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Treize est un roman feuilleton qui est publié au gré du vent sur RETARD. Le premier épisode se lit ici
Et le précédent se trouve là si t’es en RETARD (thundermégalol)
De retour chez moi, je me mets devant mon ordi et je glande sur mes blogs préférés de chez 20six. J’ai mon petit rituel avant d’aller me coucher. Je me balade d’abord sur celui de Virginie Despentes, puis celui de Violaine Schultz, d’Elise Costa et je termine par Petite Etoile. Je me dis qu’un jour moi aussi j’arriverai à être une Suicide Girl et puis peut être à écrire, je gribouille ensuite quelques lignes dans un carnet que je finis tout le temps par fermer en me disant que les quelques lignes présentes sur le papier sont à chier.
Du coup, pour ouvrir un blog, ça s’annonce compliqué.
Des fois, quand mon cerveau est vide, que je n’ai plus envie de penser à rien, je me fous sur mon futon, je regarde le plafond, et je me remémore mon adolescence, et je joue à un jeu qui m’épuise, où j’imagine les choses qui auraient tout bouleversé si je les avais changé. Qu’est ce qui ce serait passé si j’avais dit ça à Gilles qu’il me plaisait grave cet été entre la seconde et la première ? Et si j’avais été acceptée à hypokhâgne à mon arrivée à Paris ?
Il m’arrive aussi de repenser aussi parfois au collège, souvent en période d’insomnie, mais ces souvenirs me font un peu plus mal. C’est une période que je vis comme une blessure dont je n’arrive pas à guérir, mais que je ne peux pas m’empêcher de gratter. J’ai tellement un sentiment de non aboutissement
Auquel je ne peux pas faire grand chose.
Je tape parfois le nom et le prénom de V. dans google, et puis dans Yahoo, voir si quelque chose ressort, et il n’y a jamais rien. Il n’est peut être pas friand d’internet, alors que j’y passe moi presque toutes mes nuits. Sur copains d’avant pareil, je suis dans l’incapacité de retrouver sa trace. Et le fait d’avoir perdu contact avec tous mes amis de Touraine ne m’aide pas pour autant. Des fois je me dis que je pourrais me pointer devant chez lui, il doit peut-être encore habiter chez ses parents, mais de Paris à Fondettes il y a bien trois cents bornes que je ne peux pas faire et j’aurais l’air de quoi moi cinq ans plus tard ?
D’une grosse mongole,
En plein dans le mille.
Du coup, en attendant de trouver la solution magique, ou d’avoir les couilles de chercher son numéro dans l’annuaire, j’envoie des textos à Barthélémy, qui me répond quand il a le temps, des trucs dont, au fond de moi, je le sais, je me fous. Ça doit l’occuper, moi aussi. Je finis par m’endormir en me rappelant que demain, on doit se retrouver à une fête ensemble, chez un ami commun, à l’autre bout du monde.
Le lendemain après une journée à avoir potassé des livres pour rattraper le retard culturel que j’ai l’impression d’avoir sur toute la jeunesse parisienne, et après un verre avec mes cousines, j’arrive tard, presque avec le dernier RER, dans cette maison de banlieue parisienne tout au bout de ligne B. J’ai marché en plus 20 minutes sous la pluie et je suis déjà un peu saoule, la faute aux pintes de blanche que je me suis enquillée avec les membres de ma famille, jamais les dernières pour faire la fête.
Dès mon arrivée, alors que tout le monde clope devant la porte d’entrée pour ne pas que les rideaux de la mère de Florian sentent les malboros, je sens le regard suspicieux de Victor, mon meilleur pote, qui angoisse et n’arrête pas de me rappeler que je sors trop.
C’est pas vrai,
Mais c’est pas faux.
Andrzej Żuławski a sûrement raison, les nuits sont souvent beaucoup plus belles que les jours, et plutôt crever que d’être le genre de fille occupée seulement la journée. A la recherche constante du divertissement pour éviter de réfléchir au grand point d’interrogation que peut être ma vie, je m’épanouis entre deux pintes et des concerts, souvent mauvais, dans les squats de Paris et de sa proche banlieue.
Mais ce soir, après avoir évoqué longuement cette relation nulle avec mes cousines, je décide qu’il est temps d’aller parler avec Barthélémy, et de lui dire que nous deux ça peut pas continuer comme ça. On peut sortir ensemble, merde, ça coute rien de sortir ensemble, après tout on a 18 balais je vais pas non plus lui passer la bague au doigt, ça sera comme maintenant sauf qu’on pourra être bien, tous les deux, c’est chouette aussi d’être deux. On pourra regarder la Star Academy et faire des blagues sur les candidats, moi j’ai juste envie de passer un peu de temps avec lui, putain, c’est pas plus compliqué que ça.
