C’est depuis le Paris retrouvé à boire du thé vert détoxifiant et à tenter de rééquilibrer ma flore intestinale que je vais vous faire le récit des festivités musicales malouines de cette excellente édition 2013 de la Route de le Rock. Tout en me repentissant de mes excès avec un bon Smecta des familles.
Tout débute ce jeudi 15 août, pas peu fières d’avoir décliné toutes les invitations aux débauches de la veille, c’est fraiches et pimpantes que les copines et moi nous pointons jeudi après-midi pour profiter de la belle performance Orval Carlos Sibelius sur la plage ensoleillée de Saint-Malo. C’est beau, envoûtant, tel un avant-propos soft qui nous fait subtilement glisser vers les rivages ensablés des horizons psyqué-pops des talentueux parisiens. (Ok, je ne suis pas poète-poète mais vous avez saisi l’esprit du truc).
Juste le temps de faire les 12 bornes qui séparent la plage du fort Saint-Père pour arriver à temps retrouver notre Jacco Gardner préféré. Notre petit chouchou porte une belle marinière de circonstance, tel un parisien en vacances dans sa résidence secondaire malouine. Mèche impeccable, tout comme sa performance scénique, proche de la perfection. Entouré de ses copains musiciens tendance petits prodiges comme lui, Jacco investit son univers musicalo-visuel barocco-pop-psyché avec grâce et élégance. Bien joué, petit lutin des bois.
Enchaînement un peu brut de cidre avec Iceage juste derrière, certes bien crado et presque efficace quoique encore bien brouillon. De deux choses, l’une serait-ce trop tôt à l’heure de l’apéro ? L’effet pogo-style-destroy-grunge aurait sûrement été plus apprécié si on avait eu le temps de s’envoyer quelques pintes de plus derrière la cravate. Les petits danois sont encore aussi un peu jeunes pour maîtriser complètement leur son. Trop tôt dans les deux cas, on verra d’ici quelques années si la glace a fondu…
Alors que l’ingestion des premiers breuvages apéritifs (sans glace) commencent à griser mon enthousiasme (haut en couleurs), il est temps de retrouver Moon Duo et pour cela se frayer un chemin vers la 2e petite scène, à la capacité plus que limitée. Très bonne idée cette deuxième scène, messieurs les organisateurs, encore faudrait-il anticiper le fait qu’il y aura possiblement autant de monde que devant la grande. Bah oui, on n’est pas là QUE pour passer notre soirée au bar entre deux têtes d’affiches.
Après avoir bien fendu la foule et investi une situation géographique, visuelle et sonore optimale, la psyché Moon duesque peut enfin inoculer sa puissante dose de kraut-psyché à un public attentif et rapidement conquis. On opine du chef, en balançant nos cheveux à l’image du trio de cousins machins en transe, dans une homogénéité stylistique et musicale au bord de l’extase nirvanesque. De la bonne came, en toute légalité.
Alors qu’on se remet à peine de notre voyage intergalactique bilunaire qu’il faut déjà aller rejoindre le messie australien tant attendu. Quelques coups de coudes bien négociés et me revoilà au milieu des groupies des premiers rangs, prête à recevoir l’extrême-onction sonore du grand Nick Cave. On avait eu beau me convaincre de la qualité scénique de notre sauveur, je ne m’attendais pas à l’ampleur du charme que ce cher Nick allait exercer sur moi.
Entouré de ses mauvaises graines genre vieux gitans 50’s classes, mené par le non moins charismatique Warren Elis, leader des géniaux Dirty Three, Nick convainc et serre des mains tel un politicien en campagne christique. Et on crie Aléluhia, en pleine extase.
Après tant d’émotions, cette fois, pas de surprise, voire très peu de magie avec !!!. L’autre Nic (beaucoup moins classe) a carrément fait péter le calbut’ version disco. Ce qui ne suffira pas à sauver un concert attendu, à base de soupasse peu digeste, sans les meilleurs morceaux dedans. Va falloir penser à renouveler un peu le menu, les cocos, parce que là, on reste sur notre faim.
