Thomas Raphaël est auteur. Déjà c’est classe. Il nous a écrit à la fin de l’été, il nous a dit qu’il aimait beaucoup Retard du coup on a dit qu’on l’aimait beaucoup aussi. Aujourd’hui, il sort son livre, « J’aime le Sexe mais je préfère la Pizza » aux éditions Flammarion, et parce que c’est un mec trop gentil, il nous a proposé de publier l’une des nouvelles de son roman. Anna et moi on l’a adoré, on espère que ça te fera de même et que tu lui permettras, en allant acheter son livre, de battre ce blaireau de Guillaume Musso dans le top des ventes (ça va aussi là).
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C’était une mononucléose. Le médecin m’a demandé comment je l’avais attrapée.
— De mon père, j’ai répondu.
J’avais la tête qui tournait. Le médecin a ajusté ses lunettes et m’a probablement classé parmi les cas délicats d’incestes consentants.
Au bout de mon troisième jour à devoir choisir entre aller aux toilettes ou manger une compote, parce que je n’avais pas assez d’énergie pour les deux, ma mère s’était souvenue que mon père avait eu les mêmes symptômes au début de l’année. Elle m’avait appelé : « Ah mais dis donc, je me demande si ce serait pas Papa qui te l’aurait refilé au ski en février… » À ce moment-là, les résultats de la prise de sang n’étaient pas arrivés, elle ne savait pas de quel virus on parlait. « La première semaine, il n’est pas sorti du lit. Le mois suivant, il se couchait à 21 heures, et encore, après une sieste à 18 heures pour tenir jusqu’au dîner. » Pour autant, mon père n’était pas allé chez le médecin. Moi si – dès le premier repas que j’avais sauté. J’ai vu assez de films pour savoir ce qui arrive quand on se met à tousser. Je veux savoir combien de jours il me reste à vivre. Et je veux savoir combien y a d’argent sur mon compte. Pour diviser le second nombre par le premier et tout dilapider.
Entre chez le médecin et mon studio, j’ai dû faire deux arrêts tellement j’étais fatigué. Je découvrais que le quartier était plein de vieilles dames, très lentes, avec des chariots à provisions. Tout ce que je savais de la mononucléose, c’était que mon amie Émilie, au lycée, avait raté un trimestre entier à cause de ça. En arrivant chez moi, j’ai regardé sur internet. D’après Wikipedia, il existe des versions plus ou moins virulentes – certaines personnes l’ont et ne le savent même pas ! La période d’incubation est généralement d’un mois, ce qui correspondait effectivement à la semaine que j’avais passée dans les Alpes avec mes parents. J’avais probablement bu dans le même verre que mon père. Ce serait un argument pour dire à mes parents que je n’irais plus au ski avec eux. J’avais commencé à préparer le terrain avant la mononucléose, mais il y avait eu des résistances. « Quelle promiscuité ? De quoi tu parles ? avait répondu ma mère. Les sports d’hiver, c’est la santé. » Cinq hivers plus tôt, dans le même T2bis exactement, mais dans les Pyrénées, mon frère Adrien m’avait refilé une gastro. En descendant du lit superposé, trois jours après, j’avais vomi sur mon frère Clément. Ma mère l’avait shampooiné au liquide vaisselle au-dessus de l’évier en attendant que je ressorte de la salle de bains-WC.
Suite à ma prise de sang, mon père a fini par en faire une lui aussi, et il a obtenu le même résultat que moi. Il y a un code d’honneur implicite quand on fait partie de la grande chaîne de la mononucléose. Je n’ai pas demandé à mon père qui la lui avait donnée. Et mon père ne m’a pas demandé à qui je l’avais transmise, moi.
Sébastien est un des premiers garçons à qui j’ai parlé sur internet. Pour sa page d’accueil, le site avait choisi deux hommes en slip qui vous mettaient à l’aise si vous êtes le genre de personne qui aime sauter les étapes. Mais Sébastien et moi avons échangé des messages pendant trois semaines avant de nous rencontrer, c’est-à-dire l’essentiel de ma période d’incubation. Il avait 25 ans, une petite sœur, ne voyait jamais ses parents, faisait occasionnellement de la voile dans le Morbihan et avait adopté un chat abandonné qu’il avait rebaptisé Rocky. Mais le trait le plus saillant de sa personnalité était qu’il habitait Rouen mais qu’il était d’accord pour venir me voir à Paris. Depuis Rouen ! Deux heures de route ! Qu’il était prêt à faire pour moi !
