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vendredi, 18 avril 2014

RESTE

Par
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Je la vois au fond de leurs yeux, cette petite pointe d’incompréhension. Je porterais une crinoline et je garerais mon cheval à côté des vélibs que ça serait pareil.

- Je ne comprends pas meuf, pourquoi t’as jamais quitté Paris ?

Panique dans mon regard. Je n’ai pas la réponse à cette putain de question. Pourquoi n’ai-je pas fait Erasmus ? Pourquoi ne suis-je pas partie vivre un an ou deux à l’étranger ? Pourquoi n’ai je pas fait comme toute ma génération et n’ai-je pas tout plaqué pour faire le tour de la planète ?

Le constat est aussi fataliste qu’il n’est sans appel : je n’en ai jamais ressenti le besoin.

Je suis arrivée à Paris il y a dix ans. Pleine de ma rage débile d’adolescente, c’est dans cette ville que j’ai décidé de m’installer pour me bouger le cul. J’ai monté des fanzines pétés que ma mère n’ose pas lire (Je pense à toi, Clap Magazine, édité en 5 exemplaires), j’ai organisé des concerts où ne se pointaient que mes (6) copains, j’ai joué dans des caves qui ont fait naitre des montées d’angoisse de contamination à l’amiante. J’ai fait la race de petits boulots de merde (qui c’est qui a bossé pour Philippe Candeloro ?).

Pourtant, un jour, sans vraiment comprendre pourquoi, on m’a donné une chance, et encore une autre. J’ai fait des choix qui se sont avérés -pour une fois- pas complètement stupides. Et j’ai fini par trouver mon bonheur. Aujourd’hui, après des années de grosse lose et de ramassage d’égo à la petite cuillère - des passages qui me semblent obligés finalement quand on marche vers l’âge adulte- j’ai enfin un travail dont je suis fière, un appartement dans lequel je suis (presque) bien, et surtout, une bande d’amis que je considère et que j’aime comme ma famille.

Alors c’est vrai, je n’ai pas de supers clichés de moi en minishort au milieu du désert australien (merci pour vos clichés instagrams les copains, ça me fout pas du tout les boules). Je n’ai pas renouvelé mon passeport depuis mon dernier voyage hors Europe en 2008. Je n’ai pas -encore- de bonnes anecdotes sur la fois où j’ai croisé James Franco dans un Dinner américain (décidément ce mec vire carrément à l’obsession). Mais je suis pleinement heureuse.

C’est ptet la honte, mais j’ai besoin d’une certaine routine. J’ai besoin de construire mes petits projets et de les voir lentement se réaliser. J’ai besoin de poser mes clés aux mêmes endroits et de voir mes repères évoluer autour de moi. Je ne peux pas tout laisser tomber pour partir à l’aventure, je veux les voir bouger avant que moi je bouge. Je suis dans l’incapacité de tout plaquer tant que mes bébés n’ont pas atteint l’âge adulte. Alors j’attends qu’ils soient beaux, majeurs et vaccinés pour me casser si un jour l’envie m’en prenait. Parce qu’il ne faut pas se mentir : j’ai l’impression que, qu’importe le paysage dans lequel j’évoluerai, si je n’ai pas décidé de mettre tout en place pour y trouver une certaine plénitude, je ne serai de toute manière bien nulle part.

Alors, si tu veux mon avis copain, le voilà. Toi qui cherches la solution à tes problèmes, toi qui penses que la vie sera mieux ailleurs, ou toi qui veux faire comme les autres et penser qu’on a tous besoin de faire les mêmes expériences, je pense que tu vas être déçu. Tu ne trouveras pas les réponses à tes questions intérieures à l’autre bout du monde, seulement des paysages de malade et plein de nouveaux copains. Si tu veux du neuf, de l’insolite, du malade, t’es pas obligé de claquer toutes tes économies.

Reste, putain.

Bouge ton cul maintenant, et ici. Tu peux faire de ta ville ton Berlin, tu peux insérer tes envies New-Yorkaises dans le Limousin (t’as vu ça rime). N’écoute pas Mouloud Achour ni Félix Marquardt et leur “Barrez vous”, manifeste pour jeunes branloss qui préfèrent accuser les autres de l’ennui qui les submergent. L’avenir est dans tes mains, que ce soit à Paris, à Bordeaux, ou dans la maison de ta mamie. N’écoute pas les prévisions économiques pessimistes, n’écoute pas les gens dont la vie a changé « au contact d’un petit village typique au fin fond du Nepal ». Fais ton propre chemin. Ton bonheur n’a pas la forme d’un billet d’avion, ni d’un blog relou où tu vas poster tes photos de “ton expérience personnelle” qui finit par ressembler à toutes les autres. Il est dans ton petit coeur, et il ne demande qu’à sortir, tu sais. Il suffit juste de l’écouter.

Marine

Leader Autoritaire
Marine est née en 1986 et vit avec un petit chien trop mignon. Après avoir joué avec des groupes de filles ultra classes d'après les autres membres (Pussy Patrol/Secretariat/Mercredi Equitation), elle gagne sa vie en écrivant sur des sujets cools et se la pète déjà un peu. Ca ne l'empêche pas de traîner en pijama dégueulasse le dimanche en essayant de twerker mal sur du William Sheller. L'AMOUR PROPRE C'EST DÉMODÉ OKAY.

Bobby Dollar

Bobby a 23 ans et une casquette des Grizzlies de Vancouver. Ce jeune dessinateur qui sait quoi faire de ses feutres nous a un jour contacté de son plein gré, et c'est un truc dont on est bien contentes. On espère qu'il arrivera à vivre de son talent de malade et qu'il montera prochainement son projet de magazine de football pour les tout-petits. C'est pas les bébés qui servent de ballons hein rassure nous ? HEIN BOBBY C'EST PAS ÇA HEIN ?