L’année dernière, j’ai déménagé plein de fois.
J’ai vécu trois semaines sur un canapé chez des potes, mais ça c’était l’option qui devait vraiment être temporaire, pendant que je cherchais le loyer le plus bas d’Austin.
J’ai fini par trouver une chambre dans une maison au coin de la septième et Pleasant Valley, et comme son nom ne l’indique pas, ça doit être un des quartiers les plus craignos de la ville. Enfin c’est super proche de la douzième et Chicon, carrefour réputé pour ses putes et son crack, c’est sûr que ça n’aide pas.
J’habitais en face d’une station service jaune, c’était pratique pour dire aux gens où était la maison. Pour maison, en fait il y en avait deux. J’étais dans celle de cinq chambres où on était sept, et à côté, il y avait quatorze chambres, faites de placards et de couloirs avec des portes par dessus. Le propriétaire était cubain, sans papiers donc on ne payait notre loyer qu’en liquide et il passait sa vie à mettre dehors tous les gens qui lui revenaient pas. Pourtant je trouvais que ses critères laissaient à désirer, enfin je veux dire, y’avait quand même un dealer qui était mort dans une des chambres, un jour. Ça fait mauvais genre.
Enfin c’était rigolo, on était une vingtaine et je sais pas si la moitié travaillait. Donc on passait un peu notre vie sur le porche à boire des bières et regarder les clients de la station service.
Tout le monde faisait du vélo parce que quand t’as pas d’argent, autant être un hipster, comme ça
ou comme ça:
Parfois, les crackheads de la rue d’à côté passaient nous demander des clopes, et Rey (le proprio - est-ce qu’il aurait pu s’appeler AUTREMENT, sérieux?) les chassait à coups de pit-bull. Super.
Bon, quand Rey m’a dit que mon loyer ridicule allait se transformer en un abominable quatre-cent dollars pour le mois d’après, je me suis dit que ça faisait cher les cafards, alors avec deux autres des locataires, on s’est mis en quète d’une maison. Craiglist n’étant pas une mine d’or que pour la pénétration anale, on a trouvé un truc immense avec jardin et balançoire, encore plus proche du centre, qu’on ne payait rien du tout.
Il s’est trouvé qu’on avait une chambre en plus, et que justement, ma pote Kelly, qui n’en pouvait plus de San Antonio avait décidé de revenir à Austin et cherchait une chambre.
Ce que je ne pensais pas avoir inclus dans le deal, c’était son mec et le chien de son mec. J’étais partie avec plein de préjugés, mais finalement, le mec, ça avait juste l’air d’un tocard qui faisait du vélo tout le temps.
On aurait vraiment dit un gamin, il revenait de je-ne-sais-où, couvert de boue et il me disait avec un grand sourire qu’il était juste allé faire du vélo.
Trop mignon. Bon, c’était rigolo trois secondes, mais après il a vraiment commencé à me taper sur le système. Le mec avait tagué les murs de la chambre - normal, tout le monde fait ça (adieu, caution), le chien était bourré de puces: j’ai fini par avoir une horrible-réaction-allergique-pleine-de-pus-je-vous-passe-les-détails, et puis il a jamais compris le principe de faire ses courses. Il avait l’air de se nourrir exclusivement d’oeufs et de fromage (qui ne lui appartenait pas, hein), mais j’ai finalement compris ce qu’il faisait avec, cette vidéo l’explique à merveille et le gamin me fait penser un peu penser au mec en question.
Abomination. J’ai supporté ça un mois et demi, parce que bon, j’aime bien sa copine, c’est une bonne pote, tout ça.Mais après qu’il ai mangé toutes mes courses,planté des couteaux dans le mur,détruit toute la chambre,et pas payé de loyer,j’ai pété les plombs, je l’aurais jeté contre un mur et j’aurais piétiné ses petits doigts avec mes bottes à foutre des coups de pieds au cul.Alors je lui ai dit de partir dans la demi-heure suivante et il m’a juste dit « pourquoi tu me détestes? ».
C’est vrai, pourquoi? Quelques mois plus tard, je rentre en France, je vais à Bordeaux, je discute avec un pote branché BMX, qui me dit woah t’habites à Austin, tu dois connaître Empire alors et là je dis ouais j’ai habité avec ce mec, là, qui était sponsorisé par eux et là il me fait quoi tu déconnes, c’est lui là, et il me montre cette vidéo:
C’est là que j’ai appris que le tocard avec qui j’avais habité pendant un mois et demi, Tony, ouais eh ben il faisait pas -que- faire du vélo. Comme quoi. Les gens sont pleins de surprises.
