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Je n’avais pas écouté Marble Arch avant.
Sûrement pour faire chier, je crois.
Je travaillais à l’époque face à Charles, qui l’a signé sur son label Le Turc Mécanique et qui ne tarissait jamais d’éloges à son sujet. Quand cela arrivait, je hochais la tête sans vraiment écouter et je repassais dans mon casque le même morceau de Beyoncé. C’est pas super sympa mais j’aime bien ne pas être super sympa. Et puis Nicolas Jublot de l’Espace B a commencé à le manager avec sa petite entreprise Hello Acapulco quelques mois après. Quand il m’en a parlé, le nom m’évoquait quelque chose, son visage aussi qui me rappelait bizarrement celui de Guillaume Marietta surtout sur la couverture de son album mais je n’avais toujours pas posé une oreille dessus. Du coup j’ai pris ça comme un ‘statement’ de ma part, un peu comme quand je dis aux gens que j’ai pas maté Star Wars. Ça me définit en tant que personne, je suis « la meuf qui ».
Et puis un soir, à la crémaillère de Jublot, j’ai aperçu une silhouette discrète, j’ai demandé qui c’était, parce que je suis curieuse surtout quand je suis bourrée. On m’a dit que c’était lui, le mec de Marble Arch. Assez grand, assez beau, il évoluait souriant parmi les convives dans une douceur assez classe, le genre de personnage qui se promènerait entouré de brume rose dans un dessin animé. J’aime bien la brume et j’aime encore plus le brouillard, c’est comme si la vie te cachait des trucs que tu ne peux découvrir qu’en t’approchant. J’ai pas osé l’approcher pourtant. Que pouvais-je lui dire de toute manière ? J’AVAIS PAS ECOUTE SA PUTAIN DE MUSIQUE.
J’étais restée sur cet échec et je n’avais toujours pas écouté ce fichu disque. Alors là, vu que c’est l’anniversaire d’Hello Acapulco, Jublot m’en a reparlé, il m’a dit que je devrais écouter, quand même. Il n’a pas dit « tu fais chier Normand » mais c’était pareil. Du coup je me penche aujourd’hui sur le sujet. Pendant que mon casque me susurre The Bloom of Division, je me surprends à avoir du mal à me concentrer.
C’est difficile de définir un bon morceau, c’est encore plus difficile de définir un bon album. Il y a ceux qui donnent envie de danser, ceux qui donnent envie de pleurer, et il y a les autres, ceux qui te traversent en laissant sur place des sentiments inconnus. Si j’écoute de la musique c’est majoritairement pour ce dernier point. C’est pour tester l’amplitude de ma palette de sentiments, c’est pour ressentir de nouveaux frissons que je ne connaissais pas et qui laisseront une trace infime de leur passage, ravivée à chaque nouvelle écoute.
Leader de Maria False, Marble Arch définit sa musique comme liée à l’enfance, et puis les autres ont collé des étiquettes là-dessus, celle de « shoegaze » de « pop » et même de « pop shoegaze ». Pour moi, cela rappelle toutes les vies que je ne vivrai jamais. Ce moment où, juste avant de m’endormir, je fais comme dans un roman de Marc Levy et je m’imagine ce que j’aurais pu devenir si je n’avais pas fait tel ou tel choix. Toutes ses possibilités que j’ai refusées, tous ces moments où j’ai tourné à droite alors qu’on pouvait aussi partir à gauche. Des opportunités qui auraient pu être belles, fortes et intenses, sales aussi parfois ; un peu comme la guitare où sa voix étrange de kidulte. Et je crois qu’au fond du fond, dans ces scénarios de vie que je ne testerai jamais, sur tous ces chemins que je n’emprunterai pas et qui me font quand même rêver, il y a John Cusack jeune qui tient au dessus de sa tête un ghetto blaster, et dans ce ghetto blaster passe en boucle l’album de Marble Arch.
Plus que l’enfance, c’est la musique de ces petits rêves que tu ne dévoileras jamais, de toutes tes envies qui n’ont pas forcément abouties, de toutes ces petites graines que tu as plantées et qui n’ont rien donné, mais que tu gardes au cas où, parce qu’on ne sait jamais. Et tu as bien raison. Elles peuvent pousser. Alors ce soir, j’irai voir Marble Arch et je vais essayer de voir quel effet ça me fait en vrai. T’as qu’à venir voir toi aussi, après tout on sait jamais vraiment ce que la vie va réserver.