Être célibataire à 25 ans, ça craint. Et je ne dis pas ça parce que j’ai besoin de quelqu’un pour partager mes angoisses, mes illusions et mes masturbations. Non vraiment, si vous êtes célibataire à 25 ans, il faut reconnaître que vous avez merdé le premier quart de votre vie. Ça veut dire que vous n’êtes pas populaire. Et si vous ne changez pas très vite, vous êtes condamné pour le restant de vos jours à attendre seul devant HBO que la mort vous rattrape.
J’avais 25 ans et 8 mois, lorsqu’en feuilletant ELLE Quebec je suis tombé sur cet article qui parlait du mâle Alpha. C’est le genre de leader sur de lui que les femmes s’arrachent entre les soldes. J’étais tellement loin de ce profil, que ça m’a fichu le cafard. J’ai donc décidé de me prendre en main, et de faire un pas vers ce modèle d’excellence en m’inscrivant à un club de sport universitaire dans l’idée de devenir une sorte de quaterback dynamique, reconnu et adulé. Je me suis présenté à de nombreuses séances de recrutement pour du football américain, du hockey, du basketball, mais personne ne voulait de moi. D’un coté ça ne m’étonnait pas, déjà enfant, pour jouer au ballon, on ne me choisissait jamais. Les capitaines m’avaient dit que me compter parmi leurs joueurs serait déloyal pour l’équipe adverse.
Au final, on ne change pas tant que ça en quinze ans. J’allais du terrain de rugby au terrain de hand ball avec un enthousiasme décroissant, lorsque je suis tombé sur l’équipe de quidditch de mon université. Comme elle recrutait des joueurs, j’ai sauté sur l’occasion en pensant que toutes les chances seraient de mon coté. Ceux qui seprésenteraient, devaient forcement être geeks ou asthmatiques.C’était faux, il y avait aussi des obèses. D’énormes obèses, si gros que je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer l’entraineur me disqualifier par souci de loyauté. Et à ma grande surprise, sans même chronométrer ma vitesse de course, il m’a offert le poste d’attrapeur. Sans doute que pour les tests d’endurance, les autres concurrents étaient déjà trop essoufflés du trajet qu’ils avaient fait en venant jusqu’au stade.
Le lendemain j’ai dit adieu à ma routine métro, boulot, HBO, dodo, pour commencer les entrainements. Après des semaines de tours de terrains, de passes à une main et de plaquages avec un balai entre les jambes, notre équipe s’est qualifiée pour la Canadian Cup of Quidditch. En tant qu’attrapeur, je devais saisir le vif d’or avant l’équipe adverse pour gagner le match et accéder à la gloire d’une victoire héroïque. Seulement, dans cette version du quidditch, le vif d’or est un joueur neutre vêtu d’une combi jaune moulante avec une balle de tennis qui pend à hauteur des fesses. Je ne sais pas si on peut vraiment parler de gloire dans ce cas là. Quoi qu’il en soit, le tournoi a commencé, et à la vue de mon premier vif d’or, j’ai regretté de ne pas être asthmatique. C’était un ancien footballer américain gavé au stéroïde, dont la sueur semblait se noyer dans son corps graisseux. Cependant, il courait avec une agilité telle que ses déplacements semblaient avoir été écrit par le chorégraphe de Tigre et Dragon. Il était gras,mais tellement aérien qu’on est passé à côté de la coupe.
En rentrant en métro ce soir là, j’ai croisé le regard d’une jolie passagère qui me souriait. Elle m’a demandé pourquoi j’avais un balai courbé. Et, quand je lui ai expliqué que c’était plus confortable pour l’assise au quidditch, elle a voulu savoir si mon balai volait. Sérieusement, elle voulait vraiment savoir comment je faisais pour voler pendant les matchs. Et elle n’était pas la seule, tous les voyageurs du métro se sont mis à me harceler pour savoir si c’était un balai à gazole ou diesel. Si j’avais déjà essayé l’aspirateur, si j’avais le droit de jeter des sorts pendant les matchs. Si je pouvais lancer un Silencio à leurs gamins de trois mois pour qu’ils arrêtent de brailler. Je me suis sauvé à la station suivante laissant, derrière moi, mon balai de compétition Alivan’s et la popularité du mâle Béta qui allait avec.