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jeudi, 27 octobre 2016

TREIZE 8 : MAUVAISE FILLE

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Treize débute ici

Le dernier épisode se lit là

Il y a des gens qui règnent sur des territoires avec la méchanceté d’un yorkshire à peine castré. Aimable de loin, et infâme de près.

Il en était ainsi de mon ancien groupe d’amies.

En cinquième, ma silhouette difficile essayait comme toutes les autres silhouettes difficiles de survivre au milieu d’un environnement hostile. Chaque jour était dédié à anticiper puis éviter les horreurs ou les moqueries qui peuvent fleurir sur toi et prier pour ne pas se retrouver surnommé de manière immonde. Mes vêtements soigneusement choisis par ma mère ne m’aidait pas vraiment à me faire une place de choix dans la pyramide sociale, comme mes activités scolaires (tennis et catéchisme ? REALLY?) Caleçons a pois, doudoune longue, chemise brodée de fausses bretelles duquelles pendaient des dalmatiens mal réalisés, il me fallait chaque jour une grande respiration pour passer le portail blanc. Deux minutes nécessaires pour être prête à encaisser toutes les remarques possibles et inimaginables sur mon look de fille à maman.

Si les enfants sont durs, les adolescents sont pires.

J’ai ainsi passé bon nombre de soirées à maudire mon placard et prier pour le dieu Décathlon souhaite s’occuper de moi.

Dans ma classe, pourtant, un groupe de filles ne faisait pas face à ce problème. Pas sapées en jogging, non, plutôt dans un panel de fringues venant tout droit des plus belles pages du catalogue des Galeries Lafayettes, elles évoluaient entre elles, se regardant grandir dans les pupilles des autres. Bonnes élèves, bien élevées, très belles, discrètes mais acides, elles se préparaient à régner des siècles et des siècles sur les envies masculines et la jalousie de leur pairs.

Parce que je me pensais capable, parce que j’avais envie d’être comme elles, j’ai tenté d’intégrer leur groupe. J’arrivais parfois à m’incruster à leur table à la cantine, ou a leur devoir de groupe en SVT. Elles évoquaient alors leurs coups de coeur pour des garçons rencontrés sur la côte Atlantique, ou leur prochain voyage aux Etats-Unis, alors que mes cheveux sentaient encore la frite du snack de mes parents.

Au fur et à mesure de l’année, peut-être par excès d’assurance, j’ai fini par me considérer comme leur amie. J’étais souvent sollicitée pour rejoindre leur fine équipe, le temps d’un devoir ou d’une moquerie (dont je n’étais plus la cible). Et j’ai fini par croire, comme dans une comédie romantique, que j’étais devenue trop bien, comme Rachel Leigh Cook.

Sauf que Rachel Leigh Cook n’a pas eu à affronter Gaëlle.

Propulsée par la seule force de sa moustache et de sa répartie amère, voire ignoble, Gaëlle a du jour au lendemain intégré la team, loup dans la bergerie. Ni belle, ni sympathique, ni intelligente, elle suintait la méchanceté et l’aigreur qui transparaît encore sur son visage. Je n’ai jamais compris ce qu’on pouvait lui trouver. Elle fut pourtant rapidement la nouvelle langue de vipère dont on ne pouvait pas se passer, ayant toujours quelque chose à dire ou à critiquer. Jamais finement, mais elle savait toujours trouver la faiblesse qui te faisait te sentir comme Roman d’Alliage : inutile.

Des gens comme Gaëlle on en croise tout au long de sa vie. Ils dégagent un truc malsain, attirant mais dont tu connais l’objectif : te noyer dans l’océan de ta merde. Je l’avais lu dans le courrier starclub, et j’ai donc mis mes distances. Judas dans ma fine équipe d’apôtres (et croyez-moi, c’était pas moi Jésus), je restais loin tout en essayant d’être intégrée, me rappelant les paroles de Jalane pour me donner du courage. ne pas se laisser impressionner, putain, moi aussi je suis une femme d’avenir.

J’ai tenu bon.

Jusqu’au printemps.

Notre collège organise chaque fin année une boum dans la salle polyvalente de l’Aubrière, qui ne faut surtout pas manquer de peur de passer pour un naze (ou pour le dernier fan des G-Squad). Ayant eu en sixième la permission de 22 heures, j’espérais cette fois-ci pouvoir rester jusqu’à minuit, un samedi, dehors, du haut de mes 12 ans. Après un travail longuement mené sur ma mère (trois mois putain, TROIS MOIS DE DEMANDES INCESSANTES), je fus autorisée à rester jusqu’à la fin.

Ivre de cette nouvelle liberté, je me suis préparée une journée durant, imaginant des scénarios possibles avec Thomas Micron sur le slow de Titanic, ou en découvrant l’existence d’un admirateur, du même type que ceux proposés par le jeu du téléphone secret.

Pimpante, je débarque à 20 heures dans la salle. Je me rapproche de mon groupe, mes amies, mes sistas, alors que Gaëlle me tourne le dos. Leur regard est livide tandis que je m’approche. J’entends la phrase de Gaelle

« et j’espère que Marine ne sera pas là, qu’est ce qu’elle est collante cette fille, c’est pas possible, elle n’a pas d’amis ou quoi« .

Et la phrase coincée dans la gorge comme un sanglot.

Ou un molard. Ouais, c’est plus méchant, un molard

J’ai tourné instinctivement mes chaussures plateformes. Je ne me souviens pas vraiment de ce qui s’est passé ensuite.

Je sais juste que je suis rentrée à temps pour la trilogie du samedi sur M6. Ma mère, me voyant avachie dans le salon, n’a posé aucune question.

Je ne leur ai plus jamais adressé la parole. J’avais perdu toute envie de traîner avec elle, et elles n’ont jamais pensé à s’excuser.

J’ai du reprendre mes exercices de respiration à l’entrée du collège.

Je te reverrais en enfer Gaëlle. Je t’attendrais avec une pince à épiler.

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Marine

Leader Autoritaire
Marine est née en 1986 et vit avec un petit chien trop mignon. Après avoir joué avec des groupes de filles ultra classes d'après les autres membres (Pussy Patrol/Secretariat/Mercredi Equitation), elle gagne sa vie en écrivant sur des sujets cools et se la pète déjà un peu. Ca ne l'empêche pas de traîner en pijama dégueulasse le dimanche en essayant de twerker mal sur du William Sheller. L'AMOUR PROPRE C'EST DÉMODÉ OKAY.

Anna Wanda

Directrice Artistique et illustratrice
Anna est née en 1990 et se balade avec un collier où pend une patte d'alligator. Graphiste et illustratrice particulièrement douée (sans déconner), elle n'est pas franchement la personne à inviter pour une partie de Pictionnary. Toujours motivée et souriante, c'est un rayon de soleil curieux de tout et prêt à bouncer sur un bon Kanye West, tout en te parlant de bluegrass. Par contre, elle a toujours des fringues plus jolies que toi. T'as donc le droit de la détester (enfin tu peux essayer, perso j'y arrive pas). SON SITE PERSO: http://wandalovesyou.com