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mercredi, 22 février 2017

TREIZE 17 : UN POISON NOMME RHONDA

Par
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Le premier épisode du roman-feuilleton Treize se lit ici

Le dernier épisode est là

J’étais persuadée que Caroline et V. étaient partis pour « faire un petit bout de chemin ensemble », comme ils disent dans les séries télé.

Ils seraient sortis ensemble pendant toute la fin du collège, du lycée, il lui aurait envoyé des fleurs et ptet même qu’il se serait tatoué son nom quelque part.

Il y avait juste un truc que j’avais pas prévu.

Rhonda.

Elle, je ne l’ai pas vu venir.

Et pourtant j’ai du nez normalement pour ce genre de trucs. Je la sens, la foudre, avant qu’elle ne me tombe sur le coin de la gueule, et dans ces moments-là j’évite de me cacher sous un peuplier. Mais là, je ne sais pas, la tristesse sans doute, ou le nez trop porté sur mes sentiments défoncés à la hache, je me suis faite avoir comme une bleu, ce qui est très con, surtout quand on s’appelle Marine.

Virée de son collège, lui aussi en périphérie de Tours, elle a débarqué un jour, un jeudi pour être précise, au milieu de la cour, avant qu’il ne fasse jour. Tout de suite, il y a eu un attroupement conséquent autour d’elle, nouvelle bête de foire du bahut, l’attrait de la nouveauté dans un établissement où même une course à pieds pouvait créer l’événement (chaque printemps, les Foulées de Fondettes, infernal, surtout quand t’es comme moi, que t’aimes bien courir mais que t’es obligée de pas le faire parce que c’est pas cool).

Je ne me suis pas approchée, on n’est pas au cirque quand même, c’est quoi la prochaine étape, je lui touche la joue avec mon gros index pour voir si elle est faite de chair, tout comme moi ? Ça va là. C’est ridicule. Je déteste l’effet qu’ont les nouveaux venus en milieu d’année sur le reste du monde. On dirait qu’ils ont quelque chose de spécial, par rapport aux autres, et c’est faux : ils ont juste des parents qui ont merdé et qui n’ont pas compris que l’année scolaire débutait en septembre, c’est tout. Et, même si elle s’était faite jarter parce qu’elle était plus souvent devant que dedans son bahut, je n’allais pas non plus la féliciter en lui accordant un peu de mon temps.

Qu’elle profite de ses quinze minutes de gloire à l’échelle locale.

J’ai décidé d’être au-dessus de ça, j’ai d’autres chats à fouetter, genre moi et mes choix de merde par exemple ou mon petit cœur brisé qui peine à se recomposer. De toute façon, je compte sur l’écho général pour me donner de ses nouvelles.

J’ai fini par la croiser dans un couloir, avant le déjeuner. Sandra m’a donné un coup de coude quand elle passait à côté, « pour bien que je me rende compte du personnage »

Quelle déception.

Avec son nom qui était chuchoté par toute la gente masculine, j’ai vraiment une réflexion de grognasse, un truc du genre

Ah mais c’est pour ça que tout le monde s’emballe ? »

(ouais j’ai vraiment dit « ça », t’imagines à quel point je suis une conasse)

Plutôt ronde, Rhonda (ouais, pas de bol non plus niveau prénom, franchement je serais elle, ça plus la rentrée en janvier et je leur fous un procès direct au cul à mes parents) était boudinée dans une tenue 100% Jennifer. Jean clair tout moulax, elle portait un pull col en V super décolleté et tellement acrylique que mes yeux se prenaient un court jus rien qu’à le regarder. Au dessus, comme si elle était Aaliyah mais en nul, version écran total élevée à l’ombre des vignes, elle avait enfilé négligemment un bombers blanc, immaculé voire un peu trop (on voyait les plumes par transparence), qui tombait de ses épaules, et une écharpe mal mise de hippie, surement achetée sur le marché de Tours (c’est là aussi que je me procure mes boucles d’oreilles en forme de fausse virgule Nike).

Mais le pire, c’était vraiment son visage. Alors qu’elle était en cinquième (oui, j’avais évidemment pris des renseignements, je voulais pas non plus être à la ramasse), Rhonda réalisait déjà chaque jour un contour des lèvres bien plus foncé que ses lèvres normales, portait un piercing au nez dont la pierre venait de se barrer –enfin c’est ce qu’elle disait à tout le monde, qui suis-je pour juger mais on elle aurait pu en mettre un autre ça fait pas spécialement propre-, et surtout elle se teignait les cheveux avec une couleur noire, profonde, avec des reflets bleus. Tous ensemble, ses attributs esthétiques cochaient dans mon petit cerveau de meuf du catéchisme toutes les cases de la vulgarité, en tout cas pour nos 14 ans (on avait le même âge, elle avait redoublé, et j’avais fêté mon anniv au mois de novembre dernier). Une vraie cagole, avant que je ne sache ce que c’est.

