Au mois de juin 2016, j’ai décollé de Barcelone pour l’aéroport de Keflavik, en Islande. Nous étions quatre, mes compagnons de route et moi-même, et nous sommes passés sans transition décente, des tapas et de la bière au soleil dans le quartier de la Barceloneta, au désert minéral et au jour constant de l’Islande, version 2h du matin en été.
« Ah ouais l’Islande, c’est la destination à la mode, t’es pas très originale », me disait-on. Soit. C’est vrai que j’ai décidé de faire ce voyage au moment où Justin Bieber, PNL et Nekfeu avaient élu ce pays pour y tourner un clip. L’alignement des astres. Et l’envie secrète de courir et me rouler dans l’herbe comme Justin.
Je n’ai pas été déçue du voyage. L’Islande est une terre encore préservée du piétinement des touristes. Le contraste est saisissant entre cette nature folle, puissante, majestueuse, et la civilisation rencontrée à Reykjavik, dans le cadre du festival de musique « Secret Solstice » (notre point culminant à la fin du séjour).
J’ai essayé de tenir un journal de bord un peu paresseux, dans lequel j’ai noté le strict minimum, et plus particulièrement les noms des endroits où nous sommes passés. Un amas de Y, de H, de doubles lettres, de K, de suffixes « foss » et « fjall ».
Dès la première matinée, le pays m’a souhaité la bienvenue à sa façon: de la pluie, du vent, de l’eau à perte de vue et des champs minéraux fascinants. Très peu de traces de la présence humaine, si ce n’est quelques maisons en tôle, de toutes les couleurs. Y’a un truc qui m’a vraiment reposée là-bas, c’est l’absence de panneaux publicitaires, de zones commerciales, de buildings, d’autoroutes… Tu veux visiter le pays? Ben va falloir emprunter la seule route circulaire qui fait le tour de l’île, avec le minimum de signalisation, et si tu veux t’aventurer en terre plus hostile, il te faut au moins un 4X4. On n’avait pas le budget pour le 4X4 alors on a loué un break de famille, et franchement, on était bien dans notre « wagoon ». Nous nous sommes fixés un seul objectif: se baigner chaque jour dans un endroit différent, l’Islande regorgeant de sources d’eau chaude, miracle de la géothermie. Du coup, la population se chauffe avec cette énergie renouvelable et se trouve être d’une zénitude absolue. On a testé, et il faut l’avouer, prendre un bain chauffé naturellement, en plein air, chaque jour, nous a rendus plus heureux. Les Islandais ont un rapport au chill bien particulier, sans chichis ni fioritures. Tu le vois vite quand tu entres dans leurs lieux de vie. Ces petites maisons en tôle à l’extérieur, et en bois à l’intérieur sont pensées pour passer de longs hivers au chaud. C’est simple et fluffy. Leurs intérieurs aussi sont reposants, comme leurs paysages. Très vite nous avons adopté la consigne stricte qui consistait à se doucher savon compris, à poil, avant d’aller se baigner. Et ouais, l’absence de chlore ou tout autre chimie désinfectante exige que tu fasses pas ta pudique dans les vestiaires.
Quand j’entendais parler des plages du Sud en Islande, bêtement j’imaginais du sable doré, des falaises ocres, et le soleil qui fait scintiller l’eau. J’étais loin du compte. A Vik, l’océan est hostile et te le fait savoir. Le sable est noir comme du charbon, l’eau est grise et les vagues sont déchaînées. Mais c’est d’une telle beauté. Même ici, dans cette petite ville touristique, l’homme a respecté la nature, s’est incliné et n’a construit que quelques maisons timidement éparpillées. Dans ce pays, c’est la nature qui est arrogante.
Et j’ai pu le mesurer tout au long de cette semaine de road trip, où nous avons remonté la côte, du sud-ouest jusqu’aux Fjords du nord-ouest. Et plus on remontait, plus les terres sauvages devenaient la norme. Le jour constant ajoutait forcément une dimension mystique au voyage. A cette période de l’année, tout près du solstice d’été, le jour ne se couche vraiment jamais. Le soleil descend un peu pour quelques instants, comme si c’était 20h en été en France, reste ainsi et remonte 3-4 heures après, pour briller à nouveau. Ce qui te laisse énormément de temps pour visiter et voir un tas d’endroits. On s’en est pas privé.
Je crois que ce qui m’a le plus émue, c’était les Fjords du nord-ouest. J’ai aussi flippé car j’ai compris que l’être humain fait le malin mais finalement il est tout-petit, tel un Napoléon qui a voulu défier le climat en Sibérie. « Heureusement que c’est l’été », je me disais, et « heureusement qu’on est pas tombé en panne ici, ou que le wagoon n’a pas dérapé quand on a cherché cette cascade folle en roulant à 50km/h au maximum tellement la route n’en était pas une ». C’est sûr, si des aventurières de l’extrême, des baroudeuses aguerries me lisent, elles vont penser « c’est qui cette frileuse ? » Et en même temps, le grand frisson n’est pas proportionnel au grand canyon. Il est proportionnel à ce que tu viens chercher dans l’inconnu.
Ce voyage a renforcé mon côté hippie, pourtant j’essaye de l’étouffer pour oublier que j’ai un jour porté un sarouel.
Le retour à la civilisation a été brutal et excitant à la fois. Nous n’avions croisé que très peu de membres de la population durant le road trip. Les Islandais ont la réputation d’être un peuple très accueillant. C’est vrai. J’avais hâte de voir à quoi ressemblent les Islandaises et les Islandais « citadins », j’imaginais des chevelures presque blanches, des teints diaphanes, des vêtements épurés et futuristes… J’avais aussi hâte de voir la ville. On voit que c’est pas trop leur truc l’urbain. Reykjavik semblait être partout en travaux. C’est assez petit en termes de superficie et ici par contre, on mesure bien que le tourisme explose. J’ai trouvé que la ville manquait d’âme, c’est purement subjectif, hein. L’une des raisons de ce voyage était aussi la participation au Secret Solstice Festival. Ça a été l’occasion de concerts cools, sous la pluie et sous le soleil à 3h du matin aussi. Ça a été surtout l’occasion de découvrir une quantité de cagoles islandaises tartinées de fond de teint irisé, les sourcils repeints, les cheveux lisses et longs sous des casquettes de baseball. Damn! Ca contrastait tellement avec l’environnement! C’est là que je me suis souvenue que l’Amérique est tout près en fait. Et ça se voit dans leur style. Avec mes copines, on avait l’impression d’être sorties en pyjama, pas maquillées, pas coiffées, tellement on dénotait avec la sophistication ambiante. Le « négligé chic » de la femme française avait plutôt des airs de « I woke up like this mais vraiment like this » en comparaison.
Quand on a pris la navette pour l’aéroport le dernier soir, et que je regardais le soleil posé sur l’océan, j’avais le sentiment d’avoir rempli ma mémoire d’images qui allaient désormais se taper l’incruste dans mes rêves, la nuit, la vraie. Du fond de teint irisé, au scintillement du soleil sur l’eau, en passant par les terres volcaniques, les bains chauds, les geysers et les leggings en sky.
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