Quand tu prends du Xanax, tu dors bien, beaucoup, et tout le temps.

Tu te retrouves ainsi souvent dans ton lit à 21 heures, complètement lasse d’une journée où tu n’as rien fait. Tu t’enfonces dans tes draps froids alors que tu sens la présence inquiète de ta mère derrière la porte de ta chambre d’adolescent. Tes yeux se baissent sans que tu ne saches vraiment pourquoi, alourdis certainement par les anxiolytiques que tu prends matin midi et soir avec la même assiduité que le diabétique son insuline. Cela faisait des semaines que tu ne dormais plus, alors tu savoures ce moment, celui où tu bascules, qui est à chaque fois un énorme soulagement. Tu dis au revoir à la réalité, à l’angoisse du lendemain, et tu prends la main que le médicament te tend quand il fait enfin nuit. Elle te dirige vers un nulle part où ton esprit s’amuse depuis longtemps sans toi, dans un endroit bien caché où ta bonne conscience est interdite. Et là, alors que la réalité en ce moment pour toi s’imagine en cinquante (mauvaises) nuances de gris, que ta vie est encore plus mal écrite que le roman pseudo-porno d’une mère de famille américaine, une porte s’ouvre sur une dimension qui ne connait aucune limite et où tu baignes dans un océan de mille couleurs.

Mille couleurs qui n’iraient pas ensemble.

Ton esprit dans sa plus pure acception est là, occupé à faire n’importe quoi, du plus sale au plus drôle, et tu sens ton corps et ton mental se soulager violemment dans des scénarios que tu n’aurais jamais osé concevoir consciente.

C’est là que tu t’aperçois à quel point tu es humain et anormal. La nuit se transforme en orgie virtuelle au son d’un orchestre exotique et glauque, aussi lancinant qu’une piste de CD restée bloquée en mode repeat. Une nuit qui ne semble pas connaître de fin, comme les soirées dont tu rêvais plus jeune sur les plages thaîlandaises. Tu te cachais avec Leonardo Di Caprio pour vous peloter tranquille pendant que les All Saints étaient derrière les platines, rappelle toi, tu te réveillais quand apparaissait Virginie Ledoyen morte de jalousie, en pleurs derrière un palmier.

Quand le Xanax disparaît aux premières lueurs du matin, et ré-ouvre les volets que sont tes paupières, tu t’interroges. Tu portes mentalement les stigmates de tout ce qui s’est passé. Le souffle coupé. Les joues rosies. Les draps moites. Tu te demandes. Qui suis-je vraiment ?La personne que les gens connaissent, ou celle qui se cache quelque part dans ce cerveau détraqué ?Il n’y a pas de réponse à cette question de merde. Tu es un mélange étrange des deux. Une jolie propriété publique où les gens prennent le thé avec un jardin privé dont personne à part toi n’a la clé.Le jardin où fleurissent tes rêves.

Je ne sais pas à quoi pensait Armelle et Nafi quand ils ont choisi ce nom pour leur groupe.

Après tout, je m’en fous.

Je ne sais pas non plus à quoi ils pensent quand ils sont sur scène.

Mais je sais que ça me fait la même chose à chaque fois, et j’ai bien du assister à une dizaine de leurs concerts. Mon bide se transforme en ukulélé branque à 12 cordes et je les sens toutes vibrer, les conscientes comme les refoulées, celles que tout le monde utilisent comme les fines dont personne ne sait jouer. J’ai aux bords des lèvres une gerbe optimiste qui n’attend que de se déverser pour danser jusqu’aux crampes physiques, jusqu’à la transe la plus primaire.

C’est à ce moment-là que je ferme les yeux. Leur musique possède la même puissance hypnotisante que n’importe quelle substance prescrite un jour par ma psychiatre de la rue Chasles.

Les miroirs de l’âme cachés, je continue néanmoins de voir Armelle à la crinière flamboyante, en grande prêtresse à la bouche écarlate, moulée dans une robe en polyester de la couleur du fleuve de mes songes.

Je vois Nafi au regard de fou hurler dans le micro tandis que son visage s’accorde aux lèvres de sa partenaire.

Ils sont tellement beaux tous les deux, c’est fou de réussir encore aujourd’hui à être amoureux.

Et je m’imagine debout et endormie, avec les deux susurrant à chacune de mes oreilles de lutin.

Que les tropiques sont peut-être le dernier endroit où on peut jouer tranquillement de la Cold Wave.

C’est à ce moment-là, à chaque fois, que je me rends compte

Que la mélodie qui passait en boucle dans mon cerveau drogué

La bande originale de ses rêves foutraques,

Ces chansons qui me donnent envie de bruler mes vêtements de danser les yeux fermés de faire l’amour de rester prostrée de mourir de vomir de manger de me taire

Cette litanie ne peut être que la musique des Dreams qui veillaient de Strasbourg sur mon sommeil artificiel.Je suis rassurée et j’ai un peu chaud. Un soleil invisible tape sur une gueule de bois que je n’ai pas (encore), au rythme des percussions tropicales d’Aloha Miami.Ce n’est pas grave finalement si mon traitement est terminé et que je suis obligée de retourner à cette réalité monochrome. Je trouverais toujours un moyen de me procurer de la couleur, quitte à respirer à jamais les yeux fermés. Les Dreams seront le premier juin en concert à l’Espace B dans le cadre du Festival Maison Sauvage.

Ca va être TELLEMENT BIEN, tu devrais cliquer copain.
On suera ensemble en riant de la torpeur de nos coeurs.

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