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mardi, 04 février 2014

UNE HISTOIRE DE PRINCE À PAILLETTES

Quand je serai grande, je serai un prince à paillettes.

Camille, grande gigue qui aime quand ça brille, ce pourrait être un sous-titre sur une affiche de comédie romantique. Ce serait dégueulassement cliché. Ce pourrait être une épitaphe, ça serait la plus cool du cimetière.

Comme toute petite fille qui se respecte et qui aime les paillettes, à 6 ans j’ai souhaité faire de la danse. Body rose avec du tulle, petites ballerines et raideur sans nom. Il paraîtrait que c’est typique de ceux qui poussent vite.

C’est bien d’être grande, tu verras, qu’ils disaient.
Pour le spectacle de fin d’année la professeure faisait toujours faire la même chose aux petites filles : Blanche Neige. Un bonheur pour nous toutes, pas encore sevrées de culture Disney.

La mise en scène était la suivante : devant, il y avait donc la princesse et son bien aimé, derrière quelques nains, tout le monde en couple. Elle ne nous avait pas dit qui serait l’élue, je me suis donc prise à rêver, avec mon teint blanc comme la neige, mes lèvres rouges comme le sang, mes cheveux noirs comme l’ébène à interpréter le rôle titre. Je me souviens que nous nous étions toutes jetées sur elle, attendant le verdict.
Pas de pomme pour moi et pire qu’exercer un nain, je serai le prince.

Oui.

Avec un tricorne rouge à grande plume blanche. Parce que la plus grande.

C’est bien d’être grande ?

L’extrême de la frustration n’a pourtant pas été atteint à ce moment là. Finalement je crois bien que je m’y étais faite à cette idée, sans être la princesse je serais au devant de la scène et mine de rien c’était mieux qu’être un nain avec un bonnet moche fait d’une paire de collants de laine. Mon costume de prince rouge et blanc était un vrai beau déguisement.

À quelques minutes d’entrer sur scène, parmi les premières parce que les plus jeunes, nous étions dans les belles loges de cette école de musique/salle de spectacles. Une quinzaine de petites filles et quelques ados là pour nous aider à nous préparer et à nous maquiller. J’ai eu droit à une jolie moustache et une petite mouche au crayon, un peu comme un mousquetaire. Un maquillage qui aujourd’hui me ferait rire, que j’assumerais mais qui sur le coup, je crois bien, m’a fait mourir de l’intérieur.

L’une des « grandes » a ensuite sorti un petit pot de paillettes, on s’est alors toutes excitées et installées en file indienne pour se faire poser sur les joues le graal du make-up. Une fois mon tour, enchantée à l’idée de devenir un peu moins prince et un peu plus moi, je me poste devant la jeune fille préposée à la tache et essuie un refus. Bim, coup de massue et cœur brisé : un prince ça ne porte pas de paillettes. Le coup de grâce.

UN PUTAIN DE PRINCE NE PORTE PAS DE PUTAINS DE PAILLETTES.

T’avais qu’à pas être grande.

Depuis, je me venge.

camille

Camille a bientôt 26 ans et un appareil photo qui miaule (ouais moi aussi je trouve ça bizarre). Chimène Badi dans l'âme (elle vient du Sud), elle a étudié le droit et le développement durable en Alsace, et travaille dorénavant dans le social. Mais Camille a aussi une vie bien remplie dans les internets et en vrai. Elle écrit, fait du Roller Derby, de la broderie, et rêve comme nous de vivre de sa plume et de ses clichés, ainsi que de pouvoir bouffer du fromage et de boire de la bière sans faire le plein de rototos. C'EST AUSSI NOTRE COMBAT QUOTIDIEN MEUF. On va y arriver.