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jeudi, 11 avril 2019

Se reconstruire après un viol : la liste pas magique

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Tout comme 1 femme sur 10 en France, j’ai été violée. 

Je vais passer les détails, j’espère que ça n’intéresse personne et puis surtout ça ne regarde que moi. Le but ici est de donner ici un coup de pouce pour toutes les femmes qui vivent ça. Puisque le viol n’est pas un phénomène isolé ou rare. Ce ne sont pas des « fous » qui violent, ce sont des hommes à qui on a appris que leur envie passer avant le consentement de l’autre. La plupart des hommes finalement. Un viol toutes les 9 minutes en France. 

Après la fameuse nuit du drame, ont suivi les dizaines de rendez-vous chez le médecin, le kiné, la gynécologue, le psy, (et les flics, mais ça viendra peut-être plus tard parce que ça mérite carrément un autre billet). 

Puis au-delà de l’aspect matériel s’en est surtout suivi une grande détresse : émotionnelle, psychique, physique. Que faire maintenant ? Que ressentir ? Comment gérer sa vie sexuelle, affective ? Comment gérer un syndrome post-traumatique ? Et puis d’ailleurs c’est quoi un syndrome post-traumatique ? Qu’est-ce que ça veut dire se reconstruire, se réapproprier son corps ? Les formules étaient toutes faites, celleux à qui j’en parlais avait tous des bons conseils, mais aucun ne fonctionnait (comme souvent dans la vie d’ailleurs). 


Heureusement pour moi, j’ai été éduqué par ma maman elle m’a parlé consentement, rapport au sexe, IST. En fait on m’avait surtout déjà expliqué à quel point les hommes peuvent être des porcs. Autre chance pour moi, j’étais déjà engagé politiquement et j’avais déjà entendu parler de féminisme (radical et intersectionnel sinon rien), ce qui m’a grandement aidé à appréhender la situation à laquelle je devais faire face. 


Alors après avoir tenté d’écrire, de regarder ma chatte dans un miroir, et de renforcer mon périnée, j’abandonnais et implorais ceux qui me fréquentait encore de me donner la liste miracle des choses à faire pour aller mieux. 


Alors, pour vous, voici une liste non-exhaustive et complètement personnelle des choses à faire pour se reconstruire après un viol. J’essaye d’être la moins injonctive possible, mes conseils ne vont peut-être pas du tout t’aider. (Tu as le droit de m’envoyer cuire un œuf).

1- Et c’est vraiment la règle numéro UNO : n’écoute que toi, il n’y a que toi qui sait ce qui s’est passé et comment tu l’as ressenti, il y a donc que toi qui peut savoir ce dont tu as besoin et envie. Si tu as subi ça, c’est la faute à une société patriarcale qui promeut la culture du viol, donc si à partir de maintenant tu veux brûler des hommes : E C O U T E T O I. Tu as le droit d’aller très mal, tu as le droit d’aller très bien. Et ceux dans tous les domaines donc si tu n’es ni traumatisée par la nuit ni par le sexe et que ta reconstruction passe par t’envoyer la planète entière, tant que t’as le consentement de tout le monde : do it girl !

2- Pour aller plus loin n’écoute aucun conseil des gens qui doutent de ta version des faits, qui pense que tu exagères, ou pour qui c’est la première fois qu’ils entendent une histoire de ce genre. TU N’AS NI LE TEMPS NI L’ÉNERGIE À DEPENSER POUR CES GENS LÀ. Si les gens ne veulent pas voir que les violences sexuelles sont une maladie sociale, ce n’est pas ton problème et ce ne sont pas eux qui vont t’aider. Trouve des personnes qui te diront : Je te crois et surtout je t’aime.



3- Conseil obvious, mais répète toi (en boucle) que tu n’as ni à avoir honte, ni à te sentir coupable. Quand bien même tu aurais dansé nue toute la soirée devant l’homme qui t’as violé, tu ne l’as pas cherché. Jamais. 


4- Ma maman m’assassinerait si elle lit ça, mais aller voir un psy n’est pas toujours LA SOLUTION. J’ai compris tard que j’avais aussi le droit de ne pas en parler, j’avais le droit de refouler au plus profond, d’être dans le déni, le droit d’en parler que quand tu as quatre grammes d’alcool dans les veines, le droit de ne pas utiliser le mot « viol », des fois, c’est plus simple et c’est ok. 


5- Politiser ce qui m’est arrivé, inscrire mon histoire dans un schéma de reproduction de mécanisme du patriarcat m’a personnellement beaucoup aidé. Ce n’est pas moi, ce n’est pas parce que les prédateurs peuvent ressentir de la faiblesse chez moi. Ce n’est pas un coup de pas de chance, mauvais endroit, mauvais moment. C’est un acte profondément sexiste. Je ne fais pas partie des histoires des faits divers gores qu’on lit avec culpabilité et grand intérêt. Je suis une de plus. J’ai été violé parce que je suis une femme et ça s’arrête là. Comprendre ça permet d’arrêter de chercher un sens. Comprenez-moi bien, si vous trouvez un sens, tant mieux (et puis surtout faites tourner). Moi, je n’en ai pas trouvé, et je crois n’en avoir plus besoin et c’est ok. 


6- Pour ce conseil je me contredis, mais comme la plupart des gens j’ai souvent trouvé du réconfort dans les conseils des autres, cependant parler à ses proches  de ce genre d’experience n’est pas toujours facile. Voilà pourquoi lire Virginie Despentes est toujours une bonne idée (on l’a déjà conseillé sur Retard) mais on ne le redira jamais assez : (re)lis King-Kong Théorie. Lis aussi tout ce qu’à écrit Edouard Louis. Et si tu n’es pas une grande lectrice tu as le magnifique texte d’Alice Paquet : « Culture du viol : à toi qui parle trop fort » ou encore « SexNegative » du Collectif le Seum, et pour finir « Combien ça vaut une femme violée ? » de Caroline De Haas. Si tu préfères les réseaux sociaux, tu as quelques queens du twitter game incroyable à suivre (assez facile à trouver) qui pourront t’aider de par leur coup de gueule et de love à te sentir un peu mieux. Si tu es encore un dinosaure qui utilise facebook (just joking) les groupes paupiettes de coquine ou les feministes par inadvertance sont des groupes d’entraides féministes intersectionnels où ta parole sera entendue et écoutée. 



7- Pour finir, un conseil très matérialiste mais assez important, si t’en es capable fais des examens gynéco. Le viol, ou les agressions sexuels stresse l’organisme, et le vagin a un équilibre très particulier, il est très possible que tu choppes des mycoses/infections urinaires. Essayer de retrouver une vie sexuelle ou masturbatoire avec des infections urinaires tous les 15 jours, c’est mission impossible. 




NB : Je parle d’un viol d’un homme sur une femme car je pars de ma propre expérience. J’ai conscience que ce n’est pas toujours le cas bien que : 97% des violeurs sont des hommes, 91% des victimes de viol sont des femmes.

De plus, je pars de ma réalité en tant que personne blanche, une personne racisée qui subit le viol à en plus à faire face au racisme des institutions et des individus ce qui n’a pas été mon cas. 


NB : J’ai conscience que le viol n’est pas aussi violent pour tout le monde, et ce n’est pas parce que tu vas bien après ton viol que tu es moins légitime ou que tu as moins souffert. Tu as le droit d’aller bien et c’est une bonne chose. 

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com