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jeudi, 12 mars 2015

RENCONTRE AVEC PARIS SE QUEMA

Par
illustration

Je ne veux pas compter depuis quand je connais Nicolas, mais cela va bientôt faire 10 ans (OKAY j’ai compté). Petit ami puis mari de mon amie Mathilde (que j’ai rencontré sur les bancs de la fac), Nicolas a un don particulier pour la couleur, les formes. Si j’étais déjà à l’époque très jalouse de leur appartement (qui est toujours à l’heure actuelle PUTAIN DE BIEN DÉCORÉ), je m’émerveillais aussi de son travail avec Veja, où il était graphiste. Jouant avec les codes de la marque, il avait réussi avec sa collègue Anaîs à donner une vraie identité graphique,
intelligente et pourtant légère à ces petites baskets chouquettes. Quand ils ont tous les deux monté leur boîte Paris se quema, je me suis dit que c’était drôlement couillu, quand on a à peine plus de 30 ans, de se lancer en solitaire. Je me suis ravisée quand je suis tombée sur leur travail dans le magazine Mint. Paris se quema, c’est le DIY au rang d’orfèvre, c’est le souci du détail couplé à l’envie de tout tester. Toutes leurs créations sont aussi humaines qu’elles sont complexes, un peu comme la vie en fait. Je trouvais que ça valait vraiment le coup d’en parler, et de présenter leur petite entreprise. Du coup on s’est retrouvés un midi avec Anaîs et Nicolas autour d’un plat de quinoa pour parler de ce beau projet, qui possède, à mon avis, de belles heures devant lui. Tu vas voir, tu vas être rapidement d’accord avec moi.

Comment s’est formé Paris se quema?

Nicolas : Nous nous sommes rencontrés en travaillant chez Veja, une marque de baskets et d’accessoires bio équitable. Nous avons tous les deux fait notre stage de fin d’études là-bas, et nous avons été embauchés. Nous étions au sein du studio graphique de la marque : on s’occupait de la communication visuelle, des installations en vitrine, et aussi du concept store que la marque a monté, Centre Commercial.

Quelle est votre formation à l’origine?

Anaïs : J’ai fait un BTS de communication visuelle et je suis ensuite à Olivier de Serres, où j’ai fait un DSAA communication, un parcours assez classique. Nicolas, quant à lui, a fait l’académie Charpentier, une école de communication visuelle.

Pourquoi avoir décidé de monter Paris se quema, du coup ?

Anaïs : Cela faisait un moment que nous étions chez Veja. C’était étrange, on s’est connus là-bas et on s’est tout de suite très bien entendus. Chacun de notre côté, nous révions d’avoir une sorte de collectif. Pendant longtemps, on a eu ce projet à très long terme,et puis un jour, cela faisait sept ans que nous étions au même endroit, nous commencions à tourner un peu en rond. C’était intéressant, il y avait toujours de nouveaux projets mais tout tournait autour de la basket, ou pour centre commercial. Même quand on essayait de faire quelque chose de nouveau, c’était tout de même assez répétitif. On a eu envie de rencontrer des gens, d’avoir d’autres clients, de faire d’autres choses, et on a décidé de se lancer.

Quel était le parti pris à l’origine de Paris se quema ?

Anaïs : Quand nous sommes arrivés chez Veja, nous étions vraiment des graphistes de base. Nous faisions du print, et nous n’avions pas trop envie de faire du digital. Mais dans les premières années de la marque, il n’y avait que nous qui étions chargés du côté créa, et du coup, comme dans toutes les petites entreprises, nous étions très polyvalents. Nous avons donc fait des vitrines, de la vidéo, et nous avons commencé à apprécier le fait de faire plein de choses différentes : on aimait cette dimension créative appliquée à de nombreux domaines. Il y avait certaines connaissances techniques qui nous manquaient, mais il y avait toujours moyen de les apprendre. Cette obligation d’être pluriel a fini par beaucoup nous plaire.

Vous n’avez pas un domaine de prédilection ?

