Aujourd’hui ma fille a 15 mois. Je vous aurais bien vendu un peu de rêve et de câlins qui sentent bon le bébé Cadum, mais la vérité c’est qu’aujourd’hui ça serait mentir. La vérité c’est que j’ai enchaîné les magasins de chaussures d’enfants jusqu’à faire une crise d’angoisse dans le dernier et repartir avec une paire moche et non soldée qui lui ira quoi ? 5 semaines ? Pour être complètement honnête, j’ai également repêché 4 croquettes pour chats au fond de sa gorge avant de la coller sur la « chaise des punis » qui trône au milieu du salon - la scène a tellement fait rire son père qu’il l’a direct mise en fond d’écran de son iPhone. Et là il est 21h, il y a une comédie française avec Vanessa Paradis sur M6 et je peux enfin m’ouvrir une bouteille de vin blanc. Le cul vissé sur le canapé, je me cale l’ordi sur les genoux à bonne hauteur pour que Word me cache le bordel ambiant.
15 mois déjà.
Pour citer mon premier amour, Patrick Bruel* :
« J’m’attendais pas à toi
J’m’attendais pas à ça
J’m’attendais pas à moi
Dans c’rôle-là »
Je sais comment la magie d’internet marche, évidemment que je ne m’attendais pas à ce que la plupart des blogomums parfaites d’instagram essayent de nous vendre à grand renfort de tenues propres, de chambres ELLE Déco et de kilos de grossesse perdus en 3 semaines. Ma vie n’était pas parfaite avant, elle n’allait pas le devenir avec un bébé dans l’équation. Mais en 9 mois de grossesse on a le temps de fantasmer un peu quand même, personnellement je m’étais carrément fait un Pinterest mental toute seule comme une grande de ce que ça serait d’être sa mère.
Un exemple pour vous situer le niveau ?
Enceinte j’avais décidé d’apprendre par coeur les paroles de Love Me Tender d’Elvis pour le lui chanter en berceuse parce que je me disais que j’aurais l’air cool dans 10 ans quand elle le dirait à ses potes. (#longterme) Je m’étais même acheté un ukulélé bleu à fleurs assorti à sa chambre les gars. Vous me voyez venir avec mes gros sabots, je n’ai jamais réussi à l’accorder et aux premières dents à 3h du mat j’ai basculé direct sur Henri Salvador et sa Chanson Douce. J’ai 32 ans, vous imaginez bien que j’ai oublié la moitié des rimes que j’ai inventées au fur à mesure - elle pourra donc raconter à ses potes que sa mère n’était pas foutue de googler une berceuse.
On en est là du fantasme et de la réalité.
Vous voyez le début d’une relation avec votre nouveau mec ou votre nouvelle meuf où vous donnez la meilleure version de vous-mêmes ?
Je parle pas de vous lever plus tôt pour vous maquiller et vous recoucher avant son réveil comme si de rien n’était, on n’est pas dans Biba et je suis même pas sûre que ça existe vraiment - je parle plutôt des petits arrangements faciles du quotidien : citer Twin Peaks comme série préférée et mettre au placard la vieille culotte Petit Bateau détendue qu’on garde pour quand on a 15 jours de retard dans les lessives. Des petits efforts où on se ment un peu tous pour enjoliver le bordel et se vendre comme la meilleure version de nous possible. L’autre n’a rien demandé hein, mais ça fait partie du jeu voilà on le fait tous, on essaye de ne pas avoir le rire et les cheveux trop gras - chez moi, le début d’une relation c’est la ruine en shampoing sec je vous jure.
Pareil avec ma gosse.
Ya eu les repas 100% bio faits maison, les bodys repassés consciencieusement et les cours de gym pour bébés et mamans bilingues. La totale. On chantait Head Shoulders Knees and Toes comme des nouilles tous les mercredi matins aux aurores à nos bébés avant de comparer leurs progrès, leurs chaussettes antidérapantes et leurs premiers mots. Mon bébé et moi on était la caution humour du groupe - elle riait comme une hystero devant les marionnettes « ohlala faut que vous en achetiez pour chez vous le lui faire » et moi je trouvais toujours une connerie à dire quand on me faisait remarquer qu’elle n’était pas pressée de parler ou de lever son cul pour le 4 pattes. Et j’y retournais avec le sourire et un coup de shampoing sec ! De janvier à juin. Tous les mercredi matins à 9h15. Le pire ? Je vous jure qu’elle a fait ce putain de 4 pattes le lendemain du dernier cours de l’année.
Le len-de-main.
Ça m’a fait un déclic comme dans les films.
Finito la lune de miel, bébé.
Voilà va falloir t’y faire, ta mère elle va te filer des plats tout prêts même pas bio quand elle aura la flemme, elle aura la gueule de bois pour ton biberon du samedi matin le lendemain des soirées Time’s Up et elle te foutra souvent la honte au parc à te donner des surnoms cons, à ne pas épeler les gros mots et à accourir direct sans te laisser pleurer quand tu perds ton Renard. De toute façon si je te laissais trop pleurer ça n’irait pas non plus, y en aurait toujours une présente pour se dévouer et me donner des conseils. J’en rajoute pas, même les papis dans l’ascenseur du métro savent mieux que moi comment t’habiller (= en rose).
Ciao la compet’, je quitte la file pour la distribution des bons points. C’est quoi ce challenge nul à se sentir obligée de se mettre la pression et de se retrouver jugée par des inconnues qui sont exactement dans le même merdier ? On est toutes dans le même camp : celui des fesses à nettoyer 10 fois par jours, qu’on le fasse en lingettes Pampers polluantes ou en lange zéro déchet teint à la main et nettoyé au savon de Marseille.
Adios culpabilité !
Sincèrement j’ai culpabilisé pour tout et rien depuis 32 ans (ce matin le boucher m’a rendu 10 euros de trop en monnaie et j’ai rien dit) mais pour le coup je ne me reproche pas du tout d’avoir vrillé quelques mois, et je blâme encore moins les autres mères. On passe par cette étape parce qu’on est embrigadées pour passer par là.
Merci la société patriarcale que ça arrange bien qu’on se mette autant de pression à tout faire bien.
Merci le corps médical qui n’en finit jamais de nous rentrer dans des cases, des courbes et la culpabilité qui va avec (J’en rajoute ? Lancez une conversation sur l’allaitement ou les vaccins, vous verrez le tsunami qui suit).
ALLEZ JE SUIS LANCÉE !
Merci le congé parental pourri qui te laisse sans un euro à la fin du mois et en rajoute une bonne couche niveau culpabilité, angoisse et dépendance.
Merci les médias qui se régalent avec l’exemple de Rachida Dati qui reprend le boulot 5 jours après avoir accouché, et qui nous pondent des dossiers photos sur « Kate Middleton, Gisele Bündchen, un corps post-accouchement parfait ! ».
Tu sais quoi Gala ? 15 mois après j’ai toujours 15 kilos en trop.
15 mois, il était temps de s’en foutre.
*J’avais cité Patrick Bruel en conclusion au bac de philo « Je vais pas me taire parce que t’as mal aux yeux » et j’étais repartie avec 5, faut croire qu’on n’apprend jamais vraiment de ses erreurs et que cette passion va beaucoup trop loin.