Alors que je m’apprête à rentrer dans la cuisine, Victor me dit que non. C’est bon, on peut aller dans une autre pièce, il y a aussi des bières dans le salon. J’insiste. je viens de marcher dans le froid, j’ai le droit de me choper un bout de pizza et une heineken dans le frigo.
Quand je pousse la porte j’ai l’impression d’être dans une télénovela tellement nulle que je ne suis même pas surprise ni triste. Juste conternée. Appuyé contre la cuisine américaine de la mère de Florian, faisant l’adulte alors qu’il n’a encore que du duvet au dessus de la lèvre, je vois Barthélémy parler de très près à une jeune fille. Elle a bien quatre ans de moins que nous, c’est ridicule, elle doit être encore au lycée et n’arrête pas de glousser. Lui, rond comme une queue de pelle qu’il aimerait bien rouler à cette fille qui porte des mitaines,
ALLO
DES MITAINES
Je trouve la situation tellement absurde et débile que je n’arrive même pas à être triste.
C’est juste affligeant. Mon corps se raidit et j’arrive à faire abstraction, évitant à tout le monde les crises qui ont pourtant fait ma réputation. Je contourne le couple en carton qui sent bien fort le houblon, j’atteins le frigo, prend une bière et repart de la cuisine la tête haute.
C’est bon. Game Over. Je remballe tous mes pions et je rentre chez moi. Lui ne bouge pas d’un poil, les yeux torves, incapables de énoncer une pensée précise. Quel blaireau punaise, comment peut-on s’éprendre de mecs aussi nuls, et s’en apercevoir soudainement, comme si Bataille et Fontaine venaient de tirer le rideau et qu’ils dévoilaient le pire blaireau de tes années lycée ?
Je me dirige tranquillement vers la sortie, récupérant les affaires que je venais à peine de poser. Quelques mecs que je croise sporadiquement à ces soirées en zone 5 prennent l’air faussement déprimé quand j’enfile mon manteau.
« Oh nan tu pars pas déjà«
Prends pas cet air triste, toi qui n’a retenu mon nom qu’après avoir appris que j’étais célibataire, et rassure toi. Ce n’est pas parce que je serais restée quelques heures de plus à supporter votre sélection prog rock de blaireau que j’aurais eu envie de coucher avec toi.
C’est bizarre, il vient de se passer un truc. J’ai l’impression de gérer pour la première fois de ma vie. Je suis plus une victime ni la reine de la chouine. Cette fois ci, je vais rien ramasser du tout ou laisser quelque chose à qui que ce soit. Plus rien en moi ne se brise au contact de débiles. Je suis mongoloproof. Je repense aux paroles de Beyoncé dans les destiny’s child, de Kathleen Hanna dans le Tigre, de Virginie Despentes aussi, je repense à ce que m’avait dit V.
Je me casse.
De cette soirée
De l’emprise de ce blaireau
De tous les garçons que je fais semblant de supporter.
Alors que je suis déjà dehors, emmitouflée dans mon manteau avec un reste de pizza dans la main et ma canette de l’autre, Victor essaie de me rattraper
- « Oh mais c’est con Marine, tu es en train de tout gâcher et puis tu es saoule, rentre pas comme ça, vous pourriez rester amis en plus non ? »
- « Rester amis ? Plutôt crever. Mais t’inquiète pas, je m’en fous. On passe à autre chose. »
Il n’ose pas me regarder dans les yeux.
- « Dis Victor, sois cool, tu veux pas me déposer à pieds à la gare RER s’il te plait ? Il est tard et j’ai pas envie de me faire emmerder. »
- « Ce que tu peux être chiante, tellement chiante… »
Il respire un peu fort et me tourne le dos.
- « Attend moi là, je prends mes affaires et j’arrive. J’étais venu pour te voir de toute façon. Je rentre me coucher. »
Je patiente en souriant. Je choisis tellement mieux mes amis que les garçons dont je tombe amoureuse, le constat est sidérant
Après s’être barré en évitant soigneusement de dire au revoir à tout le monde, collés serrés pour essayer de garder un peu de chaleur, on se dirige vers la gare de Mitry Claye en chantant du Turbonegro entre deux bouchées de quatre fromages un peu froide, mais au bon goût de victoire.