Chaque mois de mars, à l’aube de mon anniversaire, je rentre dans le délire « fin du monde ». La plupart du temps c’est simplement un Spring Break à rallonge. Une fois tous les cinq ans, je vais un peu trop loin. Le mois a débuté par un voyage impulsif en voiture pour Austin, TX. Vingt heures de route. Décision prise douze heures avant le départ. Il se termine sur une répétition générale de l’Apocalypse qui débuta autour de 21h par ma première expérience sismique.
La sélection musicale suivante illustre le lendemain de mon craquage dit désormais “de la trentaine”, ma petite version de « Very Bad Trip ».
Nous regardons “Sauvé Par le Gong” saison 1, dans le salon d’une micro-célébrité californienne à la réputation borderline destructrice. Nous discutons de la sexualité de Mario Lopez, de celle du frère de la dite micro-célébrité et de la dette américaine (jk).
Je bois un énième shot de tequila À LA NOIX DE COCO. Ce soir, j’ai signé un pacte avec le diable - mais alors en toutes connaissances de cause, fin du monde et de la vingtaine oblige ! On m’a prévenue plus tôt que cette bouteille ne sortait qu’à de très rares occasions, lorsqu’on veut tester les limites de la perception. J’ai insisté.
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3- Damaged Bug - Catastrophobia
Je suis réveillée en sursaut par un cagnard infernal. Comme j’ai séché les réus de jeannettes, je n’ai aucune idée de l’heure que cette luminosité peut m’indiquer. Aucun signe de mon sac ou de mes chaussures, je porte un pyjama marron, cheum mais propre (ce qui est appréciable aux États-Unis) et je suis confortablement bordée sur le canapé d’un salon lumineux ambiance Desperate Housewives.
À priori me direz-vous, la situation n’est pas dramatique. Sauf que je n’ai aucune idée d’où je suis. À vrai dire pendant de longues minutes je n’ai aucune idée de qui je suis. En revanche, mon délire apocalyptique de la veille ne m’a pas quittée puisque j’entreprends de m’évader. Pieds nus. En pyjama. Je tape donc un petit tour de pâté de maison de ce que je reconnais être un quartier de Eagle Rock, à la recherche de la vérité. Parce que question lumière, je suis cool. Évidemment je n’ai pas de lunettes de soleil. En revanche j’ai la migraine – un indice sur ma condition ? Bonne nouvelle les gars, je commence à recouvrer des fragments de mémoire.
Sauf que c’est trop tard, je suis déjà en train de crier alerte GHB auprès d’un couple latino qui accepte gentiment de me raccompagner à ma dernière adresse connue (je remercie intérieurement ma mémoire photographique afin de détourner mon esprit de mon embarras sur la seconde partie du trajet). Résumé de la situation actuelle : je suis en pyjama, je n’ai ni sac,ni chaussures et je suis face au portail sécurisé de la maison d’une micro-célébrité. Que faire ? L’escalader évidemment, si j’attends qu’il se réveille sous mes appels insistants d’interphone je vais y passer la nuit (toujours aucune idée de l’heure, tiens) et je frise la déshydratation.
Évidemment ce con ferme sa porte à clé. Je fais quelques appels de l’œil à travers la vitre à mon trench peau de pêche pour lequel j’ai risqué ma vie (comprendre : déshabillé un mannequin HM), scrute les alentours pour une arrivée d’eau et finis par chausser une paire de Reebok taille 46 (si je suis généreuse sur la pointure de la micro-célébrité, c’est pour me faire pardonner de la suite des événements). Je saute à nouveau l’entrée du blockhaus et marche en direction de la ville. Je tombe alors sur un vide grenier dans le jardin, Andrew a 18 ans, il est mexicain et il a une Boombox qui joue Outkast (Ok peut-être que j’ai extrapolé la bande son). Il est 10h57.
Andrew n’a qu’une envie, c’est faire chier sa mère qui le force à se débarrasser de ses blousons de baseball quand il était au primaire alors aider une gringo fera l’affaire. Il me commande un taxi et m’apporte une bouteille que pour des raisons évidentes je ne garde pas. Mais digne en toutes circonstances (LOL), je m’excuse délicatement et marche lentement vers la première poubelle dans mon champ de vue - celle de la micro-célébrité. Ooopsie. À ce stade de ma vie, dégueuler devant le taxi est un risque que je ne peux pas me permettre de prendre.
Forcément, je n’ai pas commandé le Uber de base mais une mini-limousine Lincoln dans laquelle je m’engouffre en haillons telle une cendrillon qui ramasse, mais victorieuse. La dernière étape est de forcer l’entrée de mon appartement. Rien de plus simple : démonter la moustiquaire de la salle de bain. Note pour la prochaine fois : éviter de s’attaquer à la fenêtre de ses voisins notamment lorsqu’ils sont en serviette et se lavent les dents.
Il est temps à présent de signaler ma survie au reste du monde. On a tous mis quelques heures à en rire.
Enregistré à proximité de mon actuelle résidence, le jour de ma naissance, le pamphlet hyper-impartial et visionnaire de David Byrne a donc trente ans. Comme moi. “In the future, Everyone will have the same haircut and the same clothes”: check. “In the future, TV will be so good That the printed word will function as an art form only”: check.
