J’avais dans mon agenda « Ben » de quatrième un maximum de citations toutes pétées, du genre « La vie est un jeu ». Le type de phrase inspirationnelle et stupide, une métaphore que tu crois belle et profonde. Un jour pourtant, dans un excès d’ennui, tu te retrouves avec un livre de Paulo Coehlo dans les mains et tu te dis «ah mais en fait c’est universel et nul ». Et putain, écrit, c’est tellement cucul que tes yeux n’ont subitement pas versé des larmes de sang, non, ça aurait été classe, mais un mélange dégoutant de sirop pour la toux et de guacamole.
EWWWWW
Plus jeune, j’adorais ce genre de vérités, principalement celles axées sur l’amour. J’ai toujours mis beaucoup d’espoir dans ce sentiment déraisonné. C’est une connerie, d’ailleurs. J’aurais dû mettre de l’espoir dans mon PEL, ça m’éviterait peut-être de vivre à 28 ans en colocation avec ma sœur de neuf ans ma cadette.
Mais je m’éloigne de mon sujet.
« La vie est un jeu. » Quel cliché. Mais quel cliché véridique. Je m’en suis aperçue tout à l’heure, alors que moi et ma gueule de Robert Smith (je me gratte les yeux quand j’ai de l’eye-liner, c’est pas malin) on sortait mon chien. Je ne sais pas pourquoi cela s’est passé à cet endroit alors qu’Eugenie Beyoncé Britney Normand se laissait aller sur un trottoir, mais voilà. Il avait fallu du temps, mais je constatais enfin face au métro Stalingrad et au pipi de chien mon appartenance à cette secte, celle des multiples blaireaux à avoir mis une pièce dans la borne d’arcade de la life.
La vie est un jeu.
Et en plus, la vie est un jeu en plusieurs modes.
Quand tu joues à Mario Kart, tu choisis dès le départ le style de courses dans lequel tu veux concourir. Et là, c’est un peu un cadeau que tu te fais. Évidemment, quand t’es bien dans tes pompes et que tu vis pour le parfum enivrant de la win, tu ne prends pas tout de suite le gros personnage et son tractopelle pour un parcours infernal. Non. Tu as envie de gagner alors tu sélectionnes ce gentil champignon de Toad. Tu fais l’un des tours de jardin tout pépouze les yeux presque fermés, prêt à faire le malin sur le podium. Un vrai gagnant pour une victoire de flemmard. La vie en mode débutant, un degré de difficulté choisi par la majorité des êtres humains. Comment leur en vouloir ? Pourquoi sélectionner le parcours arc en ciel sans bordures en prenant Donkey Kong, alors que tu sais que tu vas forcément finir dans le ravin ?
Sérieux, t’es débile ou quoi ?
Bah ouais.
T’es débile.
Toi dans la vie tu t’es toujours posé en « outsider », comme diraient les jeunes connards des partis politiques qui animent des conférences dans des écoles de commerce payantes. Tu choisis donc le mode avancé, la vraie difficulté. T’es un américain ou Nicolas Sarkozy, tu te fais honte parfois mais tu fonctionnes à la méritocratie. Tu te défonces pour un métier dans un secteur qui n’embauche JAMAIS, t’es peut-être même en stage alors que tu abordes la trentaine, tu résides dans une ville à la qualité de vie exorbitante, tu as monté un projet chronophage qui rapporte pas un rond et tu enchaines les relations nazes avec des gars/meufs très beaux/très drôles qui te font ramasser vénère à coups de « on reste amis » ou de textos indécents qu’on ne recopiera pas ici.
Félicitations champion. Tu es ce personnage au gros boule au départ de la course arc en ciel, la combinaison infernale de la défaite. Épargne toi la honte et le déshonneur et donne toi tout de suite la dernière place, on pourra gagner du temps sur la lecture de cet article et retourner cliquer sur des gifs de bébés pandas.
