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1999
13 ans
ce mercredi après-midi passé au cinéma du Vieux-Tours pour voir Virgin Suicides
La raclée
La virée le samedi avec ma mère pour aller acheter la bande originale signée Air
La deuxième raclée
Et le CD en boucle,
Tout le temps
Tout le temps
Tout le temps
Jusqu’à ce qu’il soit rayé.
Ce n’était pas un disque comme les autres, c’était pas pareil que la bande originale de Titanic, c’était pas pareil que les CD deux titres à 36 francs qui se rayaient après chaque boum où je les ramenais dans l’espoir qu’on se dandine avec Geoffrey sur “Au Nom de la Rose” de Moos et qu’il découvre qu’il m’aimait. C’était différent cette fois-ci, c’était entre moi et moi, ça parlait un langage que je voulais comprendre, et c’était aussi vrai et urgent que mes élans d’adolescente en surplus de tout, de gras, de sébum, de questions sans réponses et puis de sentiments cuculs à donner.
Grâce à ce disque que j’insérais religieusement dans ma chaîne hi-fi après chaque journée pénible de troisième, où je devais rire aux blagues de cul et porter cet affreux collier tatouage, j’étais instantanément parcourue par des sentiments étranges, un espèce de voyage interne dans les cavernes noires de mon esprit. Ce n’était pas celles dont j’avais l’habitude, c’était celles qui ne devaient être débloquées qu’à l’âge adulte (ou presque) par les mains baladeuses d’un garçon avec un prénom de merde, des Nike TN et les cheveux figés dans le vivelle dop.
Je découvrais ainsi avec The Virgin Suicides les premières vagues de chaleur, un truc suave venu de la musique dans lequel mon corps aurait aimé flotter avec volupté, alors que Gordon Tracks (le surnom de Thomas Mars de Phoenix sur l’album) susurrait à mon oreille percée à l’étage d’un magasin de hippies qu’il était mon amour de cour de récré.
Au fur et à mesure des morceaux qui composaient la bande-originale, les pièces complétaient le puzzle de mon petit être en surdose d’hormones. Je me sentais multiple et compliquée, putain, une vraie fille à la fois triste et puis très seule, le genre d’ambiance profonde et sombre qui m’a fait penser que nous avions tout compris moi et mes treize ans.
Je passais ainsi mes soirées à fixer le plafond aussi blanc et vide que mon passé amoureux à me lamenter sur mon sort. Quelle vie de merde, personne ne m’aimera jamais et me fera ressentir des trucs aussi forts que ces morceaux, j’en suis sure, je vais mourir toute seule et il ne faut pas que j’oublie de demander à maman de passer ce disque si un jour il m’arrive quelque chose. C’était une tristesse belle, tellement belle, que j’avais juste envie qu’elle devienne mienne et qu’elle ne soit à personne d’autre, traduction littérale en quelques harpèges de mon petit cœur déjà cassé avant d’être utilisé.
La bande originale de Virgin Suicides, c’est mon premier voyage tout frais payés dans un monde d’adulte qui sent le velours et les cocktails trop chargés, la mort et les désirs sans avenir, ce mélange d’odeurs étranges que je découvrirais plus tard, bien plus tard. C’était un disque au gout de soufre chargées des choses de l’amour et de la chair telles que je voulais les imaginer et d’autres dont je n’avais jamais eu l’idée et qui se montraient à la fois violentes et douloureuses, sexuelles et amoureuses, désespérées et sourdes. Un disque qui évoquait toute la palette des sentiments qu’on a envie de donner ou de dire à des gens qu’on aime alors qu’on sait que c’est trop tard ou qu’ils ont décidés que ça n’en valait pas la peine.
Ce n’est pas moi qui ait craqué en premier. C’est ma mère. La maison résonnait à chaque putain de fin de journée au son de mélodies qu’elle considérait déprimantes et moi lumineuses. C’était mon disque, putain, elle pouvait pas comprendre, okay ? De toute façon, j’ai pas demandé à naître, et (insérer une connerie marquée au blanco sur mon agenda Ben de troisième).
Nous sommes retournés à la fnac dans l’espoir que je puisse écouter autre chose. Fini Tours, finis les paysages romantiques sur fond de châteaux de la Loire et de pluie en forêt, j’habitais dorénavant près de Cannes, le sud, et son putain de soleil qui contrastait avec ma mélancolie taillée par les notes du MOOG.
La dépression sur fond de Riviera.
Un putain de cliché.
Je suis retournée au rayon Musiques indépendantes. J’ai encore cherché à la lettre A. J’ai récupéré Moon Safari, Premiers Symptômes, et puis mon préféré, 10 000 htz legend, des disques que je connais dorénavant par cœur. Si un jour on pouvait entendre les petites mélodies qui me parcourent le bide quand un garçon me regarde avec les yeux qui disent plein de trucs, ou quand les miens essaient vainement de s’exprimer, on entendrait Dirty Trip, on entendrait Cemetary Party, on entendrait Sex Born Poison, on entendrait You Make It Easy et rien d’autre, rien d’autre du tout. Et c’est pas faute de m’être penché sur de nouveaux dossiers : le cœur a ses raisons que la raison ignore, ça aussi je l’avais marqué.
Ma relation avec Air a néanmoins évoluée. J’ai vieilli. C’est dur d’être passionnée et adulte. Un moment, il a fallu régler mon intensité sur 4. J’ai commencé à dire des conneries telles que « c’était mieux avant », et à reprocher aux gens, aux choses, au temps, de changer. J’ai essayé de me pencher sur Pocket Symphony, ou les autres disques du groupe. J’étais blasée. A la fin du lycée mon histoire avec Air avait pris la poussière. Je gardais mes albums comme un ensemble de souvenirs dans lesquels j’aimais encore me perdre, mais dont je maîtrisais dorénavant les codes. Le groupe m’avait donné les clés des endroits que je voulais visiter, ils avaient dessiné les cartes du tendre et avaient tenté vainement de me montrer les meilleures routes. Ce que je ne savais pas, c’est que je réussirais quand même à me paumer.
Qu’est ce que tu veux.
Quand ça veut pas, ça veut pas.
Aujourd’hui ça m’a fait tout drôle, le groupe fête ses 20 ans. L’année dernière, The Virgin Suicides en avait 15. Un âge qui me manque parfois quand je fixe le plafond et que je ne pense qu’à la toile d’araignée chelou au dessus du chauffage. Finis les tourbillons de passion pour des mecs qui s’en contrefoutent et pour les disques qui te rendent mélancolique. Tu passes à autre chose. Ça ne disparaît néanmoins pas totalement. Ma mémoire revient à l’écoute de 10 000 HTZ Legend ou de The Virgin Suicides. Ces morceaux revigorent la petite meuf au cœur guimauve et au pull DDP trop grand, qui ne s’est finalement jamais remise de la différence entre l’amour réel et celui qu’elle avait dans la tête, modelé sur ces albums superbes. Même à bientôt 30 ans, toujours 13.
Elle n’est peut-être pas si loin, l’adolescence.
Et c’est peut-être pas plus mal.
Les mélodies, les plages d’orgue, les voix trafiquées, le bruit ronronnant de la basse, le visage de Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel, tout ça se réallumera en moi avec la même intensité à chaque écoute des disques, parce que finalement c’est bien de ne se remettre de rien. Air a planté une graine qui a poussé dans mon ventre comme un lierre sur un mur de brique sans personnalité, une plante sauvage et montante qui a pris tellement d’importance que le couper mettrait en danger la façade.
Je serais parfois un peu triste, mais c’est okay.
Je n’ai pas compris grand chose à la vie, mais c’est okay.
Je ne sais pas faire avec les gens, mais c’est okay.
J’aime bien mon lierre, ça me donne du cachet.