« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. »
Paul Verlaine, « Mon Rêve Familier »
Cher Paul Verlaine,
Figure toi que j’ai eu le même problème.
Pendant quelques jours, c’est tout aussi étrange (et pénétrant, hinhinhin), mais j’ai eu une relation sublime, intense, intime, carrément magique,
Avec le présentateur de télé américain Conan O’Brien.
Deux nuits je me suis couchée dans mes nouveaux draps propres, sans avoir d’autres objectifs que de roupiller pépouze. A ma grande surprise, j’ai rejoint dans mes songes un vaillant échalas roux.
Conan O’Brien.
Depuis quelque temps et juste avant de me lover dans les bras de Morphée, je regarde son Late Show, bien meilleur à mon humble avis que ceux de Kimmel, Fallon, Thompson et même Letterman.
(Si vous me croyez pas regardez son discours pour les étudiants de Dartmouth, il défonce 8000 )
Montaigne dirait que j’ai pensé à Conan « parce que c’était lui, parce que c’était moi »
Faut pas déconner parce qu’on peut pas vraiment comparer sa relation avec La Boétie et la mienne, on se connait pas O’Brien et moi,
Mais enfin voilà.
Il y avait si je me souviens bien une histoire zarb impliquant un de ses frères (rien de sexuel hein, mollo mollo les mecs, on va pas en rajouter dans le mépris que j’ai actuellement pour moi), mais ça n’a pas empêché ce rêve d’être une pluie de paillettes sur une nuit de mars comme les autres. Mon dodo a été le théâtre d’un récit passionné et vibrant, le couple comme on me l’avait vendu petite, pas ce sentiment tiède auquel on doit faire face si souvent, à l’amertume parfum gueule de bois.
La VRAIE MAGIE DE L’AMÛR.
Je me suis réveillée au lendemain de la première nuit un peu gênée. C’était dimanche matin et je n’avais pas mis en scène mes fantasmes avec une célébrité depuis mon crush de 1999 pour Michael Vartan.
Et me voilà à 28 ans, indépendante et fière, avec cette incartade inexistante sur les bras. Au lieu de passer réellement mon samedi soir avec un mec sympathique mais insipide levé dans un bar, j’avais poussé le pathétique en le savourant VIRTUELLEMENT avec une star de cinquante balais dont je regardais le show en différé SUR YOUTUBE.
LA HONTE.
Je me suis aussi demandée comment mon cerveau pouvait engendrer un scénario aussi naze qu’une comédie romantique sortant directement en DVD. Sérieux, je méritais pas autre chose que cette histoire écrite avec les coudes ?
TU VEUX VIVRE DE TON ÉCRITURE MARINE ? BON COURAGE APRÈS AVOIR PONDU UNE TELLE MERDE
J’ai pourtant fini par oublier le dégout pour me rappeler, à l’image d’une Madeleine de Proust qui pèse délicatement sur le bide, la sensation de béatitude, la vague de chaleur et les petits moments de roman-photo pour personnes âgées dont mon rêve était constitué. Tout cela avait été imaginé par cette partie méconnue de moi, celle qui ne semble pas vraiment contente d’être célibataire alors qu’une autre porte fièrement cette décision en étendard.
La merde, je déteste mon inconscient.
La journée pourtant fait son chemin. J’oublie tout. Je me recouche dimanche soir un peu tard avec un coup dans le nez (satané club de lecture) et surprise. Mon cerveau décide de prolonger son récit Harlequin et de de se prendre pour Honoré de Balzac en pleine rédaction de la Comédie Humaine.
CE CON ME POND LA SUITE DE MON RÊVE DE LA VEILLE.
Cette fois-ci c’est moins passionnel et plus serein (genre on est surs des sentiments de l’un et de l’autre TSAIS), je lui fais visiter Paris en mode blogueuse beauté, sérieux des fois je me dégoute, et Conan, 51 ans, mignon comme un coeur en costume trois pièces, m’envoie des sms quand il doit repartir pour les Etats-Unis, le coeur brisé. Je lis ces petites missives drôles et touchantes à l’aéroport de ma tête, la larme à l’oeil.
Je constate qu’en vingt minutes, durée moyenne d’un rêve, mon cerveau se permet des délires bien imbibés à l’eau de rose. Mes deux histoires cumulent ainsi au compteur 40 minutes très belles de ma vie. A quelques détails près (genre c’est complètement virtuel) ces deux nuits avec Conan font partie des plus chouettes relations que j’aie vécue, ET C’EST UNE RELATION QUI N’EXISTE PAS.
Lundi matin, un peu glauque, j’ai bien réfléchi. Ca ne pouvait pas continuer comme ça. Alors le soir, pour ne plus me faire du mal, j’ai gavé ma mémoire visuelle de Ryan Gosling pour forcer mon mental à se concentrer sur le blaireau de Drive plutôt que sur le rouquin rigolo. Quitte à ce que mon cerveau fasse de la merde, autant que ça soit avec un mec qui m’horripile. Je me suis fait dans la même dynamique la promesse solennelle d’arrêter de passer mes soirées avec mon mac pour aller choper du garçon réel.
Ma nuit se passa ainsi sans encombres
Et sans Ryan Gosling.
ALLELUIA.
J’ai donc lourdé Conan dans un recoin de mes pensées pétées. J’espère qu’il a retrouvé là-bas Michael Vartan ou TJ des 3T (crush de 1997) pour se consoler de cette séparation un peu rapide, mais nécessaire. J’espère aussi qu’il sait que je ne l’oublierai JAMAIS.
Un dernier mot néanmoins pour Paul Verlaine.
Paul, sache que je connais enfin la mélancolie que tu narrais dans « Mon Rêve Familier ». Sache aussi que ça pose quand même sérieusement un problème quand tes nuits sont plus belles que tes jours. Je te conseille donc de faire comme moi. Mater Ryan Gosling, mettre tes plus belles chaussures, une robe un peu moulax, et te dire que si la vie, c’est souvent bien pourri, ça a au moins le mérite d’exister. Courage. Gros bisous et, merde, je ne devrais pas, mais bisous à toi, Conan. C’était tellement super. On se recroisera peut-être dans ma tête dans le Manoir de Jean-Luc Lahaie (j’en ai déjà rêvé, on en parlera plus tard ok?), à l’occasion d’une fête organisée par Camélia Jordana et un inconnu qui insultait les gens dans le métro. Fais pas semblant de pas me reconnaitre si cela arrive : toi et moi, on sait très bien ce qui s’est passé.