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lundi, 25 janvier 2016

LA MALÉDICTION DU PREMIER RENCARD

Par
illustration

J’ai 27 ans et ma plus longue relation est celle que j’ai entretenue pendant 5 mois avec le petit restau de burgers en bas de chez moi. Leur sauce au poivre était merveilleuse. Mais mon dealer de frites a malheureusement fini par fermer (un voisin m’a dit qu’ils n’avaient pas trop copiné avec l’inspecteur de l’hygiène), m’abandonnant face à mes 4 kilos accumulés.

Moi ça va, je le vis pas trop mal mais évidemment, je me tape souvent la même rengaine, avec le pic traditionnel aux repas de famille et mariages des potes : « Et alors, t’as un copain en ce moment ? »(variante avec « mais t’aurais pas un peu grossi ? »). Ce à quoi évidemment je réponds que non, mais qu’il y a deux semaines après être rentrée avec un mec, j’ai vomi le lendemain matin sur l’une de ses quatre paires de Stan Smith. J’ai hésité à écrire mon numéro sur son frigo avec ce que j’avais régurgité en me disant que s’il me rappelait, c’était le type de ma vie, mais je me suis finalement téléportée avant qu’il ne se réveille. Parfois, je fais les bons choix.

Le fait est que je vais rarement au-delà du premier rencard. Je ne sais pas pourquoi.

J’étais super forte en maths à l’école. Et au lycée, alors que tous mes potes passaient leur week-end avec des équations à trois inconnues, ma mère me filait un billet de 20 euros le samedi soir en me disant d’aller décompresser. Peut-être que le fait d’être bonne en maths a bousillé mon karma séduction ? Pythagore et Thalès ont-ils détruit ma love life ? MERCI LES KEUMS QUOI.

Heureusement il y a le gang de copines. Et en parlant avec elles, tu te rends compte que même celles qui sont maquées depuis 3 plombes ont galéré à un moment ou à un autre. Et après des heures interminables de discussion où on aurait pu faire des trucs plus constructifs que parler de mecs (regarder le compte Instagram de Craig David par exemple), voici une sélection de foirades entendues.

Le mec rencontré dans la rue

Un jour alors que tu te rendais chez une copine, sapée comme Britney quand elle va au supermarché, tu entends une voix te héler : « hé toi avec le pull de couleur heu… Oui toi !»

Un type arrive en courant presque. Environ ton âge, habillé normalement…Il te lance un peu tremblant : « bah euh voilà, je t’ai croisée et j’ai eu envie de te parler ». Bon. Ça te change de « Meuf, ton boule il est comme deux pleines lunes, j’ai envie de partir à la conquête de l’espace. »

Vous discutez un peu : étudiant en musique au conservatoire, vient d’arriver dans cette ville, ne lorgne pas tes einss quand il te parle, plutôt mignon…

Désespérée Touchée par son courage, tu lui donnes donc ton numéro.

Page de publicité de 3 jours où tu vous imagines dans quelques années emmener vos jumeaux de 4 ans à leur premier cours de guitare.

1er rencard

En fait, tu apprends qu’il est « auditeur libre au Conservatoire », c’est à dire qu’il y va une fois par mois. Qu’en musique il aime de tout mais ce qu’il préfère c’est la poésie de Fauve. Qu’il ne vient pas vraiment d’arriver puisqu’après avoir abandonné, dans l’ordre : sa première année de philo, son CAP pâtisserie et sa première année de médecine, il est retourné chez ses parents pour « réfléchir à son avenir ». Tu sais aussi qu’il est un peu juste ce mois-ci et que donc si tu pouvais lui payer ses deux bières, ça serait chouette. Il te les remboursera la prochaine fois.

Fin du rencard

Il ne t’a jamais rappelée et de toute façon, tu avais décidé que tu n’avais pas envie de revoir tes 12 euros.

Ton boss

En arrivant à ton premier boulot après la fin de tes études, en douce oie blanche que tu étais, tu pensais « jamais mélanger les mecs et le boulot. Jamais. Plutôt arrêter les burgers ».

Mais ça c’était avant que tu croises par hasard ton boss dans un bar. Fraichement divorcé, retrouvant les joies simples des mauvais cocktails à 15 euros et des coudes sur le comptoir collant de bière coupée à l’eau. Puisque tu ne peux pas l’ignorer (c’est ton boss quoi), tu vas le saluer et commence à discuter. Et surprise, lui aussi écoute The Gun Club et Deerhunter. En plus, il fait des blagues drôles sur les Tamagochis et connait l’histoire de Mike le poulet sans tête. Cependant, il doit bientôt rentrer car il n’a payé la babysitter que jusqu’à minuit. En partant, il t’embrasse maladroitement sur la joue en disant qu’il aimerait bien boire un café avec toi, et pas celui de la machine au bureau.

Page de publicité d’une semaine lors de laquelle tu projettes de tout plaquer, partir avec lui dans le Wisconsin ouvrir une salle-de-concert-librairie-disquaire-restaurant-bar-à-chats-charcuterie et expliquer 10 ans plus tard sur Fox News (c’est l’une des seules chaines américaines que je connaisse) que votre succès se doit à votre complicité sans faille.

1er rencard

Vous vous donnez rendez-vous dans un bar qui, vous le savez, est géographiquement à l’opposé de celui des afterworks de la boite. À une table au fond. Dans une petite alcôve intimiste. Qui ne donne pas sur la rue. Ah, il fait déjà nuit à 16h en juin ?

