Quelques conseils simples pour que le meilleur plan drague au monde ne vire pas au fiasco.
Dans le grand jeu de l’amour et du hasard, il y a, au final, peu de choses qu’on maîtrise. Dès qu’on ajoute un élément inconnu dans sa vie, on ne contrôle plus tout à fait ce qu’il s’y passe. C’est le principe, les règles du jeu. C’est la partie « hasard » de vos marivaudages. C’est pourquoi, afin de vous permettre de trouver un semblant d’emprise sur vos séductions futures et tel un très mauvais Cyrano, je vais tenter d’insuffler à votre vie amoureuse quelques terribles conseils pour vous permettre d’accéder à vos desseins. L’intention est aussi louable que stupide. Je sais. Mais des années de recherches empiriques me permettent de vous le dire avec certitude, les musées sont, de loin, le meilleur plan drague qui soit.
Aussi, mieux vaut préparer un minimum sa visite. Voici quelques directives pour que votre date fonctionne en environnement muséal.
Choisir le bon musée
Qu’on soit bien clair, évitez à tout prix l’art contemporain. À moins que vous ne soyez tous les deux des experts ou que la mention “sapiosexuel(le)” apparaisse sur votre profil Tinder — et dans ce cas, s’il vous plaît dégagez d’ici — une expo d’art contemporain — ou pire un vernissage — est le meilleur moyen de ne pas être d’accord et par la même occasion de dévoiler très vite ce qu’il vous faudrait normalement des mois voire des années à découvrir : vous n’êtes pas fait l’un pour l’autre.
L’art moderne marche très bien, c’est rassembleur, personne ne déteste les impressionnistes, et en plus il est très facile de connaître un tas de choses dans le domaine.
Le plan de la photo peut être une bonne idée dans la mesure où vous évitez tout ce qui est grands reportages de guerre et tout ce qui a moins de 10 ans. Encore une fois, tablez sur de l’ancien.
En gros, allez à Orsay ou au Jeu de Paume.
L’exception du Palais de Tokyo
Voilà, pour bien commencer un guide, rien ne vaut une bonne contradiction dès le début. Le Palais de Tokyo peut être un superbe atout à vos viles manigances, le cadre est splendide, la terrasse pas dégueue et on s’y perd assez facilement. Seulement, étudiez la programmation. Préférez les gondoles de Celeste Boursier Mougenot à la carte blanche totalement déprimante de Tino Sehgal.
Choisir le bon date
Rassurez-vous je ne vais pas vous dire avec qui vous devez passer vos nuits et encore moins votre vie. Simplement, le plan du musée ne se propose pas à tout le monde, c’est une évidence, et la réciproque s’applique aussi, il n’est pas non plus à mettre entre toutes les mains.
Payez les places
On s’en fout que vous ayez -26 ans, que vous ayez une carte de presse ou que votre tonton soit gardien de nuit. Si vous êtes l’instigateur de ce plan diabolique, vous raquez. Point barre.
Ne pas faire tout le musée
Enfin surtout si vous êtes à Orsay. Si vous êtes à Beaubourg ou au Louvre, je ne peux rien pour vous. Vous avez délibérément choisi de ne pas écouter mon premier conseil, vous êtes désormais perdu dans les couloirs du temps. Votre future conquête se fait vraiment chier.
Préférez les nocturnes
Bah oui, gros malins ! D’ordinaire c’est le jeudi, mais vérifiez ici quand même.
Révisez votre Gombrich
Ou plutôt votre Wikipédia. Évitez de déblatérer vos fiches de révisions par cœur. Votre laïus sur l’impact de tel courant sur les mouvements sociaux de l’époque n’aura que le pouvoir de vous faire passer pour une pipe. Préférez à cela, quelques anecdotes un peu personnelles : « tu savais que Caillebotte avait participé à l’introduction du kayak et de la philatélie en France ? », je sais, c’est débile.
N’en faites pas trop
Comme je viens de vous le dire. Personne n’aime ceux qui la ramènent. Personne n’aime passer pour un con. Et si les grands formats de Courbet lui rappellent l’épisode où Monica et Chandler font des pâtes, il ou elle a aussi raison que vous.
Ne tentez rien devant une œuvre
Vous ne voulez pas que ça devienne « votre tableau », d’ailleurs, vous ne voulez rien. Préférez les escaliers et les couloirs. Les ascenseurs, seulement si vous êtes super sûr de ce que vous faites. L’attente post-échec peut être un peu longue.
Prévoyez une sortie de secours
Parce que oui, évidemment, mes conseils ne sont que peau de chagrin face à l’épreuve dans laquelle vous vous êtes fourré. En y réfléchissant bien, il n’y avait aucune chance que ça marche. Vous vous mettez à paniquer. Vos mains sont flasques et froides. Vous n’arrivez plus à enchaîner deux mots. Barrez-vous en courant. Sauvez l’autre de l’agonie. Sérieusement, c’est ce que vous avez de mieux à faire.
Un verre en sortant
Incroyable. Ça a marché. Sûrement parce que vous n’avez suivi aucune de mes recommandations. Dirigez-vous vers une terrasse sans passer par la boutique. Enchaînez clopes sur clopes. Regardez ensemble dans une même direction. L’art vous a sauvé.
À bien y regarder, je viens d’annihiler toutes mes chances de pouvoir filer un rencard au musée dans les 20 prochaines années. Pourquoi j’ai fais ce guide déjà ? Sûrement pour ça.