RETARD → Magazine

mardi, 20 décembre 2016

JPP

Par
illustration

(non ce papier ne parle pas de Jean-Pierre Pernaut)

JPP. Un jour une collègue m’a écrit ça dans une conversation Facebook. Vu que j’ai toujours eu un temps de RETARD sur tout – oui, il m’arrive encore d’écrire LOL, shame on me - j’ai naïvement cru qu’elle me parlait de Jean Pierre Pernaut. Tu sais le vieux monsieur qui a dit à une heure de grande écoute dans la petite lucarne, qu’en France on laisse crever nos SDF alors qu’on accueille des Syriens. Ce même JPP que ta grande-mère coco écoute attentivement tous les midis. Elle aime bien JPP la mère-grand coco parce que « tu vois, JPP parle de la France d’en bas et dans son journal télévisé il présente toujours de jolis paysages ». J’ai râlé comme d’habitude en essayant d’expliquer à Mamie combien c’était incompatible de lire L’Huma tous les dimanches et de déjeuner tous les jours avec JPP. Mamie est restée dubitative face à ma logique et m’a ressortie l’excuse des beaux paysages. C’était pas beau à voir, j’avais perdu mon combat. Tout ça pour en venir ENFIN à ce que je voulais te dire via ce papier : JPP.

JPP de ma mamie coco qui regarde BFM – mais en même temps maintenant ça me semble moins pire que si elle regardait iTélé, c’est pour te dire le niveau. JPP des gens sur BFM comme des gens outre-Atlantique qui te justifient leur choix avec un « c’est la faute des médias, les médias sont tous pourris » et blablabla. JPP des gens qui mettent du pluriel partout. Les médias, les élites, les journalistes, les politiques, les pourris. JPP des médias, des élites, les journalistes, des politiques qui causent du peuple comme s’il était une masse informe. Ce peuple dont on ne sert plus la cause. JPP de voir que des mecs, que des vieux, que des déjà-vu parler pour moi, pour mon avenir. JPP de me dire qu’il nous reste très exactement 6 mois avant de se reprendre un bon vieux et violent JPP dans la gueule. Le JPP de trop, tu vois, celui qui explose tous les JPP vécus depuis le premier jour du reste de ta vie, un 21 avril où tu as compris que la vie dans ce monde n’allait pas être politiquement un long fleuve tranquille (ouais, j’avais 15 ans et j’étais déjà en RETARD dans ma compréhension de la vie). JPP que personne ne dise, ou plutôt n’hurle, à une heure de grande écoute que non JPP (Jean-Pierre Pernaut encore lui) et Fabrice Arfi ce ne sont pas les mêmes journalistes, que même si les membres de cette vilaine caste à la botte de la méchante élite possèdent tous le Saint Graal (la carte de presse) tous n’en font pas (hélas ou pas selon les bords) le même usage. Pour être extrêmement sincère, JPP des cases, alors qu’on est d’accord elles sont bien nécessaires ces foutues cases, c’est vrai. Il faut bien les idées des uns contre les idées des autres c’est ainsi depuis que le monde est monde, c’est ainsi qu’il avance, recule, stagne, n’en déplaise au jeune Manu Macron et à tous les partisans du ni ni. Moi aussi je voudrais bien qu’on fasse une ronde tous ensemble main dans la main autour de la terre, mais on n’est plus à la maternelle les gars. JPP je voudrais juste qu’il n’y ait pas des années lumières entre les cases, entre les peuples, entre les politiques, et entre les uns et les autres. C’est un souhait purement égoïste. Tu comprends ça me reposerait et mon JPP pourrait prendre des vacances. Façon « casse’toi pauvre con de JPP !». Si le JPP était tout seul encore, il serait PRESQUE supportable mais l’enflure se balade en moi avec… comment dire ? Je crois que c’est Nana chez Jean-Luc qui exprime le mieux cette sensation que quiconque…

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Qu’est-ce que je peux faire, je sais pas quoi faire. Et avoue que toi aussi derrière ton écran, le cœur à gauche ou non (je ne t’en veux pas… enfin pas trop quoi, j’essaye, je te jure c’est un travail de tous les jours on dirait pas comme ça) tu es comme Nana. Tu ne sais pas quoi faire à ton niveau. Quelle action, quel bulletin, quel engagement ? Ou peut-être que tu t’en fous ? Tu ne peux pas savoir comme je t’envie de t’en foutre… ou peut-être que je te hais de t’en foutre. Mais après tout c’est ainsi depuis que le monde est monde. C’est depuis toujours qu’au creux des lits certains font des rêves et d’autres pas. Ça doit être triste dis donc de ne pas rêver, finalement j’envie pas cette masse-là, je crois que je la plains même. Que ça doit être triste d’avoir peur plutôt que d’avoir envie ? T’as vu dans envie, il y a vie. C’est pas de moi ça encore, c’est de Jean-Luc encore. C’est fou comme c’est hyper con mais hyper vrai cette réplique. J’ai plein de répliques en stock, mais peu de solutions, et de ça aussi JPP. Comme JPP des autres qui manifestent leur haine contre ceux qui tentent de survivre, de fuir le pire, de s’aimer, de se marier, d’enfanter ou de ne pas enfanter d’ailleurs. JPP des désireux du flash-back et pourtant je suis une invétérée droguée de la mélancolie. Mais peut-être que je le suis parce qu’on a plus avancé hier qu’aujourd’hui au final. Ma mélancolie est belle, la leur est rance. Déplorablement rance. Finalement heureusement que je ressens ce JPP face à la régression de nos petits esprits. Ça me donne des envies d’écrire ici, d’être dans le présent et j’espère que ça te donne des envies de faire quelque chose d’intelligent de ton JPP à toi aussi. Donner des sourires aux gens le matin dans le métro, une pièce ou deux au SDF et aux réfugiés au métro, distribuer de la bienveillance, arracher quelques affiches nauséabondes au coin de la rue ou t’engager pleinement. Un petit geste quoi pour que ce JPP ne soit plus juste quelque chose qu’on se raconte qu’à nous-même la nuit tombée au creux de nos lits ou au bar du coin entre amis. Trouver quoi faire de ton JPP c’est tout ce que je me souhaite et que je te souhaite.

Eloise

Eloïse est né en 1987 et possède la plus belle bibliothèque de tous les temps. Journaliste déco, elle nous a un jour envoyé un papier tellement bien sur Véronique Sanson qu'on a eu tout de suite envie d'être sa meilleure amie. elle tient aussi un blog trop chouette où elle parle de ses passions, qui regroupent autant le féminisme, la musique, la littérature que la politique. Tu devrais le mettre dans tes favoris poussin, tu ne le regretteras pas. http://memoires.dune.jeune.fille.derangee.over-blog.com/

Élise

Elise a 23 ans et une passion pour le Blind Test. Après avoir grandi à Lille puis à Toulouse, elle réside maintenant à Paris où elle essaie de gagner sa vie en dessinant des Mickeys. Comme c'est pas toujours facile, elle est aussi surveillante dans un collège à mi-temps et rêve de devenir Isabelle Adjani avec les cuisses de Beyoncé (j'arrive pas à visualiser vraiment, mais le résultat doit forcément être super).