Il m’a envoyé un sms le vendredi soir en sortant du travail : « Je pars. À ce soir. » A 21 heures, j’ai reçu un deuxième SMS : « Me plante pas, sinon j’ai nulle part où dormir. » Il ne me connaissait pas encore et voulait déjà dormir chez moi ! J’étais désirable. C’était enivrant.
J’avais proposé plusieurs quartiers. Il m’avait répondu : « Le plus près de chez toi ». On peut trouver ça vulgaire, mais comme moi on peut aussi trouver ça romantique – ça dépend de sa personnalité. Je suis arrivé dans le café avant lui et je l’ai trouvé très beau quand il est entré. Il était un peu plus grand que moi, il avait la voix plus grave, et le regard plus franc. J’ai dit à la serveuse que je voulais un cosmo, parce que Sex and the City venait d’arriver en France, et Sébastien a demandé un whisky, ce que j’ai trouvé intimidant et érotique. La serveuse est revenue : ils ne faisaient pas les cosmos. Alors j’ai pris un mojito. À cette époque, l’alcool recouvrait 50 % de mon budget mensuel ; mais je n’étais pas alcoolique, juste étudiant. La blague a fait rire Sébastien. Il a répondu que, ce soir, c’était lui qui invitait.
Je m’étais raconté qu’on devait être honnête et transparent quand on rencontrait quelqu’un, parce que ce serait peut-être avec lui qu’on allait traverser la vie, mais Sébastien m’a montré que ça pouvait être excitant, aussi, de jouer à être quelqu’un d’autre que soi. Il se penchait pour me parler et baissait la voix comme s’il y avait un risque qu’on nous espionne. À beaucoup de questions, il répondait « tu verras », comme s’il avait un plan secret pour lui et moi, mais qu’il ne pouvait pas entrer dans les détails, pour ma propre protection. Dans le scénario de Sébastien, il était l’homme dangereux qui avait tout vu, et j’étais la chose fragile qu’il devait protéger. Après trois semaines de messages, je n’avais pas compris qu’on jouerait à ce jeu, mais je m’y suis mis, j’y ai joué, et à ma place Carrie Bradshaw aurait fait comme moi. Sébastien s’est étonné que je sorte seul dans la rue la nuit. S’il avait un copain, il lui dirait de prendre un taxi. Je lui ai répondu qu’il était quelqu’un de bien. Il m’a demandé si j’avais connu beaucoup de garçons avant lui. Je lui ai répondu « juste un », ce qui était vrai et ça tombait bien. Là, il m’a demandé si j’étais déjà allé dans un sex-club, je lui ai répondu « ben non, du coup », déstabilisé par l’enchaînement. Il m’a dit : « Cool, tu veux que je t’y emmène ? T’as envie de voir comment c’est ? »
Est-ce que c’était un test ? je me suis demandé. Une question piège ? Une chose fragile doit-elle vouloir aller dans un sex-club ? Je voulais trouver la bonne réponse pour ne pas rompre le moment magique qui s’esquissait entre nous. Il a pris ma panique pour de la timidité : « Allez, viens, je t’emmène. Tous les mecs veulent voir à quoi ça ressemble au moins une fois. Avec moi tu crains rien, t’auras coché ça sur ta liste, et je pourrai te garder rien que pour moi. » Rien que pour lui ? Déjà ? C’était difficile de jouer sans avoir eu le scénario avant. Notamment : étais-je censé le suivre en faisant semblant d’être excité, ou semblant de trouver ça quand même un peu dégoûtant ? En vrai, j’avais surtout envie de rentrer me coucher, à cause de la mononucléose qui montait, mais je ne savais pas encore que c’était la mononucléose, et pour moi Sébastien avait fait le trajet depuis Rouen. J’ai essayé de mieux comprendre son fantasme :
— C’est vraiment si dangereux que ça, un sex-club ? je lui ai demandé. De quoi tu vas me protéger ?