Ma maman me dit toujours que c’est vraiment dégoûtant, la vulgarité et que j’ai le temps pour ça. C’est vrai. Mais je suis pas dupe non plus. Je vois ce que ça provoque. Ça fait vriller un truc dans le cerveau du sexe opposé.

Et Rhonda laisse dans l’air un truc que personne ne peut normalement laisser à mon âge.

Le parfum du cul.

Sa façon de marcher, sa façon de rire, sa façon de faire claquer son chewing-gum, sa façon de mettre en avant ses boobs, personne n’avait su le faire avant, en tout cas ça ne m’avait pas jamais autant sauté les yeux, genre ça peut faire ça en vrai les meufs, ça peut faire perdre complètement la raison.

Et tous les garçons sont tombés dans le piège, son prénom circulait plus qu’un CD deux titres de La Clinique.

La Playa - Clinique

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J’ai vu le regard de tous les garçons d’Indre-et-Loire changer.

J’ai vu des copains à qui je parlais ne plus être capable d’enchaîner un mot quand elle passait derrière moi, mais jeter un regard derrière mon épaule.

J’ai vu Thomas Micron lui remettre une mèche derrière l’oreille et lui proposer de la raccompagner chez elle en scooter alors que je sais qu’elle habite à 5 minutes du bahut, sérieusement, c’est quoi le délire.

J’ai vu les mecs qui attendaient toujours dans le collège sans qu’on sache trop pourquoi (sérieux, vous foutez quoi ? Vous avez pas un boulot ? Des cours ? Une vie ?) lui parler à plusieurs, tard, alors que je sortais d’un conseil de classe qui avait duré trop longtemps.

Et t’inquiète pas que moi j’ai pas le temps de glander hein, ya Papa Normand dans ce cas-là qui m’attend en klaxonnant, la tête sortie de la voiture pour me demander pourquoi j’avance pas plus vite parce qu’il doit ouvrir son bar ce soir.

J’ai vu des mecs se bousculer pour allumer sa cigarette, des malboros qu’elle crapotait le matin, et dont son rouge à lèvres beige marquait à jamais le mégot.

J’ai même vu sa cousine, elle aussi au collège, et jamais la dernière niveau montrage de nombril, être choquée de faire piquer toutes ses techniques par une fille qui avait un an de moins qu’elle.

Les boules quand tu te fais virer de ton poste de brigadière en chef du cool.

Et j’ai vu V. avec les yeux en forme de cœur, délaisser son petit chat pas capable de grand chose en quelques jours. Caroline était peut-être d’une douceur et d’une fragilité incomparable, elle dégageait autant de trucs que du porridge avec du raisins secs. T’es content quand t’as faim, mais en vrai…

En quelques jours, Rhonda avait tout ravagé.

Une semaine après son arrivée, V. et Caroline se sont séparés, sans préavis. Je ne le sais pas parce qu’il me l’a dit (on est toujours fâchés A MORT) mais parce que j’ai entendu Caroline pleurer au gymnase. Il lui a dit qu’il ne l’aimait plus et voilà, c’était terminé. Il était devenu la nouvelle cible de la haine de Gaëlle mais il s’en contrefoutait, je connaissais la bête, il essayait d’établir un nouveau plan.

Elle était cruche mais pas conne Caroline, elle savait qu’une fois que le défi qu’elle représentait avait été remporté, la dé-nunucherie accomplie, V avait besoin d’un nouveau challenge.

Et ce challenge, il se trouvait surement entre les seins de Rhonda.

La suite se lit ici

Marine

Leader Autoritaire
Marine est née en 1986 et vit avec un petit chien trop mignon. Après avoir joué avec des groupes de filles ultra classes d'après les autres membres (Pussy Patrol/Secretariat/Mercredi Equitation), elle gagne sa vie en écrivant sur des sujets cools et se la pète déjà un peu. Ca ne l'empêche pas de traîner en pijama dégueulasse le dimanche en essayant de twerker mal sur du William Sheller. L'AMOUR PROPRE C'EST DÉMODÉ OKAY.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com