Nicolas : Nous aimerions beaucoup nous concentrer sur le set design et l’identité de marque . Nous travaillons avec une photographe, Chloé Gassian, que l’on avait rencontré chez Veja. Avec elle, on crée un trio set-design photo sur les shootings, que ce soit nature morte, portrait…Mais je n’ai pas l’impression en tout cas qu’il y a quelque chose qu’on préfère faire.

AnaÏs : Ca change régulièrement,cela dépend des périodes, des projets…

Il y a une répartition des rôles, ou vous avez strictement les mêmes compétences et interets ?

Anaïs : Nicolas s’y connaît en vidéo, moi pas du tout. Quand il s’agit de faire des photos par contre, c’est souvent moi qui m’y colle. A terme, nous préférons travailler avec de vrais photographes. Après, nous essayons de ne pas être très spécialisés.

Il y a quelque chose de très chouette chez vous, et excusez moi du terme si vous le trouvez péjoratif, mais c’est un côté un peu « bricole ». Vous aimez construire, créer, coller, poncer… Vous avez appris de manière totalement autodidacte ?

Nicolas : Pas de problème pour le terme bricole. Nous aimons construire des trucs, pouvoir faire les choses. A chaque fois que nous imaginons une installation, un set,nous nous demandons comment nous allons le construire. Pour l’instant, nous nous voyons mal payer quelqu’un pour le faire. Nous aimons beaucoup travailler la matière, le papier, le bois, le ciment…. Nous sommes toujours en train d’apprendre.

Anaïs : C’est comme notre carte de voeux : un ami est venu nous voir en nous disant : « vous auriez pu la faire en 3D ». Bah non, cela ne nous interesse pas, il y a quelque chose dans le fait de fabriquer et de le prendre en photo qui nous enrichit beaucoup plus.

Du coup, vos projets doivent prendre beaucoup de temps, non ?

Anais : oui, ça met du temps, mais nous avons l’impression que cela se voit, et que cela rajoute quelque chose à notre travail.

Comment chopez-vous toutes vos idées ?

Nicolas : nous sommes beaucoup sur internet, pinterest… Nous avons beaucoup de gens que nous aimons bien, mais nous nous voyons pas les présenter comme des maitres à penser. On ne se tourne vers personne quand on crée. Il y a évidemment des gens que nous adorons, comme de nombreux jeunes studios français, mais ce n’est pas forcément eux qui nous ont donné des idées.

La dernière grosse raclée visuelle que vous vous êtes pris ?

Anaïs : Pour nous, c’est vraiment Akatre, après il y a Bonsoir Paris, qui sont très bons en installation et en vitrine. Ce que nous aimons chez Akatre,c’est qu’ils font tout : du graphisme, de la photo… Des fois c’est très artistique, d’autres fois c’est très appliqué, c’est une approche qui nous parle. Le studio l’Etiquette, aussi,qui font du set design. Nous allons plus chercher vers des studios contemporains que d’anciennes écoles.

Nicolas : Il y a quelque chose qui doit venir de l’air du temps, mais nous avons la même démarche, les mêmes envies, les mêmes obsessions…

Quelles sont les obsessions de Paris se quema ?

Nicolas : Les lignes, la géométrie…

Anaïs : Au départ, nous faisions pas mal de trucs sur illustrator, des illustrations vectorielles, mais il nous manquait quelque chose. Ce que nous aimons, c’est le côté géométrique dans le monde réel, confronté au vrai. Du coup tu as la rigueur de la géométrie, mais tu as quelque chose de plus chaleureux qu’une illustration vectorielle. Il y a aussi l’anamorphose qu’on utilise beaucoup.

Nicolas : L’anamorphose, c’est quand tu dessines une forme dans un espace défini avec des volumes, comme une lettre, que tu ne peux voir que d’un point défini. Si tu bouges,tout se défait. George Rousse fait beaucoup ça, et c’est un concept qu’on a utilisé pour notre carte de voeux : en face tu vois la lettre, et en fait, si tu changes de côté, tout disparaît.

Anaïs : La typographie dans l’espace, aussi. C’est quelque chose de très graphiste print à la base, et cela nous parle forcément.

Qu’est ce qu’on vous a jamais demandé de faire et que vous tenteriez bien ?

Nicolas : On ne nous a jamais encore appelé pour faire de la vidéo ! A part chez Veja, c’est quelque chose que l’on a pas vraiment fait. Nous essayons actuellement de le faire de notre côté. Et puis j’adore les clips aussi. Je suis personnellement prêt à collaborer avec quelqu’un dont l’univers me plait. J’aimerai bien faire un vrai beau clip pour Booba, mais je pense que ce que l’on fait n’est pas vraiment son style, donc je laisse tomber…

C’est dommage.

Nicolas : J’essaie de liker ses photos sur instagram,de lui envoyer un signe…Mais rien n’y fait.

Comment voyez vous Paris se quema dans cinq ans ?

Nicolas : Ca dépend des jours. Personnellement des fois je me dis, d’ici cinq ans, nous aurons plein de supers clients, et nous seront toujours deux à bricoler (avec certes de l’aide pour les gros projets). Et puis le jour d’après, je me dis que nous aurons toujours des clients cools, mais avec quelqu’un en interne, quelqu’un calé en vidéo…

Anaïs : Nous ne savons pas vraiment si nous sommes deux artistes ou une agence. C’est un peu un problème. Au début, je me souviens m’être dit que je voulais tout maitriser,avoir l’idée et la réaliser, et au bout d’un moment, notamment chez Veja, je me suis aussi dit que c’était chouette d’avoir une idée et quelqu’un pour la réaliser à ta place.

Nicolas : Mon rêve, c’est qu’on ouvre des antennes un peu partout dans le monde, comme ça on pourra décliner notre nom. « Madrid se quema », « New-York se quema »… Mais bon, on verra dans dix ans.

Pourquoi ce nom d’ailleurs ? Je voulais poser la question en premier et puis j’ai oublié.

Anaïs : c’est une comptine espagnole que Nicolas chantait quand il était petit et où tu changeais les voyelles : « paris se quema, pere se queme… » Je suis d’origine espagnole, Nicolas est d’origine vénézuelienne, du coup cela fonctionnait bien, et puis nous sommes ultra parisiens, on trouvait ça chouette d’avoir le nom de Paris dans le studio. Cela veut dire « Paris S’enflamme ».

Nicolas : Cette comptine pour enfant est hyper violente.

C’est pas un clin d’oeil au reportage « Paris Is Burning » ?

Nicolas : pas vraiment, mais j’adore le Voguing. D’ailleurs ma chanson préférée de Madonna c’est Vogue.

Il y a des clients avec lequel vous aimeriez bosser ? Ou des secteurs ? Je trouve vos photos pour Mint Magazine, autour de la bouffe, particulièrement réussies par exemple.

Anaïs : Nous n’avions rien fait autour de la cuisine, et nous nous sommes dit que c’était dommage, qu’il fallait tenter quelque chose. Nous avons donc proposé à Mint, avec lequel on continue de collaborer. Je me dis aussi avec ce que l’on fait, qu’on pourrait travailler pour le luxe.

Nicolas : Ce que j’aime bien avec le luxe, c’est que c’est des gens qui ont tellement d’argent qu’ils n’ont rien à perdre, ils osent tout. Ils ont un rapport à l’art et à la scène contemporaine très interessant.

Qu’est ce qui vous attend pour 2015 ?

Anaïs : On ne réflechit pas trop au lendemain. Quand nous sommes allés à la banque, on nous a demandé si on avait un business plan. On ne savait pas ce que c’était. On veut avoir des projets cools, tenter d’en vivre et rencontrer des gens !

Marine

Leader Autoritaire
Marine est née en 1986 et vit avec un petit chien trop mignon. Après avoir joué avec des groupes de filles ultra classes d'après les autres membres (Pussy Patrol/Secretariat/Mercredi Equitation), elle gagne sa vie en écrivant sur des sujets cools et se la pète déjà un peu. Ca ne l'empêche pas de traîner en pijama dégueulasse le dimanche en essayant de twerker mal sur du William Sheller. L'AMOUR PROPRE C'EST DÉMODÉ OKAY.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com