— De tout. De n’importe quoi. Ça peut basculer vite, tu sais. Une fois, j’étais avec un garçon, on lui a manqué de respect. Alors je me suis battu. Le mec m’a eu à la poitrine mais moi je l’ai eu à la joue.
— À la joue ? j’ai demandé.
— Oui, au couteau. Il se souviendra de moi. Tu verras ma cicatrice tout à l’heure. À moins que tu veuilles la voir maintenant ?
J’avais la pression. Sébastien était dévoué à son personnage. Et moi, qu’est-ce que j’allais pouvoir inventer ? Sauf que là, il a déboutonné sa chemise et m’a montré ses pectoraux. À moi et aux gens de mon quartier. Et c’était une vraie cicatrice, large, épaisse, en plein dans le muscle. J’étais partagé. D’un côté, peut-être que les sex-clubs étaient dangereux, mais Sébastien, lui, l’était clairement. De l’autre, j’avais envie qu’il m’attrape la nuque et qu’il me plaque contre un pilier. Il a reboutonné sa chemise et il a soulevé ses cheveux pour me montrer une autre cicatrice, plus petite, en haut de son front : « Et ça, il m’a dit, c’est la fois où c’est à moi qu’on a manqué de respect. » Je ne connaissais rien de Rouen. Je n’y étais jamais allé. Peut-être que je jugeais Sébastien trop vite. Peut-être qu’il était l’homme de ma vie et qu’il venait juste d’un endroit dangereux ?
Dans sa voiture, il m’a dit qu’on allait « au Dépôt », « le plus grand sex-club d’Europe ». « Ah oui, dis donc, j’ai répondu, par contre, tu sais, je me sens un peu fatigué. » Il a trouvé ça mignon. « T’inquiète pas bébé, je serai avec toi. » C’était la première fois que je traversais Paris en voiture, d’habitude je prenais toujours le métro. Ça m’a semblé luxueux. C’était aussi la première fois qu’on m’appelait bébé. J’ai appuyé ma tête contre la vitre et j’ai regardé les lumières défiler, comme dans les films quand les personnages ressentent beaucoup d’émotions.
Il a trouvé une place pour se garer pas loin. Il a payé les entrées, m’a pris la main et a promis de ne plus me lâcher. Le rez-de-chaussée était vide. Il y avait juste un barman, des néons rouges et de la techno. Avec l’assurance de quelqu’un qui ne visitait pas les lieux pour la première fois, Sébastien nous a fait prendre un escalier qui nous a menés à un rideau à lanières noires, qu’on a traversé. De l’autre côté, la pièce était entièrement noire. On voyait seulement des fentes de lumière à l’autre bout, à travers les lanières de l’autre rideau. Des mains se sont posées sur mon cou, mais ce n’était pas celles de Sébastien. J’ai accéléré. J’ai entendu des frottements, des soupirs. J’ai fixé le regard droit devant moi, même si on n’y voyait rien, et j’ai espéré que personne n’allumerait l’interrupteur sans faire exprès. On a ralenti car Sébastien avait du mal à nous frayer un chemin. J’ai réalisé que les mains qui se posaient sur moi n’étaient pas agressives : il suffisait que je me rapproche un peu de Sébastien pour qu’elles repartent dans une autre direction. Ça m’a donné de l’assurance. C’était nouveau mais à ma portée. J’ai imaginé que Sébastien était Michael Douglas dans À la poursuite du diamant vert, et moi j’étais Kathleen Turner. Les corps étaient les lianes, la transpiration l’air tropical, et Sébastien se serait battu au couteau pour moi. Je n’avais pas prévu qu’on jouerait à tout ça ce soir – je ne savais même pas que les gens jouaient à des jeux comme ça, mais je découvrais que ça me plaisait bien. Sans la mononucléose de mon père, j’aurais probablement réclamé un second passage dans la pièce noire.
