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J’aime beaucoup Nina Persson, la quiétude de sa voix, douce et légère, souvent sous-estimée, que ce soit au sein des Cardigans ou dans ses projets solo. La faute sans doute au Lovefool de 96, principalement connue pour être la chanson phare du cultissime Romeo+Juliet de Baz Luhrman. Le titre laissera étonnamment amère pas mal de critiques à l’époque, se contentant d’y voir là de la pop sympa mais plutôt chiante dans l’ensemble. Les Inrocks avaient parlé de musique lyophilisée pour cosmonautes (lune, cosmonaute, tu la tiens) et j’avais pas trouvé ça très sympa. Tu vois, vingt ans après, je l’ai encore là.
First band on the Moon est un beau disque. Pas mon préféré du groupe, mais clairement celui qui m’a donné envie de creuser un peu. Produit par Tore Johansson (New Order, Saint Etienne), l’album compte onze chansons, composées par Svensson et Persson. Lovefool est d’ailleurs le premier titre jamais écrit par cette dernière, alors qu’elle attendait tranquillement un vol.
Mais faisons preuve d’honnêteté, il n’était pas forcément évident à l’époque de les cerner, tant le groupe était dans une logique constante de changement et d’évolution. Déjà en 1997, Magnus Sveningsson insistait sur la nécessité d’un prochain disque différent de cet album. Promesse plus que tenue avec Gran Turismo, puis Long Gone Before Daylight et Super Extra Gravity. Mais il fallait aussi compter sur deux opus précédents, Emmerdale, datant de 1994, et Life sorti l’année suivante, qui ne trouvèrent les chemins vers l’Europe et les États-Unis qu’en 1999, lors de rééditions.
Les Cardigans font partie de ces groupes inclassables, dont on a besoin de laisser reposer la chose pour pouvoir vraiment réaliser ce qui se trame. Une bougeotte artistique qui ne laisse cependant jamais en rade la sophistication des compos.
Mais c’était aussi ça, les 90s. Un son difficilement explicable tant la décennie a joué les électrons libres. Et dans ce domaine, les Cardigans savaient brouiller les radars.
Faut admettre que de transformer du Black Sabbath en chanson pop avec pour lead vocals une femme à la voix d’une gamine de trois ans et demi, dans le genre, ça se posait là.
Mais le groupe n’a jamais eu peur du kitsch. Dans une sorte d’euphorie post-grunge, les Cardigans, avec leur soft rock twee aux relents lounge, avaient des allures de demeurés. On se souvient de la cover de Life, disque 60s à mort, où Persson, blonde platine et sourire crétin, pose allongée sur le ventre en petite robe bleu cyan, bague pâquerette et patins à glace.
Bien évidemment, les critiques de l’époque ont placé l’effort dans la catégorie pop mignonne sans vraiment déceler la complexité dont le groupe était capable.
Retenus, minimalistes et toujours subtils dans ses arrangements: c’est un peu la marque de fabrique de ces suédois bizarroïdes. Une pléthore d’effets sonores et d’instruments, en grande partie due au guitariste Peter Svensson et le bassiste Magnus Sveningsson, tous deux issus de la scène métal, mais qui se fondaient plutôt pas mal dans le paysage.
Quand on connaît l’historique, les choses se mettent en place. Et ça ne s’étonne pas quand plus rien ne dépasse. Une précision flirtant avec une froideur à t’en faire couler le Titanic une seconde fois. Une balance parfaite entre sonorités lancinantes, voire parfois mélancoliques et petits airs joyeux. Mais derrière ces notes dansantes se cache une émotion à couper au couteau, laissant s’échapper une conscience parlant pour ne pas dire que du beau.
La voix de Nina Persson, c’est la voix enfantine chantant la désillusion de la femme qui ne voit plus que l’amour comme simple souffrance. Une candeur qui s’effrite devant le masochisme et le mensonge de la vie. Une voix qui distille sarcasmes et pessimismes, à travers des histoires ratées, des promesses non tenues, des amants qui ne sont plus.
L’amour à sens unique, où l’on donne tout à l’autre sans rien recevoir en retour: “I’ve been your mother, I’ve been your father / Who can ask me for more? / I’ve been your sister, I’ve been your mistress / Maybe I was your whore” chante-t-elle dans Been It. Ou encore des ruptures où l’autre refuse obstinément la fin, comme dans Never Recover, ou la personne abandonnée qui espionne son ex avec sa nouvelle conquête, Your New Cuckoo.
Et puis face à l’impulsivité et la colère, on retrouve la froideur des sentiments. La fameuse one night stand où Persson prend le rôle de la reine de glace, titre donné par la presse de l’époque, et qui fait encore rire aujourd’hui la principale intéressée. Il y a aussi la séduction éphémère de Heartbreaker ou bien la montée d’adrénaline avant un premier rendez-vous que l’on a tous connus, dans Happy Meal II.
Mais il y a surtout Iron Man, la cover de Black Sabbath, totalement à l’opposé de l’original, qui montre à quel point les références du groupes sont à des kilomètres de ce qu’on pourrait attendre d’eux. Des aventuriers pop comme on en fait rarement de nos jours.
Nina Persson. Le cool de mes 13 piges. Faut dire qu’on ne voyait qu’elle. L’attraction des médias. Jolie poupée des contrées gelées. D’elle, on voulait connaître ses fringues et son maquillage, tandis que les gus servaient de mode d’emploi aux journaleux curieux d’en savoir plus sur les compos.
Tout d’un coup, l’amnésie frappait les mecs tenant le micro. Oubliée la Persson ayant composé la moitié du disque comme une grande. Oubliée la chanteuse à l’interprétation intrigante. Il n’y avait qu’en pantalon de cuir et cigarette sur le bout des lèvres qu’elle pouvait se permettre d’exister.
Une image gravée dans le marbre alors que n’était qu’une facette de Persson. Un état d’esprit coulé dans la création du moment, avant d’être lâchée pour se soustraire aux traits d’une autre et ainsi de suite. Drôle comme la surface n’épouse jamais le fond des choses quand on est une femme.
Ce disque, c’était toute mes années collège. Losers, m’apprenant à ne pas me conformer aux attentes des autres, me faisant prendre conscience que seule ma propre peau comptait dans ce combat incessant à la popularité. Il m’a aussi laissé entrevoir ce que c’était d’être une femme, dans toute sa complexité, dans toute sa difficulté, et que les contraires n’étaient pas forcément une impossibilité.
Ouais, ce disque, je l’aime vraiment bien.
Je pense qu’on devrait lui donner une deuxième chance.