Après un de ces débats de fins de soirée aux propos légèrement imbibés à savoir si Fuck Buttons est plutôt d’obédience rock ou électro, ou les deux ou ni l’un ni l’autre (qu’est-ce qu’on s’en fout en plus, à cette heure avancée, du moment que ça bouge), le duo british commence son show à base de longues montées progressives rudement efficaces. Malgré quelques souvenirs de lives un peu plus endiablés à mon goût (notamment à la Maroquinerie il y a quelques années), la transe nihiliste des gaillards se révèle assez efficace pour terminer la soirée en beauté et finir d’user nos vieilles gambettes de trentenaires.
VENDREDI 16 AOUT
Démarrage diesel pour ce deuxième jour. On atteint le fort seulement pour la fin d’Efterklang, dont la musique me semble aussi prétentieuse que la veste de costard blanche du chanteur (genre crooner de ferry-boat). La prestation du groupe ne me fait ni chaud, ni froid. Je préfère aller reprendre un verre au bar en attendant Allah-las.
Allah-Las : méga-smooth, cali (fornia) style, genre de The La’s version musulmans pacifistes (ok, mauvais jeu de mot..). Malgré la voix un peu dégueu du chanteur, le garage-pop 60’s à la Zombies fait son petit effet. Allah-las ou l’économie de moyen, les guitares simples et efficaces, earth friendly, les mecs. Le public adore et nous aussi.
J’ai décidé de ne pas parler de Godspeed you mothafucka parce que :
1) je ne suis pas allée voir le concert
2) si je démonte leur prestation, il va encore y avoir un fan relou qui va faire un commentaire à cet article. Du coup, la meilleure façon de s’en foutre, de ce groupe, c’est de le snober dans cet article. Et toc, CQFD.
Les parisiens venus en masse à la messe malouine ont beau voir Zombie Zombie à peu près 2 fois/mois à la capitale, ils étaient tous fidèles au poste, sûrement pour pouvoir se la péter en rentrant (« ‘tain, ils étaient meilleurs à St Malo l’été dernier, j’t’assure»). On s’est demandé si Neman avait fait des progrès à la batterie parce qu’il avait l’air d’envoyer du bois mais en fait y’avait un 2e batteur (on se disait aussi).
Tous les ingrédients étaient au rendez-vous : du dark-geek-éléctro-Carpenter-style avec de belles montées sciences-fictionnesques ponctuées de ces fameux cris d’animaux si jouissifs. Mission accomplie, les revenants. Et à mon avis, plus y aura de batterie mieux ce sera (je peux faire la 3ème..?!)
Ca enchaîne, ça enchaîne, et on commence à être chauds comme des baraques à frites. Ça tombe bien puisque commencent juste sur la grande scène les BASS DE LA DRUM OF THE DEATH (il tue ce nom, j’adore).
Déjà qu’à l’écoute de l’album à fond dans la caisse sur la route des vacances on sentait bien le potentiel des garageux, on est d’autant plus conquis de les voir sur la grande scène des grands. Voir est un bien grand mot parce que, capillairement parlant c’est un peu le lâchage complet. Je fais rarement la police de la mode mais en apercevant la mulet-frange du chanteur et le bol approximatif du guitariste on se dit qu’il y a du laisser aller, là. Avec en plus un slim rose couleur chair pour ce dernier, (genre je suis à poil en bas, mais sans poils justement). J’ai pas de photo nette à l’appui mais croyez-moi, c’était plus joli à entendre qu’à voir.
Trèves de moqueries, ils assurent grave en live et c’est bien là l’essentiel. Groupe à suivre et à revoir sans modération.
Nous voilà donc vers la fin de cette belle soirée avec une des têtes d’affiches électro de ces trois jours. Soit TNGHT, ou la vaste blague, l’arnaque du siècle, le foutage de gueule organisé. Ils ont cru qu’en faisant l’économie de voyelles, ils pouvaient discrètement nous faire une promo sur la qualité ? On avait dit « live » les mecs, c’est marqué sur le contrat, pas un « mix » de vos morceaux hip hop r’n’b ricains préférés avec en prime des relances de chauffeur de salle québecois (à la limite du « ça va St Malo, vous êtes là ? Faites du bruit ! » J’exagère à peine). Et hop discretos, au milieu de leur playlist I-Tunes de l’été, ils nous balancent les 2/3 vrais sons à eux, ni vu ni connu, on fait semblant de faire le taff, tel un stagiaire sans surveillance.
