D’aussi loin que je me souvienne, la conquête de la liberté a toujours été pour moi une priorité. Pourtant cette dernière a toujours été un concept un peu flou, un mot valise qui regroupait tout un tas de choses, d’idées jamais vraiment formulées.
Si on m’avait demandé il y a quelque temps encore de la définir, j’aurais naïvement dit qu’être libre c’était de n’avoir aucune contrainte, de ne rien avoir à faire de ses journées autre que de rêvasser assise sous un arbre, un bouquin à la main, à la grande limite. Pas de job, pas d’attaches. Niet.
Je me rapprochais quelque part des définitions académiques, qui je vous le donne en mille affirment, que « la liberté est l’état d’une personne ou d’un peuple qui ne subit pas de contraintes, de soumissions, de servitudes exercées par une autre personne, par un pouvoir tyrannique ou par une puissance étrangère. C’est aussi l’état d’une personne qui n’est ni prisonnière, ni sous la dépendance de quelqu’un. »
Jusqu’ici cela faisait plutôt sens. Etre libre = ne penser qu’à sa petite pomme et ne pas avoir de patron un peu casse burnes qui te rappelle à l’ordre parce que tu n’as pas répondu assez vite à ses bafouilles, ou que sais-je. Toute ressemblance avec un ancien employeur est évidemment fortuite.
Il y a quelque jours, et alors que je coule mes jours le plus librement du monde depuis quelques mois maintenant (liberté ici = chômage), c’est une séance de cinéma qui a totalement bouleversé mes croyances.
Le film en question « Dans les forêts de Sibérie », réalisé à partir des écrits de Sylvain Tesson, grand voyageur devant l’Eternel, met en effet à l’écran un homme d’une trentaine d’années, en tout point semblable à nous : responsable dans je ne sais plus trop quel domaine du marketing ou de la communication. Usé, il craque et se retire loin du bruit de notre monde, pour s’isoler dans une petite cabane de rien du tout, au bord du lac Baïkal, gelé, à la recherche de liberté.
Sur place, il exulte premièrement. Il hurle, danse, il pleure. Il prend le temps de lire, de marcher, de s’écouter, car ici le temps n’a pas d’emprise. Bref, il a réussi son pari suprême : celui de partir à la rencontre de la nature et de soi.
Après une courte période d’euphorie, il se rend rapidement et finalement compte que la vie sur ces terres n’est pas des plus faciles et qu’il lui faudra ici aussi subir des contraintes, cette fois météorologiques. Que la nature est ici une puissance tyrannique à laquelle il est dur de se frotter et qu’il est même préférable de s’y soumettre. Faute de quoi on n’y survit pas…
Sur le papier, notre personnage semble donc se heurter à la définition précédemment énoncée. Et si l’on s’y réfère uniquement, la liberté de Teddy, puisqu’il s’appelle ainsi, semble ainsi s’être évanouie, fanée, face aux lois d’une nature implacable.
Pourtant, ce dernier ne s’est jamais senti aussi libre, et ce malgré toutes ces contraintes extérieures à sa propre volonté. Là-bas Teddy s’est en fait affranchi de ce qui l’encombrait jusqu’à maintenant. En choisissant de partir, il s’est libéré de ses croyances, les seules véritables chaînes qui l’immobilisaient jusqu’à maintenant.
La découverte de ce film a été une révélation terrible ; car depuis, comme Teddy, mes croyances ont volé en éclat. Ce soir là, j’ai en effet compris que la liberté ne signifie pas de refuser de bosser, de refuser d’avoir un appartement, d’opter pour une vie d’ermite au fin fond de la forêt de Brocéliande. Non, la vraie liberté vient lorsque l’on se détache du regard, des attentes conscientisées ou non des autres, de ce que l’on croit, au profit de ce que l’on souhaite véritablement. La liberté naît du choix, véritable, et non subit, et elle implique elle aussi tout un tas de contraintes, aussi antinomique que cela puisse premièrement paraître.
C’est en effet en choisissant qu’elle allait être sa route que Teddy est devenu un homme libre. En choisissant seulement, Teddy a modelé SA liberté.
Et peu importe la ou les routes, car il existe finalement autant de définitions de la liberté que d’humains sur cette planète. Qui tantôt voyageront, tantôt auront une vie paisible, tantôt opteront pour un travail de bureau. Peu importe, tant qu’il s’agit d’un choix véritable.
Ce soir là, j’ai compris que la liberté était singulière. Plus important encore, ce soir là j’ai compris que j’avais le choix et que je l’avais toujours eu. Ce soir là, j’ai compris que j’étais libre et que nous l’étions tous.