Derrière les lanières, il y avait un petit bar et des écrans qui diffusaient des films pornos. Sébastien a commandé un rhum coca et moi un jus d’orange pour la vitamine C. Il a bu son verre d’une traite et il a dit : « On en a vu assez. Allez, viens, on s’en va. »
Six minutes en tout. Il m’a fallu plus de temps, chez moi, avec la fièvre qui montait, pour mettre mon pyjama car chaque geste me coûtait. C’était un vrai pyjama, avec des manches et des boutons, que ma mère m’avait offert pour mes 18 ans. Il avait tout pour indiquer que la journée était terminée, mais pas pour Sébastien qui l’a trouvé « excitant ». Je me suis lavé les dents, il m’attendu nu dans le canapé-lit, qui couvrait 80 % du studio, j’ai éteint la lumière et j’ai enjambé Sébastien. « Bonne nuit, je lui ai dit, je sais pas ce qui m’arrive, désolé, à demain ». Il s’est collé contre moi. Je lui ai redit bonne nuit et que j’étais fatigué. Il a passé ses bras autour de moi pour me déboutonner. Je lui ai dit que je serais probablement en meilleure forme demain. Il m’a répondu qu’il venait de Rouen. Quand il s’est mis au-dessus de moi, j’ai vu la cicatrice sur son torse dans l’obscurité. Ça m’a un peu excité. Il a eu une idée :
— T’as qu’à au moins me sucer ?
— D’accord, j’ai répondu, mais alors approche, parce que je suis vraiment crevé.
J’espérais que ce serait un vrai compromis, pas une de ces choses qu’on dit juste pour gagner du temps, comme avec les chips, « non mais cette fois c’est vraiment la dernière », et à la fin on a mangé le paquet. J’ai fait de mon mieux, avec sincérité, mais même moi sur le dos et lui au-dessus de moi qui faisait le gros du boulot, j’ai fini par lui dire « promis on réessaie demain, mais là je me sens de moins en moins bien ». Il m’a dit « Si je te plais pas, tu peux le dire clairement. » Je lui ai répondu que ça n’avait rien à voir, même si, même avec la fièvre, je commençais à douter que Sébastien et moi aurions un jour une grande maison avec des chiens. Je lui ai dit que je voulais aller prendre un doliprane dans la salle de bains. Il l’a mal pris : « Pourquoi tu restes pas au lit avec moi ? » J’ai quand même roulé au bord du lit, j’ai laissé tomber une première jambe au sol, pour éviter d’avoir à la soulever, et je me suis mis debout. Sauf que mon poids était devenu trop lourd pour moi, que mes oreilles se sont mises à grésiller, et je me suis effondré, emportant la lampe halogène à laquelle j’ai tenté de me rattraper et dont la partie haute, qui était en verre, s’est écrasée au sol et a explosé.
Quand j’ai repris conscience, Sébastien était en train de me demander si ça allait. J’étais trop fatigué pour me relever. J’ai essayé de le dire à Sébastien, mais j’étais trop faible aussi pour articuler. Il m’a fait répéter mais je n’y suis pas arrivé. Il est venu s’accroupir à côté de moi, m’a pris dans ses bras et m’a remis dans le lit. J’étais encore loin mais, ce moment-là, je l’ai bien aimé.
— T’inquiète pas, a murmuré Sébastien, je suis là…
J’avais de la chance, je n’étais pas seul, Sébastien était là. Peut-être que j’avais tort. Peut-être qu’un jour on aurait notre maison et nos bergers allemands.
— Merci beaucoup… j’ai balbutié.
Il m’a caressé le visage.
— T’en fais pas, je m’occupe de tout…
Ramasser les éclats de verre, aller chercher un doliprane et un peu d’eau : c’est à ça que j’ai pensé. Sébastien, en réalité, parlait d’enfiler un préservatif et de me pénétrer. Après je ne sais plus, je n’étais pas conscient.
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— Ah ! Ah ! Ah ! Me pénétrer ! je répète.
Et je ris pour indiquer à Laurent que c’est le moment où il doit rire aussi.
— Et moi, là, ben j’étais plus conscient !
J’insiste car j’ai l’impression qu’il a loupé la chute.
— Quelle histoire ! Tu parles d’une rencontre ! Ah Ah ! Ah !
