Sous-texte : ou rester en couple en étant féministe (hétéro dans le cas exposé)
Y a un truc qui me travaille depuis quelque temps. Depuis que je dors avec la même personne plusieurs soirs de suite, café au réveil.
Voilà, déjà se mettre avec quelqu’un quand on a quelques casseroles - à savoir une ou deux histoires d’amour et quelques types louches (casseroles, louches, il est midi j’ai faim) - c’est un peu compliqué : on peine à se faire confiance parce qu’on a eu ses histoires, parfois soldées en échecs et pour s’y remettre difficile de ne pas chouiner.
Et peut être que l’un était avec une autre depuis mille ans et du coup pour repartir de zéro ne sait plus comment on fait pour changer ses habitudes. Et peut être que l’autre errait seulabre depuis mille ans (bien que Tinder puisse dépanner et t’ait fait voyager aux Sables d’Olonne) et du coup ne sait plus comment on fait pour être à deux.
Comment on fait pour remodeler à sa façon un binôme de choc monogame (des étoiles dans mes yeux) après la toundra des applis de rencontre et du passé de chacun.
Le résultat c’est qu’on peut ressembler à deux chatons au bord de l’eau. On n’aime pas des masses.
Soit, ça c’est la première chose.
La seconde, tout aussi importante et qui arrive en filigrane c’est : qu’entre temps avec le célibat, l’indépendance flamboyante, le fait juste de grandir, on a eu l’excellente idée de découvrir le féminisme (ou l’antisexisme ça marche aussi). Bon on l’était déjà au lycée mais c’était moins réfléchi. Là on a lu des articles un peu partout, parcouru le Deuxième sexe, Causette, Poulet rotique, Sciences humaines, Retard, vénère les docu Arte sur le sujet, etc. On a discuté avec ses ami.e.s avec qui ça peut être compliqué de faire réaliser le sexisme au quotidien : dans la rue, au travail, avec ses proches, dans le discours de chacun (c’est là qu’il est le mieux caché le coquinou).
Et tu dois constamment justifier tes propos, encore et encore, et ça te fatigue, d’autant plus quand tu SAIS que tu as raison. Il n’y a presque que les Scandinaves ou les Québécois avec qui tu n’aurais pas constamment besoin de te justifier ce qui te procure un bien fou. En attendant tu vois des nanas engluées dans leur syndrome de Stockholm et continuent à se tirer des balles dans le pied - coucou Christine Boutin, mais également les Caryatides (meufs néo pétainistes) pour les extrêmes entre autres, et juste ta maman ou une amie pour les personnes moins atteintes.
Et c’est long d’attendre le réveil des autres et tu voudrais que ça AILLE PLUS VITE. (bordel).
Donc je disais, qu’entre temps tu es devenue féministe, et que le monde n’avance pas autant que toi, et que ça t’attriste un peu quand ça concerne tes proches. Qu’avec tes proches ça rend les choses insupportables parfois. Que leur discours insidieusement t’influence puisque tu es en confiance (et parfois seule contre le groupe tu te dis merde je suis presque à court d’arguments et si j’avais tort ? == ERREUR)
Alors quand on rencontre quelqu’un, que l’amour, les casseroles et les louches le plan de travail l’eau les chatons etc,. Comment fait-on.
On débat, on réfléchit et c’est enrichissant ces échanges.
Alors Imaginons. Imaginons qu’un jour où tu reviens d’un concert où quelqu’un a claqué ton soutif parce que tu avais un décolleté dans le dos (alors qu’à la base le but c’était pour cacher tes tétons si tu n’en mettais pas, bon de toute façon quoiqu’on fasse hein…) qu’un type t’a trouvée charmante dans le métro et que plus tôt sur ton lieu de travail un autre a fait une réflexion sur ta tenue trop courte : BON.
Du coup tu auras quand même enlevé le soutif pour plus de confort pendant le concert et tu rentres chez l’autre comme ça. Tu arrives et te dis chouette, je suis dans un cocon, l’intimité c’est réconfortant. Il est ravi pas de soutif c’est génial ça l’allume un peu. Mais. Sur un ton qui se veut blagueur et comme une mignonne jalousie te dit que ça lui plait moyennement.
Alors ? S’énerver ? Ou méfiance exagérée ?
L’autre jour j’ai lu un excellent papier à ce propos mais concernant le racisme. Une femme afro-américaine parlait du quasi-échec de son mariage à cause du racisme latent de son mari mais aussi de son silence à elle face à ça, avant qu’elle ne conscientise le tout et remette carrément son mariage en question : faute d’être incomprise par l’autre qui ne saisit pas son propre racisme sous-jacent. Elle est dans une relation logiquement de confiance, mais…
De fait j’y ai trouvé pas mal de similitudes avec le sexisme (et j’ai tiqué aussi dans la mesure où elle disait que pour le coup son mec n’était pas sexiste du tout - perso racisme et sexisme sont bien assortis généralement, mais c’est mon avis).
Du coup je me pose la question suivante : Comment on fait même si la personne en face vous aime et tend à aller dans votre sens, vous en étant féministe, pour essayer de vaincre par tous les moyens un patriarcat dans lequel on évolue (donc y étant conditionnés tous les deux) et faire en sorte que ça marche entre vous ? Sans avoir à devoir faire de pédagogie permanente. Ne pas lui en vouloir de ses propos qui semblent déplacés, sans les prendre au quart de tour. A ne pas confondre jalousie et possessivité. A ne pas s’en vouloir de rester muette devant les relents de sexisme ? Ne pas être aliénée par ses propres principes ?
(Bon je la joue pas drama-queen non plus, juste je pose ça là)
Eh ben… la jouer pédagogue, prosélyte et tout ce que vous voulez. Discuter sans entraves, parfois en vous énervant parce que ça vous fatigue, et en restant calmes aussi parce que bon, crier ça épuise et l’autre aussi un peu (même s’il doit comprendre que vu le système dans lequel vous vivez vous avez bien le droit de vous insurger contre ça). Agrémenter le tout d’articles, podcasts ou que sais-je, et en profiter pour lui dire qu’à lui aussi le patriarcat ne lui profite pas toujours.
J’en veux pour exemple l’image tellement naze de l’homme « viril », mot dénué de sens pour moi aujourd’hui : un type plein de poils et de muscles qui ne pleure jamais, qui a toujours envie de ken avec son gros zizi turgescent et qui communique par onomatopées (oui bon j’extrapole un peu…). Image qui ne colle en fait à personne, puisque l’être humain est (à mon sens) bien plus complexe que ça. Mais bon on a bien compris que si on ne mettait pas chacun dans sa petite boîte ben ça fait peur, et nous on adore quand tout est bien rangé, et le chaos c’est mal.
Il faut donc un peu déconstruire le monde dans lequel on vit pour se construire son propre schéma de pensée et là en l’occurrence à deux. Vaste programme me direz-vous, mais pourquoi pas !
Après tout si vous êtes là ensemble vous devez bien avoir quelques valeurs communes, alors pourquoi pas celle du féminisme en bonus ?
C’était la bouteille à la mer, des bisous.
P.S : l’article sus-mentionné (en anglais si vous êtes motivé.e.s) https://theestablishment.co/my-husbands-unconscious-racism-nearly-destroyed-our-marriage-6eaeec301161#.2ayqy4ezu
P.P.S : pour les Caryatides si vous avez envie de rigoler très fort en pleurant doucement à la fois http://caryatides.fr/