RETARD → Magazine

jeudi, 13 décembre 2018

Rentrée

Par
illustration

Faut oublier l’été.

Et cet homme qui avalait lentement
un à un les cheveux salés de cette femme.

Oublier d’avoir passé des journées en plein vent avec un corps devenu sableux.

Oublier la sueur des bords du Tibre
Les femmes au bord des églises du Trastevere.

Le café et le jasmin de la terrasse néoréaliste.

Les grands yeux des madones de plastique.

Le soleil qui se couchait sur mon corps allongé sur le lac.

Oublier la sensation de sa jambe sur l’intérieur de ma cuisse.

Son haleine Red Bull.

Ses bras et ses jambes au goût d’anti-moustique.

Le soleil qui nous rendait sauvages
séchait nos cheveux et créait des creux dans nos doigts.

Oublier comment les dents du présent se sont plantées dans l’avenir et comment on a plus pensé qu’à la chaleur.

La nuit où on a posé des questions au monde à 4h du matin sur la terrasse.

Les longs silences entre la Scotland et moi, et le whisky dans la cabine téléphonique.

Le flou que font les carreaux d’un bar de Dublin.

Rentrée 2018. Paris

Maintenant tu brûles de l’air piquant sur les trottoirs

et tes nouvelles sneakers collent au sol.

Des yeux cernés te regardent la bouche quand tu passes à coté.

je passe mon temps le corps recroquevillé dans les fauteuils des cinémas.

Sentir l’odeur d’un joint ou entendre un oiseau, ça aide quand on a le mal de la nouvelle ville.

Défi personnel : ne plus baisser la tête devant le regard lubrique des hommes dans la rue.

Il faut que je lève les yeux à 80 degrés pour voir le ciel de Paris.

Diagonale de soleil sur les rideaux rayés.

Le bourdonnement du club fait vibrer les cendres de ma peau.

Plus aucun mouvement de raison ne semble faire surface.

La fumée assèche mes yeux que je refuse de fermer.

J’ai eu une pierre dans le ventre toute la journée

Et maintenant les fenêtres illuminées défilent.

J’aime l’odeur de l’appartement depuis qu’il est là.

J’aime aussi plus que tout comme mes seins paraissent petits entre ses mains.

La propre perception de mon corps change en fonction des pensées des autres.

Je le fixe dans le miroir pour tenter de savoir pourquoi.

Je n’arrive parfois plus à savoir si je suis là ou pas

si j’ai faim ou pas

si je dois dormir ou pas

si je suis moi ou pas.

Respire

Essaye de te souvenir des bruits de la mer qui encerclaient tes yeux.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com