J’ai une maladie chronique.
Laquelle ? Je n’en ai aucune idée.
Pourquoi ? J’ai quelques idées.
Un traitement ? Si seulement j’avais des idées.
Le dernier médecin en date que j’ai vu m’a dit : vous êtes en acidose. J’ai trouvé ça super comme énième diagnostique, ça pourrait être le titre de la nouvelle chanson d’Orelsan.
A-CI-DOSE.
Bon malheureusement et comme toujours, c’est juste un symptôme parmi tant d’autres et je n’ai toujours pas de nom à ma mystérieuse maladie. Avant ça c’était la candidose. Un peu moins glamour. Quoique.
CAN-DI-DOSE.
C’est presque mignon.
Bref, qu’est ce que tout ça veut dire ?
Qu’en gros t’es dans le mal. Un peu une sorte de descente permanente dont la cause et surtout le remède te sont inconnus, pour laquelle il ne suffit pas d’arrêter de prendre des petites pilules qui te font danser et te rendent heureux.
Alors comme moi, tu dois te demander pourquoi.
J’ai toujours été une enfant frêle et fragile qui ne mangeait pas grand chose, mais j’étais là, avec mon énergie et mon imagination absurde, un cerveau en ébullition permanente. J’étais sans cesse entrain de faire des petites choses avec mes mains, ma tête, mes jambes. Mais, pour diverses raisons que je vais résumer à un mélange d’antibiotiques et de troubles alimentaires, avec un soupçon d’abus d’alcool et de drogue ; mes intestins sont devenus le siège de beaucoup trop de soucis. J’ai aujourd’hui 25 ans et moins d’énergie et plus de problème de santé que ma grand-mère. Pour beaucoup mes quelques abus d’adolescentes n’auraient pas eux de séquelles, mais moi j’y ai pas vraiment survécu.
Après avoir fait le tour des médecins généralistes absolument inutiles et spécialistes hors de prix, j’ai vu à peu près toutes les sortes de médecins « alternatifs » qui existent : magnétiseur, reïki, homéopathie, naturopathe, chaman, acupuncteur, hypnothérapeute, ostéopathe, même voyante ! et j’en passe
J’ai pris des compléments alimentaires dont la couleur, la texture ou la forme de me surprennent même plus.
J’ai suivi les conseils de chacun en essayant de comprendre des diagnostics qui s’entremêlent et se contredisent.
J’ai passé des heures, ou plutôt des journées sur internet à essayer de trouver des explications.
J’ai tenté l’automédication, je me suis trompée, et surtout ruinée.
Je ne préfère pas penser aux milliers d’euros que j’ai dépensé en visites, compléments alimentaires et magasin bios.
Depuis plus de cinq ans je ne sais plus ce que je peux ou je dois manger. Car oui, tout vient de mon ventre, ce fameux intestin cerveau dont on parle partout, qui est devenu super à la mode. J’ai pas eu besoin d’acheter des bouquins pour découvrir le bordel qu’il pouvait semer dans notre vie. J’en témoigne en direct live chaque jour.
J’ai d’abord commencé par le fameux régime anti-candidose, sans sucre, sans gluten, sans levure, j’ai arrêté de boire pendant 2 ans (fun à 22 ans, non ?), j’ai passé 6 mois à moitié dans mon lit, à moitié à l’école à souffrir de cette détox affreuses entre fièvre et bouffées de chaleurs, fatigue et tristesse, pendant que mon corps tentait d’éliminer tout les antibio et autres saloperies qu’on nous fait ingérer.
J’ai arrêté de voir beaucoup de mes amis par défaut, par manque d’énergie et peur d’être tentée de faire la fête comme eux, ou plutôt de réaliser que je ne pouvais plus faire la fête comme eux. J’ai eu quelques hauts, puis beaucoup de bas.
J’aimerais pouvoir dire que je me suis réfugiée dans quelque chose de joli, que je me suis mise à écrire, à dessiner, à peindre mais non, car mes idées aussi se sont noyées dans cette état fiévreux et fébrile.
J’ai du apprendre à faire beaucoup de choses autrement, m’alimenter, cuisiner, faire du yoga : vivre en quelque sorte.
Mais seule. Sans conseils de gentils médecins attentionnés, pourtant j’en ai cherché. J’ai tenté de trouver refuge sur internet, sur Instagram, à la recherche de quelqu’un comme moi peut-être. J’ai beaucoup trop pensé, réfléchi et cette maladie que je ne voulais pas accepter est devenue une sorte de psychose.
Je ne savais plus qui j’étais, où j’en étais, si tout était psychologique, si je me créais mes maux, j’étais complément perdue.
Et seule.
J’en ai parfois eu marre, j’ai voulu essayer de refaire la fête un peu et être doucement ivre avec mes amis.
