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jeudi, 23 mai 2013

LES BLOGUEUSES DE MÔDE

Par
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On ne vous a jamais raconté comment Retard a commencé. Je veux dire, comment ça a VRAIMENT commencé. La biographie officielle raconte que j’ai invité Anna, Marine et Elsa à boire le thé chez moi, quelques jours avant qu’Elsa et moi on parte vivre au Canada, et Anna à Austin. On a alors décidé de rassembler nos talents pour créer un Webzine culturel et surtout garder un lien régulier malgré notre future dispersion aux 3 coins de la planète.

Ça c’est la version mousse à la fraise de Marine. Parce qu’en vrai, le début de l’histoire, c’est que je tannais Marine chaque lundi soir en répet pour qu’on monte un blog de mode tout cheapos. À base cuissardes blanches, pull kaki coupé au nombril Fabio Lucci et pose de cagoles devant la Ford Fiesta de mon père. On allait sérieusement s’y mettre quand on s’est rendues compte que Vaness La Bomba le faisait déjà vachement mieux que nous.

Vaness la Bomba blogueuse mode parisienne influente

J’ai toujours été fascinée par les blogs de mode. C’est comme mon histoire avec les baskets compensées, une espèce d’attraction répulsion inexplicable. Je sais que c’est moche, mais une part de moi envie cette meuf qui s’est décidée à faire ça. Une sorte de truc inaccessible qui ne m’ira jamais. Cette même pouf portait des nike air quand on avait toutes les deux 13 ans, elle avait la classe, moi je resterai la fille qui porte des baskets décathlon.

La blogueuse de mode a de grande chance de ressembler à la fille Comptoir des Cotonniers. Le même petit chaton tout mignon qui peut se permettre de mettre des leggings imprimés sans faire penser à une reformation approximative de la Compagnie Créole. Elle crispe hein. Alors on se dit qu’elle est con comme une huître pour se consoler.

Pourtant je n’ai plus trop envie d’hurler avec la meute comme dirait si bien Jean Layet. Écrire un énième pamphlet sur le trou béant de leur vie qui consiste à prendre en photo le joli cupcake qu’elles ne vont pas manger, c’est le comme le boursin sans pain, ça sert à rien.

Se pavaner avec un sweat-shirt La Superbe, c’est franchement pas plus ridicule que d’arborer une barbe et des vans à la Villette Sonique.

« Coucou les filles, lâchez vos coms ! ^^ »

On s’en tamponne le coquillard sans déconner. Et puis perso les Vans, c’est le petit déclic textile qui me donnera envie d’aller voir si t’es aussi joli à l’intérieur. Parce que c’est quand même chouette d’être joli en in et out. Faut pas juger les jolis gens comme ça tout de suite (et on s’arrêtera là avant que ça finisse en paroles pour Yannick Noah).

Ce qui me troue les ovaires en vrai, c’est tout cet argent. J’avais pas du tout conscience de ça avant de rencontrer Julie. Julie est une blogueuse de môde, « de la cour des petites » selon elle même. Je l’ai surnommée Julie pour rendre hommage à Julie Piétri, mais en vrai elle préfère garder son identité secrète. Ça serait con de se griller auprès de toutes les attachées presse de Paris, ne plus recevoir des fringues gratuites et ne plus être invitée au soirées Levis ou Converse pour une histoires d’article à 300 vues. Mais elle m’a expliqué un petit peu le système.

Car s’acoquiner avec les marques c’est le fond de commerce de la blogueuse de môde. Si la «petite» recevra un teeshirt qu’elle s’empressera d’instagramer avec des #tropbeau #nouvellecollection #çadéchire #pleeeaseenvoyezmoidesnouveauxcadeauxgratuiiiiits, la «grande» elle, se verra payée 8000 euros pour montrer son fessier dans une soirée privée de lancement de la nouvelle collection. Ouais les gars, 8000 BOULES.

Mais en réalité, c’est une bien belle économie de faite pour la marque si l’on avait multiplié par 10 le financement d’une pub sur France 2. Bénef pour tout le monde. La blogueuse draine sur son site une niche de consommatrices parfaites, tout en prétendant avoir un certain talent pour le stylisme (certaine s’en sortent très bien, faut le dire).

Dans le milieu de la mode tout le monde trouve ça normal. Par contre si on fait un petit pas de côté pour voir ce qui se fait à côté (Et faire une superbe rime dans le même mouvement), on peut voir que le petit milieu des Youtubers de jeux videos qui faisaient le même petit business dans leur coin ont perdus les trois quarts de leur audience quand la dite audience s’est rendue compte que les éditeurs de jeux arrosaient copieusement ce petit monde (On parle de 15 000 euros par video pour les plus influents, explication par ici). On jouerait pas un peu trop les vierges effarouchées là ?Si je me plais à pouffer lorsque je croise ces petites biches avec des couronnes de fleurs dans les cheveux, la facilité avec laquelle elles arrivent à bouffer, boire, s’habiller gratos et bien plus encore (bisous Denver) m’amène à la question suivante : c’est qui qui les couillonnes au final?

Parce qu’on le rêve ce putain de modèle économique qui nous laisserait à la fois continuer de dire des conneries et alimenter gracieusement notre compte en banque anorexique. Monter des giga expos à St Jean du Falgas ou New-York, organiser des concerts qui poutrent sa cousine en offrant des vrais salaires aux artistes qu’on fait bosser. Amour, gloire et beauté. Si chez Retard nous prônons pour l’instant la même devise que cette formidable série, le besoin de bouffer rentrera peut-être un jour dans la case « intégrité » aussi.

Allez kikou Levis, regarde on est cool nous aussi 3

Et voici les petites annexes de Julie pour tout bien comprendre.

Une liste des « grandes » blogueuses de meude.

Considérées comme les pionnières du blogging mode, elles avoisinent à peu près toutes la trentaine, et vivent à l’aise blaise de leur site (entre 5000 et 30 000 euros par mois pourraient ne pas être des chiffres ridicules):

- Le blog de Betty (la reine mère des blogueuses françaises)

- Et Pourquoi Pas Coline

- Punky B

- Marie Luv Pink

- The Cherry Blossom Girl

- Tokyobanhbao

Une liste des « Moyennes Grandes ».

Arrivées quelques années plus tard, la génération 88 se fait moins de maille. Tout proportion gardée biensur:

- Pandora

- Kenza

- Adeline Rapon

- Hello it’s Valentine

- Une armoire pour 2

- You make Fashion

- Le monde est à nous

Sources de revenus :

- Les régies publicitaires : la régie achète un emplacement sur le site et y place les marques qu’elle veut y placer.

- Les articles sponsorisés : On te paie ou t’offre des super cadeaux de foufous en échange d’un article sur la marque avec tous les bons liens internet qui vont avec.

- Les agences de relations presse : il en existe des milliers, elles font le lien communiquant entre les marques et les journalistes ou blogueurs.

- La marque peut aussi contacter directement la blogueuse et proposer des partenariats ou collaborations.

Ophelie

Ophélie est née en 1988 et un super putain de vélo. Leader de groupes de filles aussi ultra classes ( Fury furyzz et Mercredi Equitation), la jeune donzelle au casque d'or dorénavant chroniqueuse radio et constellée de tatoo fait parfois un peu flipper. Elle crie fort, quand même. Mais au cas où, rappelle toi ces propos: elle fait les soldes chez Jennifer, et possède la larme facile à l'écoute d'un bon vieux titre de son cd de dance machine 2001. Un coeur en chamallow on t'a dit.

Lomé Lu

Illustratrice
Lomé Lu a 24 ans et un porte clé doré, souvenir de CHINAGORA. Cette jeune illustratrice (tellement jeune, putain) vit actuellement à mi-temps dans un squat, et est aussi tatoueuse. Demande à Ophélie, qui a dorénavant grâce à Lomé un ptit vélo sur les côtes. En attendant d'avoir une maison avec des passages secrets qui mènent aux rayons des magasins Tang Frères, elle fait de la sérigraphie qui surbute et des petits mickeys (et des GIFS putaain) qu'on aime beaucoup chez Retard. Ha, Jeunesse, comme tu es fascinante. Son site : lome-iench77.tumblr.com