Bain de foule et canicule en plein festival Rock en Seine, après avoir sué sang, eau et bière avec mes collègues Retard sur une animation ApéroBic mémorable je me dirige vers l’espace exposition du festival pour une séance de dédicace. J’ai en effet eu la chance d’être contactée pour participer à Rock’Art, le pendant artistique du festival qui propose à des artistes de mettre en image leur vision de l’univers des groupes invités. Super excitée et un peu stressée à l’idée de cette dédicace aka quart d’heure de gloire, je m’en vais rencontrer mes petits collègues du dessin : Rebecka Tollens, Thomas Mathieu et Zineb Benjelloun.
Entre deux mots doux écrits au marqueur j’en ai profité pour parler BD et sexisme avec mon voisin Thomas. En plus d’avoir créer le Projet Crocodile il y a quelques années, Thomas a aussi réuni une team d’illustrateurs du feu de Dieu autour du projet « Le secret des cailloux qui brillent », une super BD feuilleton à base d’aventure et de magie. Après avoir lu toute la saison 1 d’une traite je me suis dit que ça valait vraiment le coup de partager ça avec vous.
Coucou Thomas, est-ce que tu peux m’expliquer comment et pourquoi vous avez créer ce projet ? Comment s’est-il mis en place ?
Depuis longtemps, on était plusieurs à avoir envie de faire un feuilleton BD sur internet. Il y avait déjà « Les Autres Gens » auquel j’ai participé, mais c’était fini et on avait envie de quelque chose dans un univers un peu plus foufou. Morthis Ghost et Exaheva avait déjà commencé chacun un feuilleton personnel alors quand j’ai eu deux semaines de libre pendant l’été, j’ai tenté de rallier les troupes pour qu’on fasse un super projet ensemble.
Je trouve qu’il y pas mal de clins d’œil dans la première saison, je pense à toute la série des livres dont tu es le héros, aux cartes Panini mais aussi plus largement à l’univers fantastique. Quelles ont été tes/vos inspirations ?
On a tous pas mal d’inspirations différentes, je pense que « Adventure Time » et « Game of Thrones » sont les deux plus grosses inspirations. Et comme on est joueur, il y a quelques petits trucs empruntés aux jeux vidéos, aux cartes à collectionner, aux contes… Je suis vraiment heureux qu’on ait pu faire un univers qui puisse contenir tout ça, de façon à peu prêt cohérente ! Il y a aussi la bd Donjon de Trondheim et Sfar, qui est proche de ce qu’on fait, une grande épopée fantastique avec beaucoup de personnages et des dessinateurs qui changent de tome en tome.
Vous êtes pas moins de 16 illustrateurs, et c’est super chouette justement de voir la diversité de traitements et de styles, comment les collaborations se sont-elles mises en place ?
J’ai créé la carte, et on a fait le scénar et les personnages à plusieurs, puis on s’est divisé l’histoire pour en faire chacun une partie. Certaines personnes avaient le temps de s’investir plus, d’autres n’ont fait que le dessin à partir d’un storyboard. J’ai surtout fait appel à des amis dont j’admire le travail, et pour la plupart, elles et ils se connaissaient entre eux, donc il n’y avait pas de problème de ce côté-là.
Quels sont les avantages et les difficultés à bosser en équipe ?
Oh lala, je trouve que c’est toujours un défi de réussir de travailler à plusieurs, et d’essayer de garder une certaine qualité et unité sans gommer les sensibilités personnelles de leur dessin. Après, je pense que ça vaut vraiment le coup, et que c’est déjà intéressant en soi, de sortir d’un point de vue unique sur le monde pour aller vers une multitude de points de vue différents qui apportent tous leurs richesses personnelles. C’est vraiment un plaisir de voir comment les personnages s’adaptent légèrement au style de chacun. Et aussi le gros avantage, c’est de pouvoir faire tous seulement quelques pages et se retrouver avec un projet énorme à la fin !
Ce qui m’a le plus plu je crois c’est la tension qui se met en place entre les différents épisodes, on reste vraiment en haleine au fil de l’histoire. Combien de temps ça prend d’écrire un épisode ?
Ah chouette, je suis vraiment content que ça t’ait plu ! Pour écrire, ça dépend un peu de l’inspiration… Après je dirais le storyboard, entre un et trois jours, et le dessin, ça peut facilement prendre une semaine. C’est pas mal de boulot quand même.
Quelle part de liberté ont les différents illustrateurs-rices quant au scénario ?