Le départ sonne pourtant. Alors que tous les jeunes immatures croquant la vie à pleine dents tracent au démarrage et te doublent, toi et ta machine pédalez dans la semoule. Ton moyen de transport serait un cageot ça serait pareil, c’est inconduisable et ça fait un bruit de toux de fumeur de gitanes maïs. Comme si il fallait enfoncer encore plus le clou, tu finis piteusement par te casser tout seul la gueule, à l’image d’un membre d’enterrement de vie de jeune garçon qui se serait ruiné au Passoa dans un pub de la rue de la Soif (Respecte toi, merde.)
Fin de la partie ?
Bah non. Ça joue encore. Et alors que tu pensais plonger à l’infini dans les profondeurs sombres et pixelisées de ce jeu de Nintendo 64, ya le petit bonhomme sur son nuage (un copain sûrement, un copain qui fait chier mais un copain) qui te repêche et te refout sur la route. Il te signale quand tu pars à contresens (oui ça t’arrive, je te l’ai dit t’es vraiment pas doué), et, si tu te recasses la binette (ce qui arrivera souvent) il reviendra, pas saoulé, te ramasser avec sa petite canne choupette pour t’indiquer le chemin et finir cette putain de course.
Pendant ce temps, les petits coureurs rapides là, comme ce blaireau de champignon, ils te mettent un ou deux tours dans la tronche. Finger in the nose, juste pour te narguer. Et t’es là penaud, sur le bord de cette route, à t’interroger sur les manœuvres correctes pour t’insérer correctement dans le game. Tu en profites pour faire une petite introspection et déplorer le fait qu’ils vont vite dans leur vie et leurs projets et pas toi. Pourquoi es-tu toujours en RETARD ? (Placement de produit) Des fois aussi, t’en as marre, tellement marre, que tu n’as qu’une envie,c’est de retomber dans ce trou noir, parce que tu sais que ça va arriver de toute façon et que ça fera passer le temps jusqu’au sifflet final. On ne sait jamais, tu pourras même avoir l’occasion de revenir à l’écran d’accueil afin de prendre un personnage lambda-chiant et d’avoir enfin une chance de gagner.
Et puis, souvent, parce que dans la vie ton moteur c’est la vexation, la même que Christina Aguilera quand elle a roulé une pelle à Madonna et que personne n’en a eu quelque chose à foutre, t’as subitement la révélation. Un truc de pré-conclusion de film romantique qui sonnerait comme « ça ne peut pas se terminer comme ça ». Il faut jouer ? Jouons. Alors que les Vin Diesel de la console empilent les tours, tu t’échines à essayer de manier correctement ton tank. Et ta caisse à savon de l’espace là, elle finit par prendre de la vitesse. Une vitesse surprenante, le genre d’engin que rien ne peut arrêter, comme un membre de la famille Kardashian qui essaierait de choper une célébrité. Te voilà enfin à l’aise tel Johnny sur les routes de Nashville, c’était long et difficile mais tu te sens enfin ok pour poser ton coude à la fenêtre et conduire avec subtilité. Sans t’en rendre compte (parce que t’as autre chose à foutre, tu vois, tu avances, t’es concentré) tu doubles tout le monde. Parfois même quand ils t’ont bien fait chier, tu en pousses un discretos vers le bas côté. Bah ouais c’est moche mais c’est le jeu et eux ne peuvent pas, ils sont aussi nuls et légers que le dernier album d’Alizée. Ne t’inquiète pas pour eux : tu t’en es remis, ils s’en remettront aussi.
Et tu finis ta course.
Premier.
Tu sais quoi poussin, tu as fait dès le départ le bon choix. Le singe est plus intéressant que le champignon: il y a toujours eu des jeux dédiés à Donkey Kong. Tout le monde se branle de Toad, il est tout juste bon à tenir la chandelle pour Mario. Mon petit chat, toi et moi on sait que tu vaux beaucoup mieux que ça.
Regarde tout le trajet que tu as fait, tu peux maintenant savourer ta victoire de canard. Tu es dorénavant invincible. Fais pas trop le malin pourtant, tu peux toujours être surpris. C’est méga dur par exemple Mario Kart sur la Wii. Mais ça fera l’objet d’un prochain article basé sur une nouvelle comparaison débile.