Tout va bien, ses blagues sont toujours drôles. Même s’il a mis un peu de temps à les raconter : il s’est interrompu car il pensait avoir aperçu Sylvie de la prod. Et puis Gilbert de la com. Et Suzanne de l’administration (comme dans les Sims, Suzanne aurait donc vieilli de dix ans et eu trois enfants en deux heures). Mais toi-même tu étais trop occupée à jeter des regards paranos à la Carrie Mathison derrière ton épaule pour y prêter attention.

Fin du rencard

Au moment où ton boss a pris un des serveurs pour Gilles de la compta et renversé ton verre sur le coup (et sur tes genoux).

Le mecbossgo que tu croises souvent en soirée et avec qui tu discutes à chaque fois 5 minutes, sans jamais avoir su son prénom ni vu avant minuit.

Te voilà à une fête au fin fond de la ville. Pas de métro et le taxi s’est même perdu pour venir. Et évidemment ce type est là. Après quelques échanges, il s’interrompt brusquement : « au fait, je t’ai toujours vraiment trouvée jolie, comme fille».

Un peu déroutée par cette révélation choc, tu le laisses en plan pour aller draguer le cubi de vin blanc.

Et avant de partir (et aussi 5 verres plus tard), tu ne sais pas trop ce qui te prend mais tu lui tapes sur l’épaule et l’embrasse à plein bouche. Résistant à l’envie d’aller chez lui, enfin surtout parce que tu avais promis à une pote qui vient de se faire plaquer de la raccompagner, il te propose sans hésiter un café le lendemain.

Page de publicité de 12 heures et une gueule de bois pendant laquelle tu te demandes s’il est aussi bien à la lumière du jour.

1er rencard

Note à toi-même : jamais de rencard avant 15h après un lendemain de cuite. L’avantage c’est que tu n’as pas eu le temps d’aller checker son profil Facebook et de peut-être découvrir qu’il a liké les pages de Fast and Furious 7 ou de Danse avec les Stars.

Tu arrives donc et l’aperçoit en terrasse. Avec deux autres mecs. Qui, après que tu te sois assise n’ont pas l’air de vouloir décoller.

Fin du rencard

Ses deux potes sont très sympas, tu as passé deux heures à rigoler avec eux et pas avec le type de la night, qui curieusement, fuyait ton regard. En rentrant SEULE chez toi, prise d’un doute, tu vas sur son profil Facebook. Au milieu de photos de concerts, il y en a une de lui et d’une jolie brune sur ses genoux, qu’elle a d’ailleurs posté sur son mur il y a une heure avec les hashtags #monamour#tropbienavectoi.

Ton voisin

Habiter dans un immeuble mal isolé a l’avantage de permettre de tisser des liens solides avec tes voisins. Au-dessus, c’est le couple qui baise chaque vendredi soir entre 22h et 22h17 puis ensuite s’engueule jusqu’à minuit. À droite, c’est celui qui se fait toute la filmo de la Nouvelle Vague (d’ailleurs tu te demandes s’il ne met pas le son hyper fort pour te faire culpabiliser de regarder Grey’s Anatomy).

Un soir, alors que tu hésitais à t’inscrire sur Linkedin ou Tinder, on frappe à ta porte : « Salut, je suis le voisin du dessous, on se croise tous les matins mais on n’a jamais vraiment pu se parler jusque là et j’avais envie de boire une bière avec toi pour faire connaissance». Forcément que t’avais pas la tchatche, avant midi tu détestes la terre entière (même Ryan Gosling) et tes yeux collent, en plus. Le mec prévoyant a déjà un pack à la main et, en regardant mieux, tu t’aperçois qu’il a un super sourire de pub de dentifrice et que c’est tout à fait le genre de type à qui ça n’arrive jamais d’avoir des trucs coincés entre les dents.

Page de publicité de 30 secondes où tu refermes la porte derrière lui, en pensant au jour où vous raconterez votre rencontre trop romantique en finissant les phrases de l’autre au mariage de ta cousine dans la Creuse en avril prochain.

1er rencard

Le voilà tranquillement assis sur le canapé, en train de scruter tes vinyles « ah, t’écoutes souvent the Growlers en ce moment nan ? »

Merde,merde, tu espères qu’il n’a pas entendu le générique de Grey’s Anatomy mercredi soir.

Et après avoir terminé les bières et la bouteille de champagne que tu réservais pour les 30 ans de ta sœur ce week-end, JACKPOT. Ses dents parfaites sont en train de d’entrechoquer les tiennes. Ah, et puis vous finissez par baiser aussi hein. Blottie contre lui, tu te sens bien et il n’a pas l’air de vouloir décoller. Il finit par rompre le sacro-saint silence post coïtal d’une voix avinée: « Je peux te poser une question assez perso ? »

Ok, tu te prépares mentalement à justifier le fait que tu préfères les burgers aux pizzas.

« Est-ce que t’as simulé ? »

« … »

« Non parce que j’ai l’impression que… je sais pas… que t’étais différente la dernière fois.»

Ouais euh alors, ça t’arrive de rentrer bien bourrée, mais après avoir rapidement passé en revue les mecs que tu as ramené chez toi, tu te serais souvenue si tu t’étais déjà tapé dents-de-javel.

Et là tu comprends. Voisin. Dessous. Immeuble. Moisi. MAL INSONORISÉ.

Fin du rencard

Tu as décidé d’aller au boulot plus tôt le matin.

Conclusion : si quelqu’un connaît un prof de maths qui sait faire des supers bons burgers, merci d’écrire à Retard qui transmettra.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com