HONTE SUR VOUS ! Je dirais même moins HNTE SR VS !
À ajouter au palmarès : « Faut pas prendre les cons pour des gens »
et spécial GOT : « Ophélie Winter is coming »
SAMEDI 17 AOUT
Notre belle équipée est encore vaillante pour ce dernier jour, on va même braver les quelques gouttes intermittentes du spectacle sur la plage pour écouter Trésors de loin. Pas mal du tout, quoique un peu dark pour la sieste, j’ai failli faire des cauchemars.
On arrive pile au fort pour l’audition de fin d’année de la chorale de l’école de musique de Marc-en-Poulet soit Concrete Knives. Ils sont bien gentils les popeux les normands mais franchement, quitte à voir une bonne chorale rock chrétienne bien délirante, j’aurais préféré revoir Polyphonic Spree (souvenirs impérissables de 2005). Au lieu de ça, on se tape les bisounours en colo, youpi tralala. Le summum du ridicule qui ne tue pas étant la reprise de « Here Comes The Hotstepper » d’Ini Kamoze (nan mais ça va pas, nan ?!) Un peu facile, vos niaiseries, tabernacle de p’tits chrisse de téteux.
Ha ben, en voilà d’autres petits jeunots qu’on attendait au tournant (eux), me dis-je, en me frayant un chemin vers la petite scène vers les fraîchement débarqués Parquets Courts. Si les références au rock indé 90’s paraissent au prime abord un peu trop évidentes sur album (un petit peu de Sonic Youth par ci, un petit clin d’oeil à The Fall ou Pavement par là), elles semblent beaucoup mieux digérées sur scène où le son du groupe paraît plus homogène, sorte de power garage lo-fi légèrement grunge. Avec leurs riffs guitareux efficaces et leurs lignes de basses musclées, les texans font de leur garage moderne un nouveau terrain de jeu et dépoussière sérieusement le genre. Ça donne envie de sautiller comme à 15 ans, si nos genoux de quasi-vieillards décatis nous le permettaient.
J’Tame Impala pour les voir donc ça compte pas vraiment. Personnellement, je préfère écouter ce groupe tranquillement à la maison, je ne ressens pas le besoin de les écouter en live, ce n’est pas à priori leur fort (Saint Père).
Malgré quelques craintes que leur prestation ne soit pas à la hauteur de celle de 2011 ici même, Suuns a réussi à illuminer les privilégiés amassés devant la petite scène. Un live dense, dansant et bien profond (non, pas de jeu de mot, merci)
Passons au bouquet final, à l’apothéose électro du festival, ce final grandiose et majestueux : j’ai nommé HOT CHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP ! Ou la révélation divine, le clou du festival, tout s’éclaire enfin. Là où l’efficacité électro des albums prend tout son sens en live. Hot Chip est à mettre dans la famille des lives instrumentaux irrésistiblement dansants. Pas cheap pour un sous, plutôt les geeks les plus classes de la galaxie !
Je reste sur cette dernière impression et snobe Disclosure, qui me paraissent bien fades derrière (limite bande-son HM à mon goût).
Spéciale cacedédi à Nicolas Jublot, programmateur maso de l’Espace B parisien, qui adore se faire insulter par les Gérards.
Voilà, la Route, c’est déjà fini pour cette année, cet excellent Millésime 2013 gouleyant à souhait. Finie la parenthèse enchanteuse, on remballe ses baskets qui refoulent (sentimentales) et tous les gobelets consignés oubliés au fond du sac et retour au métro-boulot-dodo. On range les vacances dans nos valises en nylon où traînent quelques poignées du sable malouin collés aux cocasses stickers Gérard, et on se garde plein de beaux souvenirs musicaux en tête pour affronter le retour, la reprise et ces satanés musiciens du métro. Et comme dirait Brigitte, l’année prochaine, tout recommencera, nous reviendrons. C’est sûr.