Plus les personnes sont investies dans le projet, plus elles ont les mains dans le cambouis de participer au scénario. Mais de toute façon, tout le monde a son mot à dire et donne son avis. Une fois qu’on s’est partagé le scénario, on fait chacun des storyboards à notre sauce, et on vérifie que ça colle bien ensemble. Il y a quelques personnes qui n’ont fait que le dessin, comme par exemple Tarmasz qui n’a pas participé au scénario, mais le storyboard original, elle l’a sublimé, ça a complètement changé, et pour le meilleur. Son dessin a du coup aussi posé le design du Marquis Myrtille, du monstre, de l’armée marquisarde. (Elle est forte, Tarmasz !) Pour la saison 2, on tente quelque chose d’un peu différent, il va y avoir à chaque fois une personne en charge d’un arc de l’histoire qui fait 4-5 épisodes.
L’attachement aux différents personnages est aussi très fort. J’ai l’impression qu’ils ont chacun une personnalité un peu complexe, assez loin des clichés en tous cas. Y’a même un test bonus pour savoir lequel on est et c’est TROP BIEN (#passiontests), du coup il semblerait que je suis Otti. Comment ont-ils été créer ?
Alors les persos !! Jeanne Balas a créé Olni et la Chèvre, Timothé le Boucher a créé Otti et Pérolin, Exaheva a fait le Mage Caché et Hilde, Mortis Ghost a créé l’extra-terrestre et a inventé sa façon de parler, STC019 a créé la Marquise Myrtille, Nina Lechartier a créé Sirena, moi aussi j’en ai créé pas mal. Mais c’est vraiment là que je trouve la richesse de bosser à plusieurs, on n’aurait pas eu un panel aussi riche et aussi divers dans tous les sens du terme en bossant tout seul.
C’est lequel ton préf (ou celui qui te correspondrait le plus ?)
Moi je suis, bien sûr, André Vérolle, l’affreux politicien !
C’est super d’avoir une histoire de baston et de chevaliers dont les personnages principaux sont des femmes.
Haha, chouette !
Les questions relatives aux combats féministes occupent une place importante dans ton travail en général. J’imagine que ça a également compté lors de la création des personnages ?
C’est surtout le boulot de Mirion Malle qui nous a tous fait nous poser des questions et c’était l’occasion d’essayer d’un peu mettre en pratique ses conseils. En fait, je pense qu’en partant dans un univers imaginaire de base, ça nous évite pas mal de soucis et on peut faire ce qu’on veut sans se soucier de réalisme et de choses comme ça. Il y avait des femmes chevalières au Moyen Age, et tout le monde n’était pas blanc, cis-genre et hétérosexuel, bien sûr, mais ça aurait demandé beaucoup de recherches sérieuses, ce qui ne correspondait pas au projet rigolo entre amis qu’on avait envie de faire. Je trouve que c’est pas mal de profiter d’un univers imaginaire pour pouvoir se poser ces questions un peu différemment. Une autre de nos grosses influences c’est « Steven Univers » un dessin animé pour enfant avec un petit garçon et 3 extra-terrestres à l’allure féminine qui sauvent le monde toutes les semaines. Dans le monde du dessin animé, les personnages sont tous pas misogynes ou raciste du tout, ce qui fait qu’on se retrouve avec ces trois femmes fortes et c’est jamais remis en question, ce qui est en fait hyper chouette, car ce n’est pas nier le sexisme ou le racisme, c’est vraiment proposer un monde différent qui a l’air plutôt agréable à vivre. Et ça n’empêche pas de faire un épisode qui parle de sexisme par un biais détourné, ou carrément de placer une conversation sur le consentement. C’est aussi très intéressant comment ça joue sur ce qui est montré, et ce qui n’est pas montré ou qui est légèrement détourné. Bon je ne pense pas qu’on est à ce niveau là… On a surtout essayé de nous faire plaisir, et de faire un truc qui ferait plaisir aux gens qu’on aime bien, et surtout essayer d’éviter les clichés et stéréotypes. Il y a aussi à peu près la parité dans les autrices et les auteurs, je crois que ça aide.
La saison 1 se finit sur un gros cliffhanger, à quand la saison 2 ?
Là on est en train de bosser sur la saison 2, ça met du temps de remettre la machine en route. Finalement on ne part pas du tout dans la direction que j’avais imaginée, mais ça va être pas mal cool. On va essayer d’être prêt pour fin janvier, si tout va bien !
Spoiler : ça commence sur l’Ile aux Mages.
Yes, merci Thomas !
Pour lire la saison 1 du Secret des cailloux qui brillent c’est par ici !