme si Coralie ou Vanessa avaient fait des démos d’application de fond de teint et d’eye liner; de comment associer le blouson en cuir noir court avec le 501 qui moule bien les fesses; de comment porter le pantalon Pussy et les Buffalo sans faire vulgaire (une quête perdue d’avance); comment tenir sa cigarette et manger en même temps (je parle d’une histoire vraie là)… Tout ça dans l’instant. On aurait pris des notes, peut-être aurions-nous pu prendre des photos avec un appareil jetable, on aurait noté les marques du moment dans un calepin, mais il aurait fallu être là pour le voir. Elles seraient restées inconnues au-delà du collège, mais elles auraient eu leur heure de gloire. Aujourd’hui, n’importe quelle gonzesse peut s’exprimer d’où qu’elle soit sur ce qu’elle porte, mange, regarde, et l’offrir au monde. Et il y a des gens pour aimer ça. C’est beau Internet. Mais les filles célèbres du Net, ne prenez pas le melon. A tout jamais, Coralie, Vanessa, Lila, Sarah et toutes les autres resteront mes icônes du style. Mes blogueuses modes qui ignoraient l’être et qui ont sombré dans l’oubli.
On en trouve encore dans le commerce des No box?