RETARD → Magazine

mardi, 09 octobre 2018

J’ai repris l’alcool pour rester humaine

Par
illustration

Pour les lecteurs·trices attentifs·ves de Retard, vous vous souvenez parfaitement qu’il y a 2 ans j’ai arrêté de boire.

Ouais, c’est vrai j’avais complètement arrêté pendant presque 1 an et je me portais vraiment bien. Je grouillais d’idées, d’initiatives, de joie presque ! Oui, mais finalement j’étais aussi devenue une sorte de machine inhumaine à force de productivité et de pleine conscience.

Quand tu ne bois plus du tout, en tout cas quand JE ne bois plus du tout, je suis toujours à donf. Toujours. Physiquement, émotionnellement et intellectuellement. J’ai des exigences, des attentes, je me fixe des objectifs et je possède la volonté qui me permet de mener à bien de grands projets, de diriger mon business, de lire 4 livres en même temps, de danser 3 fois par semaine, d’éduquer ma fille, d’être au syndic de copro, d’appeler ma grand-mère, de faire mes courses zero waste à vélo, de garder du quality time avec mes amis, d’aller à tous les concerts et vernissages, de faire des bouffes, d’avoir un sommeil réparateur, de rire. Sobre. Rire sobre.

A priori c’est la vie parfaite mais en fait nan. C’est trop. Alors, oui, merci, je sais, ça tient beaucoup à mon caractère, tout le monde ne va pas devenir hyperactif absolutiste en arrêtant le Prosecco mais quand même.

L’alcool, mine de rien, ça permet d’être con. Et être con, désolée mais c’est le plus petit dénominateur commun pour être ensemble. Etre con, ça fait du bien. Ca permet de relâcher la pression, de perdre du temps, d’être juste là et un peu ailleurs à la fois. Ca permet de parler à des gens, ça permet de rouler des gamelles à des gens, ça permet de danser seins nus au Point Ephémère, ça permet de rire bêtement et de s’en souvenir un peu honteusement. (Oui, j’ai pas mal repris depuis).

Sobre, je suis un bloc, je ne tiens pas en place, je veux changer le monde.

Ivre, je suis diluée, le temps ne compte pas, je veux juste rigoler avec mes ami·e·s ivres.

Alors je vois venir celles et ceux qui vont me dire que je n’ai qu’à changer d’ami·e·s : la réponse est non, ils et elles sont des gens très bien qui m’acceptaient très bien sobre, ça leur faisait même un peu des vacances à vrai dire. Ensemble on s’est fait des expos, des cinés, du théâtre, des discussions à bâtons rompus sur des sujets passionnants…

Maiiiiiiiiiis c’était plus pareil non plus. J’étais respectée mais vachement moins invitée aux soirées déconne. J’étais un peu vexée et en même temps je comprenais : quand c’est soirée coke et onomatopées, est-ce que ça vaut vraiment la peine faire acte de présence jusqu’à 6 h ?

Et puis sobre, il y a vachement moins de place aux “heureux hasards”. Je ne parle pas juste de choper dans les chiottes, je parle de rencontrer, réseauter, découvrir des lieux improbables, entendre des histoires invraisemblables, écouter de la musique de merde.

Alors attention, ce texte ne fait pas du tout l’apologie de l’alcoolisme, l’alcoolisme c’est nul*. Je dis juste que la sobriété totale est un outil qu’il faut apprendre à maîtriser.

Pendant cette année de sobriété, j’ai fait un bond en avant extraordinaire en terme de développement personnel et professionnel. Et ? Et bien au bout d’un moment je me suis dit que j’allais faire une pause sur cette lancée incroyable, que j’étais déjà pas mal près des étoiles.

Nous sommes des humains, avec nos limites. Moi j’ai décidé que j’allais arrêter de progresser un peu, me la couler douce quelques temps, reprendre des Picon-bière et du vin chilien. Et quand j’ai besoin d’un coup de boost, de me recentrer ou d’être bonne, et bien j’arrête à nouveau pour une courte période (les vrais bénéfices c’est au bout de 3 semaines minimum, je te préviens), le temps de trouver ce que je suis venue chercher dans cet univers parallèle dénué de regrets.

* formule plus ou moins approuvée par la Loi Evin

Maxime Roy

Maxime Roy est né en 1986 et adore sa cafetière. Graphiste et illustrateur (t'as d'ailleurs surement vu son travail chez Gonzaï, fais pas genre), il nous en a mis plein les mirettes en illustrant un papier sur Conan O'Brien : sérieux, t'as vu les couleurs, les formes et tout ? Un breton plutôt malin avec ses mains, même si il ne sait pas encore siffler correctement avec ses doigts.