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lundi, 20 avril 2015

Poubelles, je vous aime

Par
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Les premières fois où je les ai fréquentées, c’est évidemment dans ma plus tendre enfance, lorsque j’allais déposer les ordures ménagères familiales dans les poubelles du même nom : pas de quoi rêver.
Ensuite est venu un séjour à Paris, où ma sœur et moi avons chargé, dans le coffre de sa voiture, un magnifique lot de chaises, sous le regard furax de mon futur beau-frère, mais cela ne compte peut-être pas, elles étaient posées contre une dite poubelle. Puis le temps où j’envoyais joyeusement mes filles récupérer les affiches, supports publicitaires. Après moultes négociations, refus et menaces…. pas très classe, mais terriblement efficace.
Et puis, mes filles parties, il a bien fallu se rendre à l’évidence : je devais y aller moi-même.

Petit à petit, J’ai oublié le premier article trouvé, mais je me souviens qu’en ouvrant une poubelle pour y déposer mon sac d’ordures ménagères, mon cœur a battu la chamade, Impossible de résister. Et hop, dans le coffre de la voiture.
Évidemment à début j’y suis allée doucement : stopper devant les poubelles, avec un alibi (un carton, un sac à jeter, un cendrier à vider etc…), un coup d’oeil à droite puis à gauche, et je plonge dans le container à la recherche de la perle rare. Au départ, juste ce qui est visible, le sac de vêtements ouvert, le truc déposé au dessus ou à côté, et puis l’infernal engrenage. Maintenant, je palpe le sac à la recherche d’une forme bizarre, d’un contact mou,d’un objet au forme trop régulière pour être un déchet ménager,j’explore les boîtes de cartons, les boîtes à chaussures, j’éventre les sacs qui me semblent contenir quelque chose d’intéressant, je transfère d’une poubelle à l’autre pour attendre le fond, et depuis peu, je vais même jusqu’au pencher les containers pour être sûre de ne rien rater …..

Et mon ego me direz-vous. Et bien, il était très encombrant au départ, maintenant, il m’attend sagement dans la voiture. Il y a des choses si intéressantes dans les poubelles de mon village, que je n’ai plus le temps de surveiller les allers et venues des « autres ». Les premières fois que je me suis fait prendre « la main dans la poubelle », j’en ai ressorti un carton, genre « je suis en train de déménager, j’en ai absolument besoin ». Le coffre plein d’emballages dont je ne sais pas quoi faire, c’est pas top. Maintenant, je suis grande, j’assume. Le premier « vous cherchez quelque chose à manger » m’a un peu déstabilisée. Le deuxième et troisième aussi, maintenant, je souris et je réponds simplement non. Les « mais qu’est-ce que vous faites dans ces poubelles », amènent la même réponse : « je regarde s’il y a des choses à récupérer », qui entraînent toujours un « il n’y a jamais rien » venant de mes interlocuteurs (ah ! Si vous saviez). A noter que les réactions tiennent également compte du véhicule que je conduis : le regard est compatissant et les propos réconfortants lorsque je sors ma 2CV, les gens sont méprisants ou atterrés lorsque je conduis ma berline classique.

Je suis connue comme le loup blanc, je croise sans cesse les mêmes personnes, les employés de la voirie de la commune m’arrêtent pour me signaler les endroits intéressants du jour, et j’ai remarqué que depuis peu, les sacs contenant des choses à récupérer sont en dehors des containers. Tout le monde m’a vu dans ma chasse au trésor, mon médecin, mon banquier, les employés de la poste, mes voisins etc… pas facile facile.

Je sais ce que vous pensez : « tout ça pour un pull Zara et des chaussures La Halle… la honte ». Et bien dans mes poubelles, j’ai trouvé : une veste Burberry, des sacs Lancel, Vuitton, Longchamp, des chaussures Dior, Yves Saint Laurent, Minelli, des vêtements Cacharel, Joseph, Pepe Jeans, Girbaud, Féraud, Prada, Hugo Boss, Armani, un robot à pâtissier semi-pro neuf, une centrifugeuse neuve, des dizaines de tableaux, de santons, de tapis, des bijoux fantaisie et en argent, un carré Hermés et des dizaines de foulard en soie… J’en suis ravie, le secours populaire local aussi.
Et vous comprendrez mieux pourquoi je me fous royalement du regard des autres.

À bons entendeurs, bonne chasse.

Élise

Elise a 23 ans et une passion pour le Blind Test. Après avoir grandi à Lille puis à Toulouse, elle réside maintenant à Paris où elle essaie de gagner sa vie en dessinant des Mickeys. Comme c'est pas toujours facile, elle est aussi surveillante dans un collège à mi-temps et rêve de devenir Isabelle Adjani avec les cuisses de Beyoncé (j'arrive pas à visualiser vraiment, mais le résultat doit forcément être super).