J’insiste encore mais Laurent ne sourit même pas. Car je suis nul à raconter les histoires. Laurent n’est pas le premier à qui je parle de Sébastien et les autres n’ont pas ri non plus. Comme je suis sur l’histoire depuis dix minutes, je me sens obligé d’expliquer pourquoi ça valait le coup, pourquoi c’est hilarant :
— Moi je pensais qu’il allait chercher un doliprane… Et en fait non ! II m’a sodomisé ! Et je me suis ré-évanoui ! Ah ! Ah ! Ah ! Non mais t’imagines…
— Mais tu lui as dit que tu voulais pas ? me demande Laurent.
— Évidemment que je lui ai dit ! J’avais 40 de fièvre, j’ai la mononucléose.
— T’as la mononucléose ?!
Laurent recule sa chaise. Je suis vraiment nul en séduction.
— C’était y a trois mois, j’explique. Là, je suis plus contagieux normalement. D’après Doctissimo, certains individus restent contagieux toute leur vie mais moi, je t’assure, je me sens vraiment mieux.
Je n’ai pas revu Laurent. Pas plus que je n’avais revu Sébastien, qui était reparti le lendemain matin en me disant que ce n’était pas la peine de faire semblant d’être malade. Il s’était vexé que je me rendorme entre le moment où il était sorti du lit lui et le moment où il se tenait debout sur le palier, le visage solennel comme les feuilletons d’après-midi. « Te fatigue pas, tu peux arrêter ton numéro, le message est bien passé. » Quel message ? Quel numéro ? Qui fait croire qu’il s’est évanoui pendant qu’on lui fait l’amour plutôt que d’avouer qu’il n’en n’a pas envie ? Personne n’est si lâche ! Ou si fainéant ! J’aurais pu aussi demander : qui continue de faire l’amour à quelqu’un pendant qu’il est inconscient, quand bien même il ferait semblant ? Mais j’étais trop inquiet d’avoir fait du mal à Sébastien qui, le visage grave, m’a dit que ce n’était pas la peine de le rappeler.
— Mais Sébastien tu me plais ! j’ai protesté, trop fatigué pour me redresser. Tu me plais et j’en avais envie !
Il a secoué la tête, lentement, et il a refermé la porte en partant.
J’ai réussi à me hisser sur les coudes et j’ai tourné la tête vers le mur, en espérant que ma voix atteigne le couloir :
— J’avais envie de toi Sébastien ! Vraiment envie ! Je te promets !
Avec le volume sonore que j’étais capable de produire, je ne suis pas sûr qu’il m’ait entendu, quoique ma voisine du dessous disait qu’elle entendait mon téléphone même quand il vibrait.
— J’ai toujours envie de toi ! j’ai crié comme on supplie. Pars pas Sébastien ! J’ai du désir pour toi !
Ce n’était pas tout à fait vrai, mais ça me brisait le cœur que Sébastien soit blessé à cause de moi.
Après Laurent, j’ai arrêté de raconter l’histoire de Sébastien. Il s’était passé quelque chose de particulier, avec Sébastien, mais je n’arrivais à mettre le doigt dessus, à trouver le bon angle pour raconter.
Quelques mois après, j’ai refait des examens. Je n’avais plus aucune trace de mononucléose dans le sang. L’infirmière était étonnée. Même si on n’est plus contagieux, m’a-t-elle expliqué, on garde normalement des traces pendant plusieurs années. Là, les anticorps avaient disparu. Comme s’il ne s’était jamais rien passé.
Puisqu’il ne s’était rien passé, était-ce le moment de rappeler Sébastien ? Quelque chose semblait inachevé. D’un autre côté, je lui aurais dit quoi ? Il avait couché avec moi pendant que j’étais inconscient. Le lendemain j’avais crié à travers l’immeuble que j’avais encore envie de lui. Qui était coupable de quoi ? Moi probablement de lui avoir transmis la mononucléose. Était-ce le juste équilibre ? La bonne rétribution ? Il aurait pu, c’est vrai, ramasser la lampe, le préservatif usagé, et peut-être appeler les pompiers en partant. Mais n’en déplaise au sentiment grognon, tapis dans mon ventre, qui ressemblait de plus en plus à de la colère, et dont je n’arrivais pas à me débarrasser, on ne pouvait pas retirer à Sébastien qu’il avait fait la route, de Rouen jusqu’à Paris, uniquement pour me voir moi.
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