Son histoire familiale fait que Marc Rebillet est bilingue anglais-français. Lorsqu’il apprend que l’interview est pour Retard Magazine, il rit aux éclats. Et nous aussi. Car son rire est communicatif, et surtout parce que “retarded” en anglais signifie “demeuré”.
Cet artiste quelque peu atypique prend le parti de filmer ses concerts en direct, qu’il soit au beau milieu d’un restaurant ou dans sa chambre, hurlant des saillies drolatiques et gesticulant comme un cinglé. “L’effet wow” dans toute sa splendeur.
Plus surprenant encore, la carrière de ce musicien auteur-compositeur-interprète a mis près de 10 ans à démarrer. Réalité absurde quand on pense à l’imagination et à l’énergie débordantes qu’il puise dans ses passions, telle une catharsis.
Incarnant le rêve américain à l’ère de l’Internet des blagues virales, ce phénomène a été propulsé en l’espace de 12 mois et de millions de vues à la tête du Youtube game.
Ses performances en solo sont remarquablement improvisées et orchestrées grâce à la Sainte Trinité : ordinateur, clavier, séquenceur - sampleur. Quasiment tous les styles musicaux sont maîtrisés par le “loop daddy”.
Contempler ses one-man shows pour la première ou la centième fois produit toujours la même réaction : #WTF maaan!
Cet énergumène aussi drôle sur Youtube que sur scène a rameuté 300 fans à l’IBOAT Bordeaux, qui affiche complet depuis des mois. Toutes ses dates se jouent à guichet fermé.
Ce fut un plaisir de rencontrer ce self-made man (en caleçon sous son kimono japonais) juste avant sa première date de tournée européenne, et l’on parie que 2019 signera le décollage imminent de la fusée Rebillet.
Age - Sexe - Ville ?
30 ans - Masculin - Brooklyn, NYC.
Comment te sens-tu à l’orée de cette incroyable première tournée européenne ?
Stressé, mais en bonne santé. Je donne 29 concerts en 32 jours. C’est trop. Je n’ai pas réalisé à quel point ce serait intense. Je n’ai jamais fait de tournée comme ça, donc quand j’ai vu toutes ces dates, je me suis dit “génial, parfait !” Et deux mois plus tard, quand j’ai remis le nez dans le planning, je me suis dit “Mon dieu…” Si je pouvais, je maintiendrais les mêmes dates, mais sur deux mois. On verra la différence entre le début et la de la tournée dans un mois…
Pour toi, qu’est-ce qu’une soirée réussie ?
Une salle complète. Mais c’est très personnel, car ce n’est pas forcément quand les gens aiment le concert, ça dépend aussi si je suis content de ma performance, des idées musicales et des sujets que j’aborde. Il y a beaucoup de soirées où les gens aiment le show, mais où je ne suis pas satisfait de mon travail.
Pour l’instant, quel est ton meilleur souvenir de tournée ?
Depuis 2 mois maintenant, presque chaque soir, il y a une groupie dans la foule qui me lance son soutif sur scène. J’ai de la lingerie partout. (rires)
Comment expliquerais-tu ton activité à un enfant de 7 ans ?
Je crois qu’un enfant de 7 ans comprendrait mieux mon show que des adultes. (Rires);Je gagne de l’argent en faisant l’idiot, tout simplement.
Est-ce que tu as toujours voulu être musicien professionnel ?
Non, j’ai commencé à jouer du piano vers l’âge de 5 ans et je faisais du théâtre en même temps. Mon show actuel combine ces deux passions, mais je voulais être acteur, et j’aimerais encore le devenir.
Quelles sont les paroles de chansons que tu fredonnes depuis toujours ?
Celles de “Douce France” de Charles Trenet. J’adore ! “Il revient à ma mémoire / Des souvenirs familiers / Je revois ma blouse noire / Lorsque j’étais écolier”. On écoutait beaucoup Trenet, Brel, Brassens, à la maison. Il y a aussi des paroles de “Come Together” des Beatles : “Hold you in his armchair / You can feel his disease”. J’adore. C’est incroyable.
Tu as travaillé à Paris, comment ça s’est passé ?
C’était il y a 7 ans. Je suis venu à Paris pour essayer de faire de la musique. Sans succès. J’y ai vécu un an. J’essayais de composer dans ma chambre, mais j’étais serveur, car je ne gagnais rien avec la musique. Je n’avais pas de contacts, juste ma cousine australienne qui était réalisatrice, et son mari qui était un musicien important en Australie. Je voulais faire quelque chose avec lui mais ça ne s’est jamais matérialisé. Je suis retourné à Brooklyn, mais pareil, je ne gagnais pas ma vie en jouant de la musique, puis j’ai du rentrer à Dallas pour aider ma famille, car mon père n’allait pas bien. C’était à Dallas que j’ai commencé à faire mes premiers concerts. Cela fait un peu plus d’un an maintenant.
Est-ce que tu te souviens de ta première connexion à Internet ?
