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mardi, 18 avril 2017

LE PARFUM DES CHEVELURES

Par
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Ses cheveux sont étalés sur son oreiller, ils sentent le shampoing, j’essaie de ne pas les renifler mais l’odeur m’enivre, alors je m’approche doucement sans la toucher, en espérant que ce parfum étrange agisse comme l’éther et me fasse enfin dormir.

Depuis que nous avons fait l’amour je n’ai pas réussi à trouver le sommeil. Elle n’a pas le même problème que moi : elle est allée boire un verre d’eau, m’a souri alors que j’étais bêtement assis à essayer de fumer des roulées, puis s’est couché sans bruit, à l’autre bout de mon lit, pour tomber aussi rapidement dans les bras de Morphée. J’ai envie de m’approcher et de la tenir près, proche. Je sais qu’elle n’aime pas ça alors je ne le fais pas. Je mate mon plafond, comme un con. Elle a mis son réveil à sept heures, comme d’habitude elle se rhabillera rapidement et claquera la porte sans prendre de café, et, le nez dans mon oreiller, je ferai semblant de pioncer, pour éviter les « a plus » foireux, parce que depuis qu’on se « voit », et je dis ça entre guillemets, je n’ai rien trouvé à dire de mieux.

Ça fait quelques mois que je joue ce petit jeu. Ça m’amuse encore un peu, quand je reçois ses messages qui me demandent ce que je suis en train de faire à deux heures du matin un mardi soir. Je fais toujours le mec occupé quand elle arrive, saoule et souvent défoncée, tellement jolie néanmoins qu’une partie de moi sait que je serais incapable de me pardonner si je ne répondais pas à ses putains de messages.

C’est toujours le même, à se demander si elle ne fait pas un copier-coller.
Ou pire, un message groupé à tous les pauvres mecs de son répertoire.

Je ne sais pas si je suis le seul. Je pense que non, c’est une machine de guerre prête à niquer toutes les têtes de trentenaires marchant sur le fil du rasoir avec la notion de l’engagement. Je le sais mais ça n’empêche pas de tomber dans le piège qu’elle m’a elle-même expliqué.

Elle m’a demandé de pas m’attacher.

Alors je le fais,
Rien que pour la faire chier,
Rien que pour me faire chier, aussi.

Ça me permet de me consoler dans les bras des autres, des filles que je nique sans conviction, les dizaines de meufs quelconques que je serre au hasard, à qui je susurre les yeux baissés dans leur chevelure des inepties que je ne tiens jamais.

Tout comme mes promesses le lendemain de les rappeler.

Il y a ses cheveux sur l’oreiller et l’odeur restera encore un ou deux jours, puis elle partira. Chaque fois un peu moins longtemps, je crois.

Depuis le printemps ses messages sont de plus en plus éloignés, son regard n’est aussi plus le même, elle arrive de plus en plus tard, les yeux sont hagards, je crois qu’elle tape et qu’elle tape fort. Ce n’est pas mon problème. Elle a essayé de sortir sa poudre une fois sur la table, mais je lui ai dit que je préférais qu’elle remballe. Je ne veux pas savoir ce qu’elle fait avant, je ne veux pas savoir ce où elle finira après. Je veux juste qu’elle comprenne que ce qu’on fait chez moi pourrait tenir du sacré.

Il n’y a pas longtemps elle est arrivée vers cinq heures et elle a tout foutu en l’air, elle était triste et n’a pas voulu me dire pourquoi. J’ai sorti une bouteille de Gin et elle a poussé dans un silence de mort tout ce qu’il y avait sur le comptoir de ma cuisine. Elle s’est deshabillée, m’a tourné le dos, et, très bas, m’a demandé de la baiser, là, debout, fort. Les yeux fermés le nez dans ses cheveux je l’entendais calquer ses gémissements sur les beats d’un morceau de Migos qui passait au même moment. La situation était absurde. On était les personnages ratés une putain de série télé. Après un orgasme dont je ne connais toujours pas la véracité, j’ai eu l’impression que ça allait mieux, que le malaise s’était éloigné, même si il n’avait pas disparu. Elle a pourtant refusé de me regarder dans les yeux. Dès qu’on a eu terminé elle a rapidement renfilé son jean et puis elle est partie. D’un coup. Je suis resté à poil appuyé contre mon lave-linge, a essayé de comprendre ce qui venait de se passer, mais comme je ne pouvais pas lui demander je suis allé fumer des clopes en caleçon sur ce qui me sert de balcon. Je l’ai vu traverser la rue, s’essuyant les yeux avec sa veste en daim abimée aux manches.

J’avais envie de gueuler son prénom,
De lui demander de remonter,
D’insister pour qu’elle reste,
Mais c’est elle qui avait d’abord expliqué
Elle m’a dit de ne pas m’attacher.

Depuis quand elle revient c’est différent. C’est différent et c’est moins bien. On ne parle plus. On baise et puis plus rien. Et ça commence à me rendre bête et fou. Elle a mis des murs partout, je le sens, il y en a un actuellement dans mon lit, entre nous deux, entre moi et ses cheveux. On baise et elle m’évite, reste dormir par politesse, si ça peut exister, et puis parce qu’elle n’habite pas tout près.

Demain elle partira. Sept heures. Au moment où elle claquera la porte je tenterai de laisser tomber.

J’effacerai son numéro de portable et je ne répondrais plus jamais.
Elle m’avait dit de pas m’attacher.
Et puis comme un con, je l’ai fait.

Marine

Leader Autoritaire
Marine est née en 1986 et vit avec un petit chien trop mignon. Après avoir joué avec des groupes de filles ultra classes d'après les autres membres (Pussy Patrol/Secretariat/Mercredi Equitation), elle gagne sa vie en écrivant sur des sujets cools et se la pète déjà un peu. Ca ne l'empêche pas de traîner en pijama dégueulasse le dimanche en essayant de twerker mal sur du William Sheller. L'AMOUR PROPRE C'EST DÉMODÉ OKAY.