Non pas que j’adore les afterworks de nanas célibataires en terrasse parisienne bondée où tu bois des bières en bouffant de la charcut, mais parfois j’aimerais bien juste faire comme avant et aller boire des verres avec mes copains, rigoler et être juste bien. Mais j’ai compris que ce n’était plus possible, ce dont j’ai besoin c’est rentrer chez moi, faire du yoga et boire du thé, sinon mon corps crie au secours.
« Allez c’est pas un verre de vin qui va te rendre malade » me répète sans arrêt mon père.
Mais si en fait. Je bois un verre et c’est comme si j’avais bu la bouteille entière, et ma gueule de bois dure pas un jour, mais une semaine.
On imagine peut-être pas comme ça mais c’est vraiment toute la vie que ça change.
Je ne peux pas le matin passer chercher un croissant à la boulangerie avant d’attraper le bus.
Je ne peux pas aller boire un café à ma pause en grignotant du chocolat parce que c’est bientôt Noël et c’est si bon.
Je ne peux pas décider finalement de manger dehors et aller au libanais croquer dans un sandwich chaud.
Je ne peux pas aller prendre une bière le soir puis deux, rire et oublier qu’il est tard, aller danser et rentrer au petit matin.
Je ne peux pas le lendemain faire un brunch chez mes copains, avec cette douce gueule de bois du dimanche.
Je ne peux pas car le matin j’ai besoin de faire du yoga sinon j’ai mal partout.
Je ne peux pas car je dois me préparer tout mes repas, manger au chaud et tranquillement sinon j’ai mal partout.
Je ne peux pas car je ne mange pas de produits laitiers, de soja, de noix, de levure, de gluten, de sucre, de fruit, de café, de thé, d’oeufs, de produits non bio, de tomates, d’aubergines, d’épinards, d’avocats, d’alcool (et j’en passe).
Je ne peux pas car je dois rentrer le soir pour faire un yoga avant de diner, car je n’arrive plus à digérer sans « aider » mes intestins.
Je ne peux pas car je dois boire des tisanes souvent et dormir tôt.
Je ne peux pas car je pèse 43 kg pour 1m75, et je meurs de froid sans arrêt.
Je ne peux pas car je suis épuisée.
Et non je n’exagère pas.
Alors quand je te dis que je suis fatiguée, que je refuse des invitations pour aller au restaurant, ou boire des verres, c’est pas juste une question de flemme. C’est que des activités qui toi te rendent super bien, content de ta vie tout ça, moi je ne peux juste pas.
Je n’ai plus les mêmes besoins, même si j’ai toujours les même envies.
Image toi une gueule de bois énorme, avec une grippe/gastro en même temps, ça te donnera une idée de ce que je ressens parfois.
Je ne sais pas si j’écris ce texte pour faire sortir une sorte de colère face à une incapacité d’agir, ou si c’est juste pour expliquer un peu mieux qui je suis.
J’en ai marre de faire semblant d’aller bien, de me mentir à moi même et me dire que je ça ira mieux un jour, que j’ai juste à patienter et puis me rendre compte trop tard que je me suis lancée dans un projet dont je n’ai pas l’énergie pour le réaliser.
J’aimerais pouvoir trouver une activité et un rythme de vie dans lequel je ne me sente pas chaque minute trop faible ou trop fatiguée.
J’aimerais trouver un endroit où vivre dans lequel je ne me sente pas laissée de côté.
J’aimerais pouvoir voyager sans avoir à remplir ma valise de médicaments et de produits sans gluten.
J’aimerais pouvoir commencer une journée sans avoir à tout planifier.
J’aimerais qu’on me comprenne et qu’on me soigne.
Je n’écris pas ce texte pour qu’on ai pitié de moi. Mais plutôt pour parler tout simplement.
J’ai trouvé si peu de témoignages que je pense important de raconter ce que je vis.
Peut-être aussi pour te rendre un peu plus tolérant.
Car ces maladies invisibles font souffrir sans jamais vraiment montrer la réalité des choses.
Je ne veux plus avoir à me justifier et m’excuser, j’aimerais qu’on m’intègre et me comprenne comme je suis aujourd’hui, sans sentir des regards soupçonneux, ou des remarques comme quoi « tout est dans ma tête » ou des « allez laisse toi aller un peu ».
J’ai été beaucoup trop seule dans cette maladie, et j’ai besoin de le dire.
Je demande juste un peu de compréhension et d’écoute.
Je commence doucement à assumer mon mode de vie différent, et écrire ce texte est un étape nécessaire dans mon cheminement.
PS : je ne parlerai pas ici de la colère que j’ai contre le corps médical français, incapable de suivre et d’aider des patients perdus, les laissant seuls dans un parcours difficile couteux et épuisant. Mais je tiens à dire à quel point je me suis sentie seule et laissée à l’abandon par la plupart des spécialistes que j’ai vu et je trouve ça complètement irresponsable et hallucinant.