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dimanche, 22 janvier 2012

LA FOIS OÙ ON A FAILLI SE BATTRE

J’aime bien les soirées où les gens vont pour être vus, où ils se sentent cool et importants.

L’autre jour, avec Marine, on est allée à une soirée de lancement de magazine, et on a été servies.

C’était le paradis de la coolitude.

Il y avait le nom d’une scénographe marqué sur la feuille punaisée à l’entrée, mais la pièce était toute vide et blanche, et, pour un magazine de photos, celles-ci brillaient par leur absence. Mais de toutes façons, la raison de la soirée n’a aucune importance, parce que la vraie raison, pourquoi t’es là, c’est parce qu’il y a d’autres gens dans cette pièce vide. L’intérêt, c’est qu’ils pensent que toi aussi t’es cool parce que tu gardes ton bonnet à l’intérieur et que tu portes le manteau de l’ours Paddington (mais c’est vintage) avec un sac en matière sac poubelle (de designer).

Dans ces soirées, c’est facile de trouver un sujet de conversation, parce que tout le monde fait plus ou moins la même chose.

On rigolait au début, en disant que de toutes façons, tout le monde a fait une école d’art et maintenant rien, mais ils sont sur un gros truc, et là bam, mon copain blond se retourne pour parler à ses deux copines, qui se trouvent avoir en effet fait une école d’art, et qui ne font rien maintenant, mais qui ont formé un collectif (elles sont potes) bossent sur des performances culturelles (?) et sur un fanzine (ben oui), enfin bref, elles ont plein d’idées, ça va marcher, c’est un gros truc.

J’ai failli faire pipi dans ma culotte (tout en gardant une face de marbre, n’oublions pas que j’étais incognito) mais de toutes façons, je peux parler, parce que moi aussi j’ai fait une école d’art et maintenant je fais un peu plus que rien mais certains mois c’est proche de rien, mais j’ai plein d’idées quand même. Du coup je joue un peu à la poêle qui se fout du chaudron, mais c’est un peu le thème de ma vie.

Parce que tu vois, moi aussi, je fais des Polaroid ratés, mais au moins je ne les expose pas à la face du monde. Là est toute la différence. On a finit par s’ennuyer, du coup on voulait se battre, Marine voulait faire un esclandre, se mettre nue, chanter du Claude François, parce que bon, ça va deux minutes de parler de tes connaissances en commun mais quand ça fait trois fois que tu cites Jean Nipon ça commence à bien faire. Et taper des gens en tenue de rien du tout, ça nous aurait au moins valu un article de blog quelque part.

On était à deux doigts, sérieux, mais quand il fait -1°c dehors, la nudité, ça fait froid.

Donc on a fait comme tout le monde, on est partis. De toutes façons, la foule s’était déjà disséminée au moment où elle avait réalisé qu’on était en pénurie de bière offerte gracieusement.

C’est là que quelqu’un a crié « A domani, darling » alors ça a été la paille qui a cassé le dos du chameau, parce que bon, c’est déjà honorable d’assumer ses hypothétiques origines corses, mais user du darling à l’accent français et faire une combinaison des deux, c’était super bien trouvé.

En partant, on a pu assister à une démonstration gratuite de mecs qui fument leur clope assis sur leurs motobécanes en marche. On a attendu une roue avant, ou un truc, mais il ne s’est rien passé. On est reparties plein d’amertume, dans le froid, sans même avoir pu voir le fameux magazine.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com