(rires) Bien sûr ! C’était avec AOL, je voulais voir du porno, mais mes parents avaient mis un filtre parental. J’étais vraiment déçu. Je suis allé chez un ami, mais ses parents n’avaient pas encore Internet.
Tu as une chaîne Reddit à ton nom. Ca te fait quoi d’être une célébrité d’Internet ?
C’est cool, c’est un peu bizarre, mais je crois que je ne suis pas encore à ce niveau de célébrité. J’y travaille encore. On y arrivera. (rires)
Avec qui aimerais-tu collaborer ?
Flying Lotus, ce serait un rêve. Et Reggie Watts. Il est ma plus grande source d’inspiration. Sinon parmi mes inspirations : Nina Simone, Madlib, Wu-Tang Clan, A Tribe Called Quest, The Beatles, James Blake, beaucoup de gens. J’aime la soul, avec de grandes émotions.
Quel serait ton plus grand rêve ?
La retraite. (rires) Je fais ces tournées dans le but de ne rien faire. J’aimerais faire de la musique quand je veux, me reposer, passer du temps avec mes amis, ma mère. J’aimerais bien ne rien faire du tout. C’est rentable, surtout depuis 3 mois. Je gagnais bien ma vie depuis un an, mais maintenant je gagne encore plus grâce aux tournées. J’avais un agent qui m’a booké la tournée américaine que je viens de finir. J’ai un nouvel agent, qui pousse l’argent à un niveau complètement ridicule pour les tournées de cette année. Peut-être que dans quelques années je pourrai choisir d’adapter mon temps. C’est ma stratégie pour arriver à ne rien faire pendant 6 mois, à part un album. Maintenant, je bosse, je bosse, je bosse.
Qu’est-ce que tu préfères dans ton job ?
Maintenant, je dirais l’argent. C’est pas mal. (rires) Et pouvoir enfin dire que je suis musicien. Cela fait plus de 10 ans que j’essayais d’en faire mon métier, et je ne pouvais pas le dire, car j’étais serveur ou employé de bureau et je galérais.
T’as pas des troubles musculo–squelettiques à force de t’agiter comme ça tout le temps ?
(rires) Oh que oui ! J’ai de gros problèmes aux cervicales. Je n’ai pas eu le temps de voir un médecin avant cette tournée, mais quand je reviendrai à Brooklyn en mars, j’y vais direct.
Si tu étais arrêté par les flics, quelle en serait la raison ?
Avoir fumé de la beuh. Sorry officer, sorry! But, I’m a good boy.
As-tu un plaisir coupable ?
Fumer, mais j’ai arrêté il y a 3 semaines. C’était nécessaire, parce que j’arrivais à un point où je ne pouvais pas enchaîner 3-4 shows à la suite, car ma gorge ne tenait plus. Sinon, j’adore la crème glacée Ben & Jerry’s, Chunky Monkey, Cookie Dough, Chocolate Fudge Brownie, Peanut Butter Cup… (rires)
Si tu étais un animal, lequel serais-tu ?
(rires) J’adore cette question. C’est dur. (il réfléchit) Un puma, c’est classe, ça a le poil brillant. J’aime beaucoup les pumas.
Quel est ton plat préféré ?
Le steak au poivre. Ha et j’adore la fondue savoyarde. J’en mange peu aux Etats-Unis, parce qu’on ne trouve pas ce genre de fromage partout. La dernière fois que j’en ai mangé, c’était à Aix-en-Provence, avec des amis très proches. A chaque fois que l’on se voit, on se fait une fondue, avec une bonne baguette. Aïe aïe aïe.
Quels sont tes 3 comptes Youtube favoris?
J’aime beaucoup Youtube. Je regarde beaucoup les vidéos de tech, de mobile de MKBHD, les vidéos critiques des gens du web par le couple de H3H3 et celles de Conan O’Brien, c’est tout. Je suis obsédé par Conan. Si un jour je suis invité dans son émission, je m’évanouis. Mais je ferai en sorte d’être comme un puma, cool. Et je ferai une improvisation.
Et 3 chansons que tu écoutes en boucle ?
Ca change tout le temps, mais quand j’en aime vraiment une, je l’écoute beaucoup beaucoup.
https://www.youtube.com/watch?v=ocS2h6GjzKg
Quels sont tes autres projets ?
A part plusieurs tournées, cet été je vais composer un album avec des idées musicales que j’ai créées dans mes improvisations. Je travaille sur une émission ou une série spéciale avec Netflix ou la TV. Ca a quelque chose à voir avec mon spectacle actuel, mais on va le faire dans des endroits où les gens n’ont pas l’habitude d’en voir. Dans des bibliothèques, par exemple. Ca sera bizarre et rendra les gens mal à l’aise, car ils ne voudront pas forcément me voir à ce moment-là. (rires)
As-tu un message à faire passer ?
Enjoy yourself, be happy, enjoy being alive, we’re gonna die soon. Love people around you.
Propos recueillis par Séphora Talmud
Suivez Marc Rebillet sur
https://www.